Ingram Micro sera-t-il bientôt à vendre ? On peut se poser la question. Des bruits circulent en effet sur une reprise en main de la maison-mère du grossiste, HNA Group, par le gouvernement chinois.

Endetté à hauteur de 35,6 milliards de dollars, HNA est très présent dans le secteur aérien qui subit de plein fouet les effets du coronavirus. Pékin, qui a déjà obligé le conglomérat à se séparer des hôtels Radisson et du spécialiste suisse de la restauration aérienne Gategroup, pourrait aller à présent beaucoup plus loin. En effet, selon Bloomberg, qui s’appuie sur des personnes proches du dossier, le gouvernement chinois envisage même la reprise du groupe pour lui éviter une faillite pure et simple. La nouvelle pourrait être annoncée dès jeudi. « HNA est, même selon les normes chinoises, un conglomérat tentaculaire et endetté, et l’effondrement de l’activité des compagnies aériennes chinoises en raison de l’épidémie de Covid-19 l’a apparemment poussé à la faillite effective », écrivent les analystes d’Agency Partners basés à Londres dans une note après consultée par le site d’informations.

Cela dit,une prise en main du groupe ne manquerait pas de poser problème. Dans un contexte de relations sino-américaines tendues, on voit mal en effet un grossiste américain passer totalement sous la coupe des autorités chinoises.« Appartenir à une entreprise chinoise est une chose, appartenir au gouvernement chinois c’est autre chose », a expliqué à CRN, un responsable du grossiste sous couvert d’anonymat.

Pour avoir le droit de racheter Ingram, HNA a dû obtenir l’aval du redoutable CFIUS (Committee on Foreign Investment in the United States). Il n’est pas du tout sûr que celui-ci verrait ce changement d’actionnaires d’un bon œil. Actuellement, Ingram Micro doit fonctionner en tant qu’entreprise autonome et est soumis à des audits annuels en matière d’exploitation et de sécurité. La composition de son conseil d’administration est régie par un accord conclu avec le CFIUS et le département américain de la Défense

Selon Bob Venero, un partenaire du grossiste qui travaille avec le gouvernement américain, une telle prise de contrôle remettrait en cause une partie de son activité. « Nous devons garantir à nos clients gouvernementaux une totale transparence sur une chaîne d’approvisionnement sécurisée. Si une partie de cette chaîne d’approvisionnement est liée au contrôle du gouvernement chinois, elle ne réussira pas l’audit client. S la société mère d’Ingram Micro est acquise par le gouvernement chinois, nous devrons cesser toutes les activités gouvernementales et nos approvisionnements avec Ingram », a-t-il déclaré à CRN.

« Ingram Micro opère en tant que société autonome distincte qui a effectivement cantonné ou isolé ses activités pour minimiser considérablement l’impact de tout problème rencontré par HNA ou ses sociétés affiliées », a réagi la direction du grossiste, qui ajoute qu’un changement de propriétaire n’affectera pas son fonctionnement indépendant ni sa solidité financière. « It’s business as usual here, and remains business as usual », conclut un communiqué transmis à nos confrères.

Même s’il en devient propriétaire, il est probable que le gouvernement chinois optera pour une vente qui permettra de réduire l’endettement et n’affectera pas l’activité du grossiste. Reste à savoir à qui ?