La santé financière du conglomérat chinois HNA Group, propriétaire d’Ingram Micro, continue d’inquiéter les investisseurs. Invoquant des « fluctuations anormales », la Bourse de Shanghai a dû temporairement interrompre la cotation du titre d’un de ses emprunts obligataires cette semaine après qu’il a chuté à 25,8% de sa valeur initiale. D’un montant initial de 425 millions de dollars sur sept ans, cet emprunt doit arriver à échéance en 2022, mais les investisseurs craignent de plus en plus un défaut.

Cette décision est intervenue au lendemain d’une téléconférence de HNA Group organisée à la hâte avec les détenteurs d’une autre obligation du groupe, émise en 2013 et évaluée à 55 millions de dollars avec un rendement de 7,1% arrivant à échéance le 15 avril, pour leur demander de retarder d’un an son remboursement. Les créanciers ont accepté mais le caractère improvisé de cette téléconférence a inquiété la communauté financière.

HNA s’en est excusé publiquement à la suite de la téléconférence. Dans son communiqué, HNA a souligné « l’accumulation des problèmes au fil du temps et la difficulté à les résoudre du jour au lendemain ». La société a également déclaré que l’épidémie de coronavirus avait aggravés ses problèmes de trésorerie et qu’elle jouait désormais « sa survie ». Des déclarations qui ont ravivé les inquiétudes concernant sa capacité à payer ses dettes.

Il y a encore à peine trois ans, HNA était le plus grand acheteur chinois d’actifs à l’étranger, rappelle le Financial Times. Au cours des années précédentes, HNA avait acheté pour plus de 40 milliards de dollars d’actifs mondiaux, y compris d’importantes participations dans Hilton Worldwide et Deutsche Bank. Mais après la mort accidentelle du co-PDG du groupe, Wang Jian, en juillet 2018 lors d’une visite en France, plusieurs groupes d’actionnaires ont commencé à se disputer le contrôle des actifs. Un investisseur qui a cherché à acheter un important portefeuille immobilier à HNA fin 2018 a déclaré que l’accord avait échoué car il n’était plus clair qui contrôlait les actifs, toujours selon le Financial Times

Déjà lourdement endetté, et en proie à des luttes intestines, le groupe a de surcroît été durement impacté sur son métier d’origine, le transport aérien – le groupe détient directement des participations dans un certain nombre de transporteurs locaux chinois, dont Hainan Airlines – par les restrictions de déplacement imposées dans le monde entier en raison de la pandémie Covid-19. Pour éviter la faillite gouvernement chinois a dépêché en février un haut dirigeant, M. Gu à la tête du groupe chargé de résoudre ses risques de liquidité. Ce qui a immédiatement été interprété comme une volonté du gouvernement de la province de Hainan, où HNA a son siège, de démanteler le groupe.

Devant cette situation, le PDG d’Ingram Micro, Alain Monie, a dû prendre la parole en février pour expliquer à ses partenaires que les difficultés financières de sa maison mère n’auraient aucune incidence sur les activités du grossiste, rappelle CRN. « Ingram Micro fonctionne comme une entreprise indépendante distincte qui n’est pas et ne peut pas être intégrée à HNA. Par ailleurs, en vertu des accords avec nos prêteurs, nous maintenons un portefeuille de dettes entièrement indépendant pour financer nos activités, sans aucune dépendance à l’égard des garanties ou de tout type de soutien de HNA », avait alors assuré Alain Monie. Précisant sa pensée, il avait ajouté : « tout changement dans la propriété d’Ingram Micro vers une entité étrangère nécessiterait l’approbation du gouvernement américain. Nous pensons qu’il est extrêmement improbable que le gouvernement américain approuve le transfert de propriété d’Ingram Micro à une entité gouvernementale chinoise. » Il s’était chargé de rappeler en conclusion qu’Ingram Micro s’était bien comporté sous la propriété de HNA avec « une deuxième année consécutive de solides performances financières »