En envoyant une offre de rachat au conseil d’administration de HP, le président et CEO de Xerox avait indiqué aux destinataires que le document était soumis « sur une base strictement confidentielle ». Lesquels destinataires se sont empressés de le mettre en ligne sur le site de l’entreprise. En voici les grandes lignes.

« Je tiens à vous remercier d’avoir facilité nos discussions récentes au sujet d’un éventuel regroupement de nos deux sociétés. Les synergies substantielles générées par une telle opération ne sont que le début de l’opportunité unique de création de valeur que nous avons identifiée ensemble : amélioration de l’allocation de capital, croissance du chiffre d’affaires, diversification, solidité du bilan et capital humain inégalé résulteraient de la combinaison de nos deux sociétés leaders du secteur. Par conséquent, notre conseil d’administration appuie pleinement la proposition décrite ci-dessous. La nature de l’occasion offerte et du moment, combinés au probable soutien écrasant de nos actionnaires, employés et autres intervenants respectifs, vont nous permettre de nous réunir en une seule entreprise, ce qui renforce notre détermination à poursuivre avec vous une transaction envisageable », peut-on lire. Il ressort clairement de ces lignes que les deux entreprises ont étudié ensemble la possibilité d’une fusion.

Vient ensuite l‘offre détaillée. « Nous sommes disposés à offrir aux actionnaires de HP 22,00 $ par action, soit 17,00 $ en espèces et 0,137 action Xerox pour chaque action HP, pour une valeur totale d’environ 33,5 milliards de dollars, en nous basant sur le nombre d’actions intégralement diluées en circulation, soit 1.515 millions, et le bilan au 31 juillet 2019. Notre offre implique une contrepartie en espèces de 77%, le solde étant constitué d’actions Xerox. Ainsi, les actionnaires de HP détiendront environ 48% de la société fusionnée, ce qui leur permettra de réaliser immédiatement une valeur marchande et profiter à parts égales des atouts substantiels des synergies résultant de notre regroupement.

Notre offre attractive représente :

  • une prime de 20% sur le cours de clôture de l’action de 18,40 $ à compter du 5 novembre 2019
  • une valeur supplémentaire d’au moins 14 milliards de dollars pour nos actionnaires respectifs, sur la base de 7X l’EBITDA
  • une prime de 29% par rapport au prix de négociation moyen pondéré en fonction des volumes sur 30 jours de 17,00 $, compte non tenu de la valeur significative des synergies partagées
  • un multiple de transaction implicite de 6,9 ​​fois l’EBITDA ajusté de HP de 4,8 milliards de dollars. »

Comme on l’a vu cette « offre attractive » n’a pas séduit les administrateurs et la direction de HP, pas plus que la justification stratégique et les synergies potentielles détaillées ensuite.

« Une combinaison entre nous est soutenue par une logique industrielle forte compte tenu de nos forces respectives sur les marchés A3 et A4, une empreinte complémentaire, un ajustement culturel profond et un ADN d’innovation partagé. Notre échelle globale, notre portefeuille de produits et notre portée mondiale nous permettraient de livrer une concurrence efficace dans les secteurs de la production, de la grande entreprise et des PME, tout en offrant une capacité de services gérés vraiment différenciée. Il est difficile de concevoir une alternative stratégique pour une entreprise offrant une valeur supérieure.

Notre analyse préliminaire montre clairement des synergies de coûts d’au moins 2,0 milliards de dollars en moins de 24 mois :

  • Des économies de coûts de 0,5 milliard de dollars en optimisant notre taille, notre chaîne d’approvisionnement et notre réseau de distribution combinés, et
  • Des économies de 1,5 milliard de dollars grâce à la mise en commun de nos groupes de recherche et développement de classe mondiale et à la rationalisation des fonctions de l’entreprise

Notre conseil d’administration est fermement convaincu que l’industrie est en retard en matière de consolidation et que ceux qui font le premier pas bénéficieront d’un avantage indéniable dans un environnement macroéconomique en déclin séculaire. En combinant capacités de recherche et développement et ressources financières, nous pouvons ensemble accélérer la transformation de nos activités et jouer un rôle de premier plan sur les marchés en croissance clés tels que l’impression 3D, les emballages et étiquettes numériques, les graphiques, l’impression textile, les logiciels de workflow et les services liés à l’IoT. »

Le lettre de Xerox expose ensuite les modalités du financement de l’opération.

« Nous allons financer la composante en espèces de notre offre avec une combinaison de fonds en caisse et de nouveaux financements pour soutenir l’opération et la nouvelle société fusionnée. Nous avons engagé des discussions sur le financement de la l’opération avec Citi et cette dernière nous a fourni une lettre hautement convaincante attestant de sa certitude quant à l’organisation du financement de l’opération. Compte tenu de l’état actuel des marchés financiers, nous prévoyons, tout comme eux, que nous serons en mesure de financer pleinement la transaction au moyen de fonds de première qualité. Nous obtiendrons un financement pleinement assuré avant de signer tout accord final et la clôture de l’opération ne sera soumise à aucune condition de financement. »

Concernant ses relations avec Fujifilm et sa participation dans Fuji Xerox, John Visentin écarte toute possibilité de litige éventuel et assure que les transactions en cours seront clôturées avant le 9 novembre.

Le calendrier de l’opération est ensuite exposé. « Compte tenu de nos discussions à ce jour et de notre connaissance des opérations et des plans d’entreprise de chacun, nous pensons que nous pourrions terminer notre travail et négocier simultanément les documents finaux dans 3 à 4 semaines. Nous avons déjà engagé Citi en tant que conseiller financier et King & Spalding en tant que conseiller juridique pour nous aider à mener à bien la transaction ».

« Nous prévoyons que les parties conviendront d’un cadre de gouvernance, comprenant la représentation du conseil d’administration, ce qui est habituel pour un regroupement de ce type », affirme encore John Visentin sans trop s’étaler sur le sujet. « Cette lettre vous est soumise sur une base strictement confidentielle et s’adresse uniquement au conseil d’administration de HP. Les conditions décrites ici sont soumises à la vérification préalable, à la négociation et à la signature de documents de transaction définitifs mutuellement acceptables. », ajoute le dirigeant, formulant un vœu qui, ainsi qu’on l’a vu ne sera pas respecté.

« Notre conseil d’administration et la direction sont enthousiasmés par l’opportunité de créer une valeur significative pour nos actionnaires, nos employés et d’autres parties prenantes grâce à cette combinaison unique de nos deux sociétés. S’il vous plaît n’hésitez pas à me contacter pour toute question. Je suis dans l’attente de votre réponse », conclut le document, en indiquant que l’offre est valable jusqu’au 13 novembre. On connaît la réponse.