La nouvelle mouture du Quadrant magique des solutions de sauvegarde et de restauration des datacenters de Gartner est à peine publiée qu’elle est déjà contestée par une des entreprises y figurant. Le co-fondateur et PDG de Rubrik, Bipul Sinha, estime en effet que cette nouvelle version comporte de graves lacunes et ne positionne pas sa société à sa juste place. « Comme beaucoup de gens le savent, les recherches de Gartner peuvent influencer les perceptions du marché, vraisemblablement sur la base de la réputation de l’entreprise en matière de recherche diligente et, comme le note Gartner, de son « indépendance, son objectivité et sa précision » », indique le dirigeant sur son blog. « Pendant plusieurs mois, nous avons collaboré avec l’équipe Gartner afin de remédier en vain à un grand nombre de problèmes et d’inquiétudes. Nous avons donc jugé important que le marché, y compris nos clients, clients potentiels, partenaires et employés, dispose de l’ensemble des faits pertinents permettant d’évaluer objectivement les informations contenues dans ce Magic Quadrant. »

Le dirigeant s’étonne que Rubrik, entrée dans le quadrant en 2017 parmi les visionnaires (le niveau le plus bas du classement), figure toujours à la même place alors que le nombre de salariés a été multiplié par plus de cinq et atteint désormais celui d’entreprises considérées comme leaders par le cabinet comme Veeam et Comvault. Il estime aussi que l’entreprise a réalisé « des progrès significatifs dans son activité, surpassant tous ses concurrents et a eu un impact disproportionné sur le marché de la sauvegarde et de la restauration de centres de données » sans que cela ait eu un effet sur le classement. Bipul Sinha ajoute que selon l’analyste principal en charge de la version 2019, Rubrik figure dans 80% des demandes d’informations reçues des clients de Gartner.

Il précise que dans les ébauches du document que le cabinet a partagé avec les fournisseurs, Rubrik a relevé 17 inexactitudes concernant des fonctionnalités manquantes, l’adoption par les clients de la solution et sa déployabilité. « Dans certains cas, il était clair que les analystes nous ont confondus avec un concurrent plus petit dans leur description d’une relation OEM et de nombreuses présentations du fonctionnement de notre technologie. Malheureusement, nos corrections, une fois soumises, n’ont eu absolument aucun impact sur l’évaluation du positionnement de Rubrik », affirme-t-il avant de rappeler que Forrester a placé sa société dans la catégorie Leader avec le score le plus élevé dans son Forrester Wave pour les solutions de résilience des données.

Bipul Sinha évoque un conflit d’intérêt et une partialité manifestes chez certains analystes, expliquant que cinq d’entre eux avaient contacté sa société pour obtenir un emploi, que quatre d’entre eux avaient été recruté et que le cinquième, dont la candidature avait été refusée, s’était vu confier peu après la rubrique couvrant notamment Rubrik. « Nous nous attendions à ce que ce conflit d’intérêts ait été divulgué, comme l’exige la politique de Gartner, mais ce ne fut pas le cas », ajoute encore le CEO.

Il s’étonne que lorsque le conflit d’intérêts fut clair pour Gartner, un deuxième examen complet a été effectué sur une période de trois semaines, qui a abouti à un produit « qui n’apporte aucun changement important » et qui est désormais le Quadrant actuel. « Cela contraste nettement avec le processus de recherche typique de 4 à 5 mois mené par des analystes dévoués possédant une expérience approfondie des clients et des fournisseurs de notre secteur », conclut-il.

Il semble que le cas de Rubrik ne soit pas unique puisque Oussama El-Hilali, directeur de la technologie chez Arcserve, a déclaré à CRN que sa société avait vécu une expérience similaire, évoquant notamment une quarantaine d’inexactitudes dans l’analyse réalisée par Gartner.

Interrogé par nos confrères à propos de Rubrik, Gartner a renvoyés ceux-ci vers le blog de Nancy Erskine, vice-présidente de l’éthique et de l’intégrité du groupe. Elle y indique que le cabinet a fait appel à un analyste senior d’une autre équipe pour procéder à un réexamen approfondi. « Il n’a trouvé aucune irrégularité dans les données, le processus de recherche, l’analyse, les interactions de l’analyste avec Rubrik, les conseils fournis par cet analyste à plus de 100 clients finaux concernant ce fournisseur, ou les conclusions présentées dans le projet de Magic Quadrant », affirme-t-elle.

Mais finalement, tout cela a-t-il une si grande importance ? « Dans 20 ans je pourrai compter sur une main les clients qui auront pris une décision basée sur le Magic Quadrant. Les petits clients et de taille moyenne vont le regarder, mais je ne suis pas sûr du poids qu’ils y accordent », a déclaré à nos confrères le dirigeant de Sequel Data Systems, un fournisseur de solutions basé au Texas. « Aujourd’hui, les gens veulent voir des démos du logiciel et l’essayer avant de faire leurs achats. »