Il se passe des choses chez IBM. Sa transformation, démarrée avec l’externalisation de Kyndryl en novembre dernier, s’accompagne d’une volonté affichée de remettre les partenaires au centre du jeu. Une volonté qui se matérialise à travers trois initiatives majeures : son réinvestissement dans la relation avec les ESN, la redynamisation de son réseau de partenaires existants et le recrutement de nouveaux partenaires. Un chantier placé sous la direction de son nouveau vice-président stratégie & accélération écosystème, Éric Haddad (photo), un ex-Google entré en juillet dernier dans la maison IBM.

Sous sa houlette donc, IBM a entrepris de resserrer les liens avec les grandes entreprises de services numériques en encourageant la mise en place ou la formalisation de practices dédiées à ses technologies. En quelques mois, une practice consacrée à sa solution d’automatisation des process métier Maximo est née chez Atos, une autre vouée à ses solutions de sécurité QRadar a été créée chez Capgemini et une troisième dévolue aux process de relations clients basés sur ses services Watson a été portée sur les fonts baptismaux chez Sopra Steria. « On en vise une dizaine d’ici à la fin 2022 », commente Éric Haddad. Parmi les entreprises pressenties pour accueillir une practice IBM : Devoteam, Inetum, CGI…

Pour arriver à ses fins, IBM a significativement renforcé l’équipe technique affectée aux partenaires. « On a triplé l’effectif technique, assure Éric Haddad. Pour autant que je sache c’est la plus grosse équipe du marché français ». Celle-ci est chargée d’accompagner la montée en compétences des partenaires et de les épauler sur toutes les actions techniques avant-vente (preuves de concept, preuves de valeur, ateliers, etc.). Un investissement qui semble payer : le volume de chiffre d’affaires associé à ces practices a doublé entre le 1er janvier et le 31 mars, selon Éric Haddad. Depuis le début de l’année, le portefeuille d’engagement cumulé pour l’ensemble des ESN – les déploiements technologies IBM qu’elles influencent ou qu’elles réalisent – aurait progressé de 400% par rapport à 2021.

À noter que l’externalisation de Kyndryl, son activité de services technologiques, a permis de clarifier la situation vis-à-vis des ESN, qui ont longtemps perçu IBM comme un concurrent. Pour les ESN, l’appel d’air devrait être d’autant plus important que les équipes commerciales IBM ne sont plus intéressées sur la vente des services IBM depuis le 1er janvier dernier et que toutes les prestations de déploiement de produits sont attribuées en priorité aux partenaires.

En parallèle, Éric Haddad s’emploie à redynamiser le réseau de partenaires historiques, plutôt tournés vers la vente de matériels, en les incitant à embrasser un plus large spectre de produits et de technologies IBM. C’est par exemple le cas chez SCC, qui développe des compétences sur ses technologies de gestion de la donnée et sur son offre de gestion de ressources applicatives héritée de Turbonomic. ACMI, qui avait déjà entamé un mouvement vers les services managés en revendant ses matériels sous forme de service, a commencé à y accoler son offre de Cloud. D’autres initiatives sont en cours de finalisation chez Corelia (ex-D-Fi) ou Axians… IBM revendique plusieurs dizaines de partenaires hardware en France mais 80% du chiffre d’affaires est réalisé par une dizaine d’entre eux.

De manière plus surprenante, IBM s’est lancé dans le recrutement de nouveaux partenaires. Une initiative qui vise essentiellement à renforcer le nombre de partenaires sur ses quatre familles de produits logiciels : data & IA (Cloud Data Pack et Watson), automatisation (Pack Automation), sécurité (QRadar), applications (applications métiers, Maximo, Rational…). IBM revendique déjà plusieurs signatures, notamment avec Inetum, sur l’AIOps, et Artefact sur la gestion de données.

Autant d’initiatives qui vont dans le bon sens aux yeux des partenaires. « IBM nous a affecté un architecte de haut niveau qui nous aide à définir notre stratégie technique et à mettre les moyens nécessaires », se félicite François Levelut, directeur de la business unit IT hybride et IBM chez SCC. « Nous notons une ouverture sur certains clients, sur lesquels le « Go to market » était précédemment exclusivement réservé au canal direct et qui dorénavant nous est ouvert », note avec satisfaction José De Queiros, directeur général de Novahé (groupe Constellation).

Mais certains partenaires historiques sont dubitatifs sur la portée réelle de la transformation d’IBM et surtout sur sa capacité à prendre en compte les attentes des partenaires. « Il manque encore une vraie culture de l’écosystème partenaires et de son fonctionnement chez IBM, regrette l’un d’eux. Au-delà d’un manque de compréhension de leurs contraintes et de leur modèle économique, les équipes partenaires ne nous associent pas suffisamment en amont sur les cycles de vente ».

Un autre fustige une « offre devenue totalement illisible [dont] le hardware [est] le parent pauvre ». Plus fondamentalement, ce partenaire doute de l’existence d’un marché autour des technologies d’intelligence artificielle d’IBM, qui sont pourtant l’un de ses chevaux de bataille.

Autre problème souligné par les partenaires : le déficit d’image d’IBM et le manque de création de demande pour ses produits et solutions. Si on ajoute à cela la dégradation continue des programmes de rémunération depuis des années et leur imprévisibilité, qui ont laissé beaucoup d’amertume dans le réseau, on comprend l’étendue du chemin qu’il reste à parcourir à IBM en la matière.

« Je suis là pour changer les choses, répond Éric Haddad. IBM a pris la décision de faire rentrer à des positions stratégiques des personnes venues de l’extérieur avec une culture différente pour faire pivoter l’entreprise. J’apporte cet œil nouveau. Nous avons un travail de fond à faire pour simplifier et renforcer la collaboration avec notre écosystème. Nous savons qu’il y a des choses à améliorer. C’est le sens de la transformation que l’entreprise opère actuellement : clarifier l’offre, fluidifier les relations et apporter des solutions pour générer des réussites communes ».

Gage de cette volonté de transformation de la relation partenaires : IBM France organisera un grand symposium à l’intention des dirigeants de l’écosystème d’ici la fin de l’été.

Moyennant quoi, Éric Haddad espère atteindre son objectif de doubler le poids de l’indirect d’ici à la fin de l’année, le faisant repasser au-dessus des 50% dans les revenus d’IBM.