L’arrêt de la cour d’appel de Paris du 24 novembre 2022 signerait-il la fin d’une affaire judiciaire qui dure depuis 2013 entre les éditeurs open source Linagora et BlueMind ?
Pour comprendre l’origine du litige, il faut revenir en 2007, quand Pierre Baudracco et Pierre Carlier vendent leur société Aliasource (ex-Aliascom) – qui éditait la messagerie open source OBM – à Linagora. Pierre Baudracco crée ensuite BlueMind. Il est rejoint par Pierre Carlier un an plus tard. BlueMind sort une version éponyme de sa messagerie en 2012, soit 5 ans après la cession d’OBM.
En 2013, Linagora les accuse de réutiliser des codes sources d’OBM dont elle est devenue propriétaire, « en effaçant délibérément les mentions de paternité et en captant illicitement la clientèle de la société qu’ils avaient cédée ».
Selon la cour d’appel, Pierre Baudracco et Pierre Carlier n’ont « pas violé la garantie légale d’éviction à laquelle ils étaient tenus du fait de leur qualité de cédants des titres de la société Aliasource, pour des faits qui ont tous eu lieu plusieurs années après la cession » : « Cette exigence légale de non-concurrence née de la garantie d’éviction doit être proportionnée à la protection des intérêts légitimes de l’acquéreur à raison de l’acquisition à laquelle il a procédé et ne doit pas porter une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l’industrie, et par conséquent, à la liberté d’entreprendre, qui a valeur constitutionnelle. Le respect du principe de la liberté du commerce et de l’industrie exige ainsi que l’interdiction de concurrence soit délimitée quant à l’activité interdite d’une part et quant au cadre spatiotemporel dans lequel cette activité est interdite d’autre part. » Enfin, « le premier client de la société Linagora à avoir rejoint, après l’expiration de son contrat avec la société Linagora, la société BlueMind est la société EDF, courant 2010, soit 3 ans après la cession. « Ces durées, qui se comptent toutes en pluralité d’années, apparaissent trop longues, au regard du marché et de l’activité concernés (…) En effet, interdire pendant plusieurs années à des cédants d’une société intervenant sur un marché aussi innovant et évolutif que celui des prestations informatiques de se rétablir apparaît disproportionné par rapport à la protection des intérêts du cessionnaire qui doit se conjuguer avec la protection de la liberté d’entreprendre. »
Au final, la cour d’appel condamne Linagora à payer 20.000 euros chacun à Pierre Baudracco et Pierre Carlier.