Luc d’Urso, le dirigeant-fondateur de l’éditeur de solutions de protection de données Wooxo, s’est offert à quelques mois d’intervalle deux de ses principaux compétiteurs sur le marché français : Synerway et Atempo. Voici comment.

Channelnews : Créés respectivement en 1992 et 2002, les spécialistes de la protection de données Atempo et Synerway font figure de vétérans face à Wooxo qui n’a été créé qu’en 2010 et qui n’a démarré son exploitation commerciale qu’un an plus tard. Pourtant c’est ce dernier qui a fini par mettre la main sur ses deux devanciers l’année dernière. Dans quel contexte se sont faites ces opérations ?

Luc d’Urso : À la suite de sa conquête réussie du marché américain, Atempo était passé sous le radar des fonds d’investissements américains et avait fini par être racheté par le spécialiste des logiciels mainframes ASG Software Solution en 2011. Mais ASG s’est retrouvé en difficultés sur son cœur de métier en 2015 et, après un passage par le chapitre 11, a décidé de remettre en vente Atempo en 2017. C’est là que moi et mes associés sommes entrés en jeu via notre holding Kickstart Management. À la même époque, Synerway faisait l’objet, pour la deuxième fois de son existence, d’une procédure collective. Le dossier nous intéressait également mais pour une question de bande passante, nous n’avons pas pu l’examiner tout de suite. Nous avons dû attendre de finaliser l’opération de rachat d’Atempo fin septembre dernier pour nous repencher sur le dossier. Entretemps, l’entreprise avait cessé son activité et les salariés avaient été licenciés. Mais il restait la technologie. Nous avons fait une offre qui a été retenue. Pour l’anecdote, nous nous étions déjà positionnés sur la reprise de l’entreprise il y a près de cinq ans, lors de sa première défaillance. Nous avions le soutient de son président-fondateur, Christian Maillard. Mais notre offre était moins-disante en termes de prix et nous n’avions pas eu l’affaire.

Comment avez-vous financé ces acquisitions ? Si on peut subodorer que la valeur de Synerway était faible, celle d’Atempo, avec ses 16,4 M€ de chiffre d’affaires et son exploitation bénéficiaire, a dû être conséquente !

Luc d’Urso : Sur fonds propres. Avant de créer Wooxo, j’avais revendu une première société qui m’a permis de financer cet investissement.

Pourquoi avoir racheté Synerway et Atempo ?

Luc d’Urso : Depuis un certain temps, nous étions dans une logique d’acquisition dans le domaine de la sauvegarde informatique car nous étions convaincus qu’avec le durcissement de réglementation en Europe (GDPR) et en France (loi de programmation millitaire) et la croissance exponentielle des données, les besoins en solutions de protection des données allaient exploser. Wooxo conçoit une solution clé en main qui s’adresse à une clientèle de TPE-PME n’ayant que peu ou pas de ressources informatiques. La technologie d’appliance de Synerway, très automatisée et très peu gourmande en ressources, amène le même service mais pour une typologie d’entreprises de plus grande taille et surtout multisites. Enfin, Atempo nous apporte la dimension grands comptes et nous permet d’atteindre la taille critique. La société compte plus de 2.000 clients sur les cinq continents, dont les volumes de données se comptent en peta-octets. Son offre Digital Archive permet de répondre aux enjeux de croissance exponentielle des données, qui s’imposeront demain à toutes les entreprises. C’est cette technologie, capable de sauvegarder, restaurer et mouvementer de grands volumes de données en temps record, qui a permis à la société de s’imposer aux USA en séduisant tous les grands groupes américains du secteur du broadcasting, des médias et des loisirs. Aujourd’hui, avec le développement du calcul haute performance, on s’aperçoit que beaucoup de grandes entreprises, notamment du secteur des sciences de la vie et de la terre, mais aussi de l’industrie, ou de la finance sont confrontées à cette problématique de gestion de grandes masses de données.

Qu’est-ce qui a provoqué la défaillance de synerway, selon vous ?

Luc d’Urso : C’est le manque d’investissement en R&D qui a fini par entraîner la défection en mars 2017 de son plus gros client, le groupement des Mousquetaires. Les repreneurs de la société en 2013 ont adopté une stratégie de réduction de coûts là où il aurait plutôt fallu investir. Le marché de la sauvegarde est en évolution rapide. Les concurrents anglosaxons se préoccupent beaucoup moins de rentabilité à court terme. Ils misent d’abord sur l’acquisition de parc et l’ajout de nouvelles fonctionnalités répondant aux besoins du marché dans l’espoir d’atteindre à terme la taille critique qui leur permettra de minorer la part de leurs investissements R&D.

Wooxo et Atempo restent des entités juridiques distinctes avec des équipes séparées. Prévoyez-vous de rapprocher à terme ?

Luc d’Urso : C’est à l’étude. On regardera comment simplifier l’organisation du groupe et notre portefeuille de marques cet été.

Quelle est la taille du groupe désormais et quelle sont ses perspectives de croissance pour cette année ?

Luc d’Urso : Au moment du rachat, Atempo comptait 125 salariés et Wooxo une cinquantaine. Mais nous enregistrons une croissance rapide sur les deux entités. Sur Atempo, nous avons déjà procédé à 25 embauches depuis le rachat dont 15 sont en poste et dix sont sur le point de nous rejoindre. Du côté de Wooxo, on accélère l’internationnalisation en ouvrant la Hollande, l’Allemagne et la Suisse après avoir attaqué avec succès la Belgique, le Luxembourg et l’Italie. Mais il nous reste encore à trouver les bonnes personnes. Le groupe devrait franchir la barre des 200 personnes cette année et dépasser les 20 M€ de chiffre d’affaires.