Deux arrêts de la Cour de cassation remettent en question les liens qui unissent SFR aux gérants de ses franchises, en leur reconnaissant le statut de salariés. Deux arrêts qui pourraient lui coûter très cher.

 

Coup de tonnerre dans le réseau SFR. Deux arrêts de la Cour de cassation viennent de reconnaître à deux anciens revendeurs de téléphonie mobile indépendants en contrat de franchise sous l’enseigne Espace SFR le statut de gérant de succursale de l’opérateur. Un statut qui les assimile à des salariés et les rend fondés à lui réclamer des arriérés de salaires, des congés payés et des indemnités de licenciement. L’un d’eux, Pascal Wagner, ex-patron de la société ETE, qui a compté jusqu’à six points de vente, a ainsi obtenu la confirmation de son jugement d’appel condamnant SFR à lui verser 180.000 €.

Ces deux arrêts qui, combinés, font jurisprudence, remettent fondamentalement en question les règles qui régissent actuellement les relations entre l’opérateur et ses partenaires. L’opérateur n’évitera probablement pas de réécrire entièrement les contrats le liant avec les quelque 80 franchisés (selon l’estimation de l’un d’eux) représentant quelque 250 points de vente encore dans son réseau sous enseigne Espace SFR. Un scénario que réfute SFR dans un courrier envoyé à certains d’entre eux le 4 février, arguant que ces deux décisions doivent faire l’objet d’une procédure de renvoi en cour d’appel. « Certes, mais celle-ci ne pourra  que s’incliner devant les arrêts de la cour de Cassation et rejuger en fonction de sa lecture », répond Frédéric Michel, l’avocat des deux ex-franchisés SFR.

Surtout, ces franchisés pourront prétendre eux aussi requalifier leur statut et obtenir jusqu’à cinq années d’arriérés de salaires (le maximum prévu par la loi). Mieux, ils pourront réclamer le remboursement des salaires et des charges sociales correspondantes de leurs propres salariés, SFR devenant du même coup leur véritable employeur. Mais gageons qu’ils seront peu nombreux à prendre le risque de s’aliéner les grâces de leur partenaire en se lançant dans de telles revendications.

Le plus grand danger pour SFR vient en fait de ses anciens franchisés, qui seraient environ deux cents, selon Philippe Fontfrède, animateur du blog telecoms, lui-même ancien distributeur Neuf Cégétel. « Un scénario envisageable y compris pour les Espaces SFR ayant quitté le réseau depuis plus de cinq ans, l’arrêt de la cour de Cassation faisant courir la prescription à partir de la date de son rendu, soit le 1er février dernier », explique Frédéric Michel. Il affirme à ce titre avoir une quinzaine d’autres dossiers comparables en cours.

Le risque judiciaire est d’autant plus grand pour SFR que la plupart de ses anciens franchisés auraient purement et simplement été évincés au cours des années, toujours selon Philippe Fontfrède. Une affirmation qui concorde avec les différents témoignages que nous avons pu recueillir sur ce point. Non renouvellement de contrats (sans indemnités), baisse unilatérale des rémunérations, installation de boutique en propre à proximité, demandes de réinvestissement exorbitantes… Apparemment, SFR ne manque pas de ressources (à l’instar de beaucoup d’autres opérateurs) pour se débarrasser des indépendants devenus indésirables. Un mouvement qui va aller s’accélérant, prédit l’un d’eux.