Do no evil disait Google. Paie tes impôts d’abord, semble lui répondre bloomberg en exposant les mécanismes utilisés par la firme de Mountain View pour échapper à l’impôt sur les bénéfices à l’étranger et notamment en Europe.

 

Malgré l’explosion de son chiffre d’affaire et de ses bénéfices, Google Inc, la maison mère de Google, a réduit son niveau d’imposition de près de 3,1 milliards de dollars au cours des trois dernières années en recourant à des techniques agressives d’optimisation fiscale à l’international. C’est ce qu’explique un article très détaillé (en anglais) de nos confrères de Bloomberg.

« Double irlandais », « Sandwich hollandais » et cocktail bermudéen

Les techniques d’optimisation mises en oeuvre par Google portent des noms évocateurs (en tout cas pour ceux qui connaissent les largesses fiscales de ces pays) tels que le «Double Irish» (le double irlandais) ou le «Dutch sandwich» (le sandwich hollandais). Elles ont permis à Google de réduire son taux d’imposition à l’international à un taux record de 2,4%. La plupart des grands pays européens ont pourtant des taux d’impôt sur les sociétés de 21% à 33,3 % et même la très libérale Irlande (en tout cas sur ce sujet) a un taux de 12,5%.

Comme le rappelle l’article de Bloomberg, les manipulations fiscales de Google (et de la plupart des géants de l’IT) sont d’autant plus choquantes qu’elles interviennent alors que le déficit du gouvernement américain est attendu à 1400 milliards de dollars et celui de l’ensemble des pays européens à 868 milliards d’euros. Pour sa défense, Jane Penner, une porte parole de la firme qui a fait de «Do no evil» son slogan, explique que Google ne fait qu’opérer dans un cadre très semblable à celui d’autre entreprises mondiales et qu’il ne viole pas les lois fiscales.

Echapper aux prélévements fiscaux européens

L’idée du double irlandais est assez simple et s’appuie sur un accord conclu par Google avec le fisc américain sur les prix de transfert de sa propriété intellectuelle. Dans la pratique, Google Inc licencie les droits sur ses technologies et sur ses produits pour la zone Europe, Moyen-Orient et Afrique à Google Ireland Holdings, une coquille vide basée aux Bermudes (comme son nom ne l’indique pas). Ce même Google Ireland Holdings facture ses prestations à Google Irlande Limited, basé à Dublin, qui est en charge de vendre les services de Google en Europe.

L’astuce est double : d’une part les revenus de Google sont encaissés en Irlande et non aux Etats-Unis ce qui permet d’éviter les taxes US. Mais en plus, Google Irlande Limited accumule les charges du fait des redevances qu’elle doit payer à Google Holdings Irlande, ce qui réduit son taux d’imposition local. Reste que ce portrait ne serait pas complet sans un détour par la Hollande (l’autre pays du fromage de Google). Avant de quitter l’UE, les royalties que versent Google Irlande Limited à Google Ireland Holdings transitent en effet par une coquille néerlandaise (l’exonération fiscale irlandaise ne s’appliquant que si les redevances sont payées à une autre structure européenne), avant de repartir à 99,8% vers le soleil des Bermudes.

Google Inc peut alors bénéficier de ses profits européens à un taux de taxe minimum à condition que ces bénéfices ne soient pas rapatriés aux US sous peine d’être taxés à 35% (un taux, qui soit dit en passant, est supérieur aux 33,3% pratiqués en France). La firme peut alors patiemment attendre une générosité passagère de l’Etat US, comme celle crée intervenue sous l’administration Bush, qui avait temporairement ramené le taux d’imposition sur les bénéfices rapatriés de l’étranger à 5% en 2005, un beau geste qui s’était traduit par le rapatriement de près de 300 Md$ de bénéfices sur le sol US.

Minuit dans le jardin du bien et du mal…

On estime aujourd’hui à plus de 2000 milliards le montant des profits US qui dorment actuellement hors du pays pour échapper aux taxes sur le rapatriement des bénéfices. Ironiquement une large partie du cash de Microsoft dort ainsi hors des USA, ce qui a amené l’éditeur à annoncer son intention de s’endetter pour pouvoir payer à ses actionnaires un plus gros dividende. Il lui est en effet moins coûteux de payer des intérêts que de rapatrier ses bénéfices en payant des impôts.

On pourrait disserter à l’envie sur la moralité de tels comportements de la part de sociétés parmi les plus rentables au monde (tous les géants de l’IT ont des pratiques similaires à celles de Google et Microsoft), mais on conclura en revenant au «Do no evil» de Google. On peut en effet s’étonner qu’une société si intéressée par le débat entre le Bien et le Mal (et qui se positionne bien sûr résolument du côté du Bien), fasse preuve d’aussi peu de prodigalité fiscale. L’avarice, Messieurs Page, Brin, Schmidt et Pichete (le CFO québécois de la firme) est pourtant considérée comme l’un des sept péchés capitaux…

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