Tout à son effort pour combattre Carl Icahn, qui ambitionnait de lui souffler son entreprise, Michael Dell a-t-il relâché son effort sur les partenaires ? Nous avons demandé aux intéressés.


Michael Dell vient d’obtenir le vote favorable de ses actionnaires pour entamer le processus de privatisation de l’entreprise. Une étape présentée comme un préalable à la restructuration en profondeur de l’entreprise qui permettra de l’adapter à la transformation du marché IT. Mais certains suggèrent que, depuis qu’elle s’est lancée dans sa croisade pour convaincre ses actionnaires de se délester de leurs parts, la société aurait perdu de son percutant sur le terrain des affaires. Nous avons demandé aux partenaires ce qu’ils en pensaient et notamment si, après cinq années de conquête, ils n’avaient pas le sentiment que Dell avait relâché son effort sur les ventes indirectes.

La réponse est nuancée. S’ils ne font pas un lien direct avec le LBO en préparation, les partenaires sont plus critiques qu’ils ne l’étaient il y a un an sur leur relation avec Dell. Premier constat : beaucoup ont le sentiment que le constructeur est moins présent à leur côté. « L‘évolution du partenariat est satisfaisante sur le plan des outils mis à disposition mais moins sur le plan de la relation commerciale », explique ainsi le patron d’un gros intégrateur des Bouches du Rhône.

Une équipe channel qui s’est renforcée de 25% durant l’été

À cela, plusieurs explications possibles. D’abord, le constructeur a adopté une nouvelle organisation par segments commerciaux au printemps, occasionnant changements d’interlocuteurs et autres désagréments inhérents à ce genre de situation. Ensuite, le nombre de partenaires « enregistrés » ayant fortement augmenté – ils seraient désormais 5.000 en France selon Alexandre Brousse, patron du channel – l’équipe partenaires s’est apparemment un temps retrouvée en sous-effectif avant d’être renforcée de manière significative durant l’été. L’effectif est ainsi passé de 120 personnes à 150 en l’espace de quelques semaines.

Autre grief formulé par les partenaires : le constructeur a apparemment perdu en souplesse tant sur le plan des process que des prix. « Leur service comptabilité facture en retard et relance avant les dates d’échéance, bloquant systématiquement les commandes en cours », s’énerve le patron d’un intégrateur alsacien. Un autre, dont la société est basée en Loire Atlantique, se plaint d’avoir perdu récemment une affaire de plusieurs millions d’euros, pour cause de réactivité insuffisante de son partenaire et de dilution excessive des responsabilités.

« Le business est plus dur, justifie Alexandre Brousse. Nous faisons en sorte d’être extrêmement réactifs dès lors qu’un partenaire nous amène un business incrémental et stratégique ». « Mais le but, c’est aussi de faire un deal profitable tant pour le partenaire que pour Dell », ajoute-t-il, rappelant que le constructeur n’a modifié ni ses prix publics, ni ses remises, ni les marges arrières qu’il accorde à ses partenaires. Reste qu’à en croire les partenaires, Dell est beaucoup moins pertinent qu’autrefois sur les PC de bureau et même carrément « dépositionné » sur les PC portables.

De nouveau du flou entre direct et indirect

Enfin, en raison probablement des perturbations liées à la réorganisation des équipes commerciales au printemps, plusieurs partenaires nous ont signalé avoir expérimenté des disfonctionnements dans l’articulation entre ventes directes et indirectes au cours des derniers mois. « Nous avons eu deux cas récents où Dell nous a fait cote en indirect pour un client donné et, sans nous le dire, en a fait une autre en direct au même client », constate l’intégrateur nantais. « On se retrouve régulièrement en concurrence avec les équipes directes », confirme son homologue alsacien. Pour ce dernier, il existe actuellement un problème de coordination entre les équipes directes et indirectes du constructeur : « des comptes que nous abordions autrefois en commun avec les équipes clients finaux de Dell sont aujourd’hui démarchés de manière sauvage par ces dernières ».

Des doléances que ne partagent toutefois pas tous les partenaires. « Notre collaboration avec Dell est étroite et fructueuse, estime pour sa part Jean-Pierre Leconte, patron de Quadria. Nous avons l’impression que sa politique est de s’appuyer de plus en plus sur les partenaires pour suivre les comptes intermédiaires. » C’est précisément le discours que tient Alexandre brousse. La meilleure preuve ? Dell France a encore enregistré une croissance de 20% de son business indirect sur son dernier trimestre (période mai-juillet), indique-t-il et les taux de satisfaction mesurés auprès des partenaires certifiés continuent de s’améliorer.

Et maintenant que le principe du LBO est acté, que va-t-il se passer ? C’est la question que tout le monde se pose. Michael Dell a récemment réaffirmé son engagement dans l’indirect comme l’une des priorités de la nouvelle ère qui s’ouvre. Mais dans le même temps, le patron du constructeur n’a jamais caché qu’il envisageait de faire d’importantes économies et de transformer l’entreprise en profondeur. Dans ces conditions, aura-t-il les moyens de continuer à travailler avec un réseau de distribution aussi large ? Tout dépendra de l’évolution de son offre et de sa stratégie. Mais il est probable que, comme tous ses concurrents, Dell se concentrera sur ses partenaires au potentiel le plus affirmé.