Le personnel de Remade est inquiet. Au bord du gouffre, l’entreprise de reconditionnement de smartphones a expliqué à ses salariés au cours d’une réunion de CE qui s’est tenue au siège de Poilley (Manche) qu’il n’était pas sûr qu’il puisse verser à ses 350 employés en CDI les salaires de septembre. Les salariés en CDD ont quant à eux été avertis « qu’ils ne devaient pas se faire d’illusion », rapporte France Bleu Cotentin. « C’est beaucoup de souffrance. Des salariés se mettent à pleurer, d’autres expriment leur colère, certains ne veulent plus travailler. On continue de produire avec les pièces qui nous restent, mais c’est stocké car on n’a plus de commandes », a expliqué un salarié à nos confrères. « On a la boule au ventre, tous les jours on se demande ce qui va nous tomber dessus. »

Crée en décembre 2013, Remande a connu une très belle progression, notamment par le biais d’acquisitions, comme celle de son concurrent Save (photo). A ce jour, la société emploie environ 800 personnes déployées sur une dizaine de sites dans l’Hexagone. En 2018, tout a basculé. Le chiffre d’affaires est passé de 130 millions d’euros l’année auparavant à 80 millions d’euros. Le manque de trésorerie a poussé le fonds franco-suisse LGT European Capital à injecter 150 millions d’euros dans la société et à en prendre le contrôle.

Le fondateur, Matthieu Millet restait au contrôle, et se lançait dans différents projets : participation à la Route du Rhum, recrutement de 200 salariés et acquisition de l’Ecoparc de Tirepied (Manche), futur « campus » de l’entreprise. Après bien des péripéties, parmi lesquelles l’opposition de plusieurs élus, le site de 35 hectares était officiellement cédé en août dernier à Remade par la communauté d’agglomération Mont Saint Michel Normandie.

Entretemps, Matthieu Millet avait dû céder début juillet le contrôle de l’entreprise à François Dehaine, un ancien de Nexans, tout en restant président du conseil d’administration. Il expliquait à France 3 Normandie qu’il voulait prendre de la hauteur. « C‘est bien d’avoir du temps pour soi, j’ai aussi d’autres activités moi-même, donc ça me laisse plus de temps pour m’en occuper », assurait-il. Il ajoutait toutefois qu’un des actionnaires n’avait pas apporté la quote-part promise, obligeant les autres investisseurs à participer à un nouveau tour de table. On parle de 50 millions d’euros injectés, mais rien n’est moins sûr.

Malgré ce nouvel effort, François Dehaine a jeté l’éponge mi-août cédant les commandes à Renaud Le Youdec, fondateur du cabinet By Saving spécialisé dans les entreprises en difficulté où il s’occupe plus particulièrement, comme l’indique sa page LinkedIn, « des dossiers à forte dimension sociale ». Une réunion de crise était prévue ce lundi entre la direction de l’entreprise et les actionnaires dans le cadre du comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri). Une journée de débrayage était par ailleurs programmée ce même jour par les salariés, « en dehors de la CGT », afin de poursuivre le dialogue avec la direction. Affaire à suivre donc.