J’ai publié l’an passé une tribune qui a beaucoup fait parler d’elle. Son titre était : « l’infogérance est morte ». Cette tribune a été parfois ressentie comme une provocation. J’y développais l’idée que le modèle de l’infogérance traditionnelle agonisait sous les coups de boutoir d’une part, de l’arrivée de l’infrastructure sous forme de service (IaaS) et de ses API’s (qui permettent de piloter l’infrastructure par code), et d’autre part de la « pression digitale » des métiers, et par extension des développeurs.

Les métiers de la production perdurent

Pour autant, les métiers liés à la production ne sont pas dénués d’avenir. Mieux, après avoir piloté la réorganisation du pôle infogérance d’Ippon et avoir mené plusieurs missions de conseil pour des grands comptes confrontés à la même problématique, j’ai acquis la conviction que l’on peut migrer d’un modèle infogérance classique à un modèle d’infrastructure management en mode DevOps sans perdre ses compétences infras et sans nécessairement basculer dans le Cloud.

La Prod est probablement le métier de l’IT qui agrège la plus grande amplitude de connaissances, d’expérience, d’attention et surtout d’abnégation lors des douloureux moments d’incidents qui peuvent parfois durer des jours. Il faut gérer la sécurité, les réseaux, les serveurs, les systèmes et les apps ; effectuer les tests de charge ; mettre en production ; gérer les rollbacks , les incidents et les sauvegardes ; documenter, et s’assurer du bon fonctionnement de l’ensemble dans le temps en n’oubliant pas le support client.

Production = gestion d’infrastructures

Mais le paradigme change. Avec le IaaS et les API’s, nous sommes entrés dans l’ère de l’automatisation. Les infogéreurs traditionnels ne peuvent plus faire leur marge en louant 60 mois des serveurs amortis sur 36, ni mettre en place un dispositif ITIL découpé en x services et se contenter de communiquer par tickets. Ils doivent comprendre que rien ne sera jamais plus comme avant et repenser leur organisation en conséquence.

Automatiser c’est coder

S’approprier l’IaaS c’est d’abord jouer avec ses API’s. La meilleure école est encore celle d’AWS, qui propose des formations d’administrateur système Cloud de trois jours pour se familiariser avec les outils et langages permettant de concevoir des architectures cloud, d’automatiser l’allumage de machines virtuelles, de les contextualiser, de créer des scénarios de scalabilité (mise à l’échelle) et de résilience, d’automatiser les mises à jour de sécurité, d’automatiser les sauvegardes, de créer la documentation à la volée, de “tuer” et remonter des Prod’s en quelques minutes, de relancer une Prod à partir d’un PRA… toutes ces actions que l’avènement du IaaS et des API’s rendent possibles.

IaaS ou pas, j’automatise

Le 100% IaaS n’est pas toujours possible ni pertinent. Cependant, que l’infrastructure soit privée ou publique, du moment qu’elle est virtuelle, la plupart des tâches sont automatisables via des plateformes de Cloud management ou des outils d’automation. Il est ainsi possible de déployer des surcouches d’orchestration – propriétaires ou open source – parlant en API qui permettent d’automatiser sa Prod en mode SDA (Software Defined Anything).

Penser projet, penser service

L’enjeu consiste alors à repenser ses services en amont lors de phases projet (Build) pour optimiser les tâches récurrentes en phase d’exploitation (Run) et réduire le temps passé en mode « pompier », source de coûts et de retards. Pour cela, les équipes doivent apprendre à rédiger des user stories, à travailler en mode agile en sprint avec des revues régulières, à pratiquer des rituels (points quotidiens sur les tâches accomplies et restant à accomplir), à produire des backlogs

D’une IT as cost vers une IT as value

Les tâches récurrentes une fois automatisées, cela libère du temps pour se consacrer aux échanges avec les clients, internes ou externe, et pour mieux comprendre les besoins des développeurs et des métiers. C’est l’opportunité pour les services de production de se positionner en offreurs de solution en mettant à la disposition de ces derniers des tableaux de bord, des sondes métiers, des plateformes de test, des usines logicielles, des outils de développement et de déploiement continu… Autant de services qui permettront à la Prod, longtemps perçue comme une source de coûts, voire comme un frein au développement de l’entreprise, d’apparaître à terme comme une source d’innovation et donc de valeur.

En conclusion, l’infogérance traditionnelle mourra au fur et à mesure que les environnements legacy disparaîtront. Mais en s’automatisant, la production va cesser de fonctionner en vase clos et être en mesure de fournir à moindre coûts de plus en plus d’outils répondant aux besoins de transformation digitale des entreprises. Au final, cela devrait conduire les entreprises à consommer de plus en plus de services d’infrastructures et donc contribuer au renforcement des équipes de production en charge de gérer ces services d’infrastructures.

 

Tribune rédigée par Jean-Marie Simonin, en charge du Cloud & DevOps Business Development chez IPPON, adaptée par Johann Armand