Lundi a commencé à San Francisco le procès opposant HPE à Sushovan Hussain, l’ex-directeur financier d’Autonomy, accusé par le constructeur américain d’avoir maquillé le bilan de l’éditeur britannique afin de surévaluer ce dernier. La firme de Palo Alto estime en effet que la valeur de l’entreprise a été gonflée via la comptabilisation indue de ventes de matériels (pour 10% à 15% de son chiffre d’affaires) et de revenus de licences sans transaction réelle, l’obligeant à inscrire une charge de dépréciation de 8,8 milliards de dollars en 2012. Acquis par ce qui était encore HP pour 11,1 milliards de dollars Autonomy a depuis été cédé à Micro Focus.
Curieusement, le procès a rapidement fait une incursion dans le secteur de l’automobile raconte Bloomberg. Pour le procureur fédéral adjoint, Robert Leach, le directeur financier de l’éditeur britannique a déguisé en Cadillac ce qui n’était qu’une Ford Pinto (NDLR : une voiture compacte des années 70 réputée pour son défaut de conception – à l’origine de très nombreux morts – que Ford a refusé de corriger pour ne pas entamer ses bénéfices, voir photo). Pour John Keker, l’avocat de la défense, au contraire HP a bien acheté une Cadillac qu’il a converti en Pinto. Le juriste a présenté aux jurés une liste de ce qu’il a appelé les acquisitions ratées d’HP. Sous la direction de Meg Whitman, a-t-il indiqué, HP a dû amortir des pertes des achats de Palm, Compaq, EDS et Autonomy. « Refusant d’admettre qu’elle avait transformé une Cadillac en Pinto, elle a effacé cela », a encore ajouté l’avocat. Rappelant que Sushovan Hussain était sujet britannique, il a expliqué que l’éditeur respectait les règles comptables internationales, ce qui n’était pas un crime.
Pour le vice-procureur au contraire, le directeur financier est un habitant de la Silicon Valley qui a donné à Autonomy une « fausse apparence de prospérité ». Il estime que l’éditeur, qui possédait un bureau à Cambridge en Angleterre, avait conservé un siège social à San Francisco où opéraient la plupart des employés de la société. S’appuyant sur les déclarations de Christopher Egan, l’ancien directeur commercial d’Autonomy en charge du marché américain qui a accepté de collaborer avec les autorités américaines, il a expliqué que l’ex-directeur financier a bel et bien trompé son monde.
John Keker a quant à lui estimé que Christopher Egan, qui à l’origine avait disculpé Sushovan Hussain assurant que c’était quelqu’un qui avait « une profonde éthique », a ensuite changé d’avis pour échapper aux poursuites.
En cas de condamnation, l’ex-CFO d’Autonomy risque jusqu’à 20 ans de prison et une très forte amende.
Ce procès est le premier d’une série de procédures concernant cette affaire. Un procès devrait au civil va en effet se tenir l’an prochain en Angleterre impliquant l’ancien CEO d’Autonomy, Mike Lynch, et Sushovan Hussain. HPE réclame à ces derniers 5,1 milliards de dollars de dommages et intérêts.
Mike Lynch a de son côté porté plainte contre la direction du constructeur pour fausses déclarations et diffamation, et réclame plus de 160 millions de dollars de réparations. Il estime que la direction d’HP était incompétente et que l’opération était vouée à l’échec depuis le début.