Le groupe européen de distribution et de services s’est fixé comme objectif de doubler le poids des services dans le chiffre d’affaires de sa filiale française. Mais celle-ci vient d’annoncer la suppression de près de 240 postes.


Les 2000 salariés de la filiale française du groupe britannique de distribution et de services informatiques sont sous le choc. Après une année 2013 calamiteuse qui s’est traduite par une perte avant impôts de 25,7 M€, ils viennent d’apprendre que le groupe avait décidé de supprimer quelque 236 postes (soit environ 12% de son effectif) dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Le processus d’information-consultation des instances représentatives a démarré le 26 mars et devrait durer trois mois.

Sollicitée sur le sujet, la direction a refusé de commenter et même de confirmer l’existence de ce plan. Officiellement, « pour ne pas risquer de tomber sous le coup d’un délit d’entrave ». Ce qui constitue déjà un aveu en soi. Mais elle a néanmoins admis que des « réajustements d’effectifs » étaient « probables » dans le cadre du projet de réorganisation paneuropéen en cours.

Le groupe passe en effet d’une organisation par pays à une organisation par métiers à l’échelle européenne. Déjà mise en place au Royaume-Uni et en Allemagne, cette organisation est en cours d’implémentation en France. Seules les activités commerciales et la gestion des contrats de services resteront pilotées en France. Les autres fonctions, notamment la production des services, la logistique et les fonctions centrales, seront désormais pilotées par l’Europe. Et le poste de directeur général disparaîtra au profit d’une fonction de country manager (qui reste à pourvoir).

Dans le cadre de cette réorganisation, le groupe souhaite à terme doubler le poids des services dans les revenus (en les faisant passer de 17-18% du chiffre d’affaires actuellement à 30%) et recentrer son activité sur un nombre plus restreint de clients en se concentrant exclusivement sur les grandes et très grandes entreprises. La base clients de la filiale britannique serait ainsi beaucoup plus réduite que celle de la France mais chaque client générerait en moyenne 3 à 4 fois plus de revenus.

Computacenter affiche donc une volonté de développement, notamment des services, mais s’apprête dans le même temps à réduire drastiquement ses effectifs. Un paradoxe qui n’a pas échappé aux organisations syndicales. Regroupées en intersyndicale, elles dénoncent dans un tract un plan « illisible », qui ne recèle « aucune vision d’entreprise précise ni politique commerciale claire et cohérente. Juste des mesures de restriction de coûts et de contraction de nos activités ». Et d’enfoncer le clou : « en élaguant à l’aveugle au printemps bourgeonnant, il ne faudra pas s’étonner si l’arbre ne donne aucun fruit. Faudra-t-il alors l’abattre ? »

L’intersyndicale en profite pour livrer sa vision sur les causes du mal : « C’est bien l’ensemble des réorganisations qui se sont succédé à des cadences infernales depuis deux ans, souvent mal pilotées et mal anticipées, ajoutées à une croissance des effectifs non maîtrisée (pas de réelle gestion prévisionnelle des emplois et des compétences) qui ont conduit la filiale française à la difficile situation que nous connaissons aujourd’hui. »

En somme, le PSE serait la conséquence du rachat de Top Info et de la migration de Computacenter France vers SAP. Le rachat de Top Info début 2011 a en effet entraîné une refonte complète de la logistique en 2012 ainsi que le déménagement des équipes centrales des deux sociétés. Des bouleversements auxquels sont venus s’ajouter ceux liés au nouvel ERP, entré en production mi-2013, occasionnant d’importants blocages pendant des mois.

« La conjugaison de ces deux facteurs a eu impact considérable sur le résultat d’exploitation 2013 », reconnaît Frédéric Mathiot, ex-directeur de la stratégie, désormais en charge de la « gouvernance commerciale » de Computacenter France. La société aurait ainsi manqué de plus de 8 M€ ses objectifs commerciaux l’année dernière. Et de confirmer au passage la thèse du défaut d’exécution et d’anticipation.

C’est en tout cas ce qui aurait coûté leur place à Henri Viard, le directeur général remercié fin 2013, mais également à Gabriel Nicolini, directeur de la logistique, et Pierre Laurin, directeur des services. Des mauvais résultats qui tombent à pic pour le groupe qui avait prévu de toute façon de supprimer leur poste dans le cadre de sa nouvelle organisation. Frédéric Mathiot précise toutefois que la logistique, principale responsable des mauvais résultats de 2013, fonctionne désormais normalement.