Les opérateurs alternatifs pourraient bien être les véritables gagnants des revirements de politique channel des grands opérateurs. Des sociétés comme Nerim et Alphalink ont ainsi fait du channel leur fonds de commerce dès l’origine avec le succès que l’on sait – ils revendiquent tous les deux plus de 500 partenaires. Pour d’autres, tels Open IP, le channel devient le moteur de la croissance. À tel point que certains, comme Jaguar Network, s’y lancent sur le tard avec la conviction qu’il reste encore des places à prendre.

Le récent communiqué de SFR annonçant vouloir conquérir de nouveaux partenaires a suscité de nombreuses réactions dubitatives compte tenu de la manière dont l’opérateur a traité son réseau de distribution ces dernières années. Beaucoup de ses distributeurs indépendants Espace SFR ont ainsi été écartés, les clients étant soit repris en direct, soit transférés à d’autres distributeurs (voir à ce sujet notre article : Comment les opérateurs mobiles ont sacrifié leurs distributeurs et celui de Deontofi : Comment l’opérateur téléphonique SFR évince ses distributeurs et perd ses procès). Le rachat par Numericable a accéléré le mouvement. Dans le cadre de la rationalisation de la force de vente directe de SFR, le groupe a fait monter en puissance ses différentes filiales distribution (notamment à LTI et Futur Télécom), au détriment de ses partenaires indépendants.

Quant aux courtiers, « beaucoup sont partis d’eux-mêmes, suite à la dégradation de la qualité du réseau, tant mobile que fixe, consécutive au manque d’investissement et aux réductions de coûts imposées par l’acheteur », explique en substance le patron d’un opérateur alternatif. Des courtiers qui ont rejoint, entre autre, les opérateurs alternatifs, atteste un autre. Chez Orange aussi, beaucoup de partenaires se sont éloignés – lire à ce sujet notre article : Orange : les partenaires de plus en plus nombreux à s’en détourner – au cours des dernières années, l’opérateur ayant de plus en plus tendance à exercer lui-même les métiers de ses partenaires (intégration de systèmes, édition de logiciels, fourniture de services Cloud, etc.).

Aujourd’hui, fort d’une offre rationalisée et d’un nouveau management, l’opérateur repart à la chasse aux partenaires. « Cette annonce est la poursuite d’un cycle que nous connaissons bien depuis le début des années 2000, explique Alexandre Nicaise, PDG d’Alphalink. Les opérateurs alternent les politiques de vente directe et de vente indirecte. Ils font le « plein » de prospects via leurs partenaires du moment, avant de reprendre les clients en direct. »

C’est là que les opérateurs alternatifs ont une carte jouer. Alors que les grands opérateurs n’ont bien souvent que des contrats de courtage à proposer, lesquels leur laissent toute latitude pour démarcher les clients en direct, les alternatifs ont monté des offres en marque blanche assortis de multiples outils (extranet, moteurs d’éligibilité, etc.), qui permettent aux partenaires de devenir autonomes. Pour les plus avancés, ils proposent même des services de collecte leur permettant de monter progressivement en compétence et de devenir eux-mêmes opérateurs.

« Le problème de fond est que SFR propose des offres de bout en bout et ne partage pas la valeur ajoutée, reprend Alexandre Nicaise. Or, sur ce marché de proximité, si le partenaire ne peut exprimer sa propre stratégie produit et service, il devient rapidement l’intermédiaire de trop pour le client final. Sur le marché indirect télécom, la réussite est de moins en moins un enjeu exclusivement technique mais elle est de plus en plus corrélée à la performance administrative, juridique et des systèmes d’informations, avec comme fil conducteur la satisfaction globale autour du parcours intégral client. »

Mais les grands opérateurs ne sont pas prêts à laisser partir les clients aussi facilement chez les alternatifs et n’hésitent pas à leur mettre des bâtons dans les roues quand ils le peuvent. « J’ai un bon exemple sur Toulouse ou Completel lâche un revendeur sur la VGA , mais bloque les reprises de lignes vers un autre opérateur ! », déplore le directeur channel d’un opérateur alternatif. Le même s’inquiète des tarifications très étranges sur les fibres dédiées : « il n’est pas rare de tomber sur une offre Fibre SFR/Completel au client final inférieure aux prix d’achats d’un opérateur alternatif ». Une concurrence déloyale, notamment sur le segment de la fibre de plus en plus stratégique, qui a le don d’agacer notre interlocuteur.

Au final, s’ils ont eu tendance à se mettre à dos les distributeurs, les grands opérateurs gardent toutefois des cartes en main qui les rendent incontournables à commencer pour les opérateurs alternatifs qui s’appuient bien souvent sur leurs services. Ces derniers prennent d’ailleurs soin de ne pas trop critiquer ouvertement… de crainte de les froisser ?