Au printemps 2013, UsedSoft, pionnier allemand de la vente de logiciels d’occasion, ouvrait une filiale à Paris. Après deux ans de présence, la société revendique 700 clients, des entreprises de toutes tailles.

Depuis 2014, elle constate une nouvelle tendance : les grands comptes et les sociétés cotées se tournent à leur tour vers elle. Les licences d’occasion permettent en effet de prolonger la durée de vie des versions de logiciels déjà installées sur les stations de travail de l’entreprise. C’est sans doute ce qui explique.qu’Office 2007 figure toujours comme son best seller en France.

Autre nouveauté, les ventes de licences d’accès clients (CAL) ont plus que doublé au cours de l’année dernière. Avoir recours à des produits de seconde main permet là aussi de contrôler les dépenses et de se conformer à la législation.

 » Le manque de licences est une atteinte au droit en vigueur et la direction de l’entreprise peut être inquiétée personnellement. En plus le paiement de dommages et intérêts est usuel et la réputation de l’entreprise est en jeu. La résolution du manque de licences passe souvent par l’acquisition et la mise en place de licences d’occasion « , explique-t-on chez Soft&Cloud, autre vendeur allemand de logiciels d’occasion installé dans l’Hexagone.

Bien que le logiciel de seconde main entre peu à peu dans les mœurs, bon nombre d’entreprises rechignent toujours à vendre ou acquérir des logiciels par cette voie.
Il est vrai que les éditeurs font tout pour les décourager, Une clause dans le contrat qui les lient au client interdit généralement la cession du droit d’utilisation.

Une jurisprudence européenne

Pour maître Fabrice Degroote du cabinet NeoLex Avocats, spécialisé dans le droit du numérique et des nouvelles technologies, de telles clauses sont abusives. « Même si une clause interdit dans la licence d’utilisation de pouvoir céder le droit d’utilisation, l’éditeur du logiciel ne peut pas s’opposer à cette cession. Au même titre que vous pouvez revendre une voiture, grâce à la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne du 3 juillet 2012, vous pouvez revendre un logiciel : celui qui vend sa voiture s’engage à ne plus l’utiliser. De la même manière, vous devez vous déposséder du logiciel », explique le juriste dans un vidéo mise en ligne par UsedSoft.

Précisons que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne  était prononcé suite à un litige entre Oracle et UsedSoft.

« Un droit d’utilisation rejoint le patrimoine de l’entreprise comme tout autre actif. Et comme tout autre actif, l’entreprise peut le ressortir de son patrimoine, et donc revendre le bien incorporel qu’elle a précédemment acquis. Les droits d’utilisation en tant que bien incorporel comme un autre peuvent donc être cédés. La revente d’un logiciel entraîne alors un transfert du droit d’utilisation attaché à l’exemplaire précédemment acquis (téléchargé), et donc un transfert du contrat de licence qui encadre ces droits, le nouvel acquéreur étant lié par ce dernier », indique de son côté le Cigref, Réseau de Grandes Entreprises dans un livre blanc publié avec SoftCorner, la place de marché dédiée aux logiciels d’occasion.
« Il est évident qu’un cédant ne peut céder plus de droits qu’il n’en a acquis, et la revente d’un logiciel ne peut bien entendu porter que sur le droit d’utilisation précédemment concédé, ni plus ni moins », précise le document.

L’acquéreur de licences d’occasion devra toutefois s’assurer que l’utilisateur initial a bien obtenu la licence sur le territoire de l’Union européenne et qu’il l’a désinstallée, sans conserver de copie. Une garantie que devrait offrir tout vendeur de logiciels d’occasion qui se respecte.
« Pour la sécurité juridique des acteurs, il est fondamental que ce type de marché soit maîtrisé par des professionnels :  ils garantissent une jouissance paisible des droits au nouvel utilisateur qui a ainsi l’assurance que tous les droits qui lui sont transférés sont authentiques », estime maître Fabrice Degroote.