Le Cloud semble irrémédiablement gagner du terrain face aux infrastructures sur site traditionnelles. Mais Gartner recommande aux prestataires IT de ne pas trop se précipiter.

 

Il en va du Cloud comme du réchauffement climatique : on relève chaque jour de nouveaux signes accréditant la thèse du réchauffement mais personne n’est formellement capable de démontrer que ces signes sont la conséquence du réchauffement. Ainsi, comment interpréter la baisse des ventes de serveurs trimestres après trimestres et les difficultés grandissantes des intégrateurs systèmes ?

 

Un marché des serveurs en berne

 

Selon les estimations de Gartner le marché mondial des serveurs a décliné de près de 4% en valeur au deuxième trimestre par rapport au deuxième trimestre 2012 (sur un total de 12,35 milliards de dollars), soit un recul de 500 millions de dollars. Et déjà l’année dernière, les ventes étaient en recul du même ordre. En deux ans, le marché a ainsi reculé de 1 milliards d’euros sur cette période de trois mois. Sur l’année 2013, IDC anticipe une baisse de 4,5% des ventes de serveurs à 52,5 milliards de dollars, rappelle de son côté le Wall Street Journal. Le marché français suit peu ou prou une évolution comparable (les chiffres exacts ne sont pas connus).

 

Dans ce contexte, la consolidation des intégrateurs systèmes, les plus exposés à cette dégringolade du marché des serveurs, se poursuit avec toujours plus d’intensité. Dernières manifestations en date : la mise en redressement judiciaire d’Overlap mi- juin, le changement d’actionnariat de RBS, la liquidation d’Aenix fin juillet, le conflit d’actionnaires au sein de Groupe Arcan, le rachat de Groupe Océalis par Cheops Technology…

 

Le Cloud : coupable désigné

 

Pour beaucoup d’analystes, il ne fait aucun doute que le principal responsable de cette situation est le Cloud. Ils ne peuvent s’empêcher de noter que pendant que les fabricants de serveurs et les intégrateurs systèmes se serrent la ceinture, les fournisseurs de services Cloud tels AWS ou Google n’ont jamais été aussi prospères. Ainsi, le cabinet d’études Technavio cité par le Wall Street Journal, estime le marché de l’infrastructure as a service à 5,2 milliards de dollars et prédit son quadruplement d’ici à 2016 à 22,8 milliards de dollars.

 

Même phénomène du côté des éditeurs traditionnels et de leur écosystème de SSII qui voient leur marché se restreindre au profit des éditeurs SaaS de type Salesforce. À l’inverse, les prestataires de proximité de type fournisseurs de services hébergés ou les « Cloud brokers », qui savent agréger, déployer, personnaliser et administrer une multitude d’offres et de services hébergés, ont particulièrement le vent en poupe.

 

Un impact positif sur les ventes à long terme

 

Alors la tentation est grande de se dire que c’est plié pour les intégrateurs et autres revendeurs traditionnels. Mais non. D’abord, le Cloud ne rime pas forcément avec moins de ventes de serveurs. Comme pour la virtualisation, il faut souvent remplacer les anciens serveurs par des modèles plus adaptés, plus puissants, moins énergivores… Ainsi John Chambers, le PDG de Cisco, cité par le Wall Street Journal, estime que si à court terme le Cloud peut avoir un impact négatif sur les ventes, à long terme, l’impact est positif.

 

Et puis beaucoup d’entreprises continuent de privilégier leurs propres installations pour des raisons réglementaires ou de confidentialité des données. Enfin, nombreux sont les clients qui restent dubitatifs sur les économie supposées du Cloud par rapport aux infrastructures sur site.

 

Le Cloud reste encore une goutte d’eau dans la dépense IT globale

 

Même Gartner met en garde les prestataires IT dans l’une de ses dernières études, leur recommandant de ne pas trop s’emballer pour le Cloud, ni de trop se précipiter. Motif ? Bien que les services Cloud augmentent plus vite que l’ensemble du marché IT, ils n’en représentent encore qu’une petite partie, rappelle le cabinet d’études.

 

Qui plus est, « les partenaires ne doivent pas faire l’erreur de penser que les cas d’usages Cloud d’aujourd’hui détermineront forcément ceux de demain. La diffusion des nouvelles technologies n’étant jamais linéaire entre le temps des early adopters et celui de l’adoption par la majorité, il est probable que nous verrons de nettes différences dans la façon dont les prochaines vagues d’acheteurs adopteront les services Cloud », explique le cabinet d’études dans un communiqué. 

 

Les prestataires IT doivent raisonner en termes d’usages

 

En clair : ne pas se précipiter car le Cloud est protéiforme et risque d’évoluer rapidement au point de ne plus ressembler demain à ce qu’il est aujourd’hui. Pierre François, patron de la société de conseil en stratégie et en organisation Vascoo, insiste lui sur la nécessité de ne pas se laisser aveugler par des mots (Cloud, Big Data…) qui n’ont pas forcément de réalité terrain, mais de s’attacher plutôt aux usages. « La solution (le Cloud) n’est qu’une composante de la réponse attendue par le client pour résoudre sa problématique business (améliorer sa production commerciale, sa compétitivité…) ». Pour lui, les prestataires IT devront intégrer de nouvelles compétences pas forcément technologiques pour s’adapter à ces nouvelles attentes.