Les hausses de prix annoncées sur certaines références SPLA ont mis en émoi les fournisseurs de services hébergés. Beaucoup cherchent désormais à se rendre le plus indépendants possible des technologies Microsoft.

 

Les hébergeurs Microsoft ne sont pas du tout contents. Ils viennent d’apprendre que Microsoft avait programmé de substantielles hausses de prix sur certaines références SPLA (Service Provider license agreement), nom du programme de licences qui leur est réservé. Ces hausses, qui doivent entrer en vigueur à partir du mois de janvier, sont d’une ampleur inédite : 38% sur Windows Server Datacenter, 23% sur Core Infrastructure Server Suite, et même 51% sur System Center 2012 R2 Client Management Suite.

 

Une nouvelle qui a immédiatement soulevé un tonnerre de protestations de la part des principaux concernés. Les réactions sont d’autant plus vives que l’information a semble-t-il fuité dans la presse avant que Microsoft n’ait commencé à les sensibiliser. Pris de cours, l’éditeur a confirmé l’information mais n’en a pas dit plus, se contentant d’indiquer par la voix de ses relations presse que ces hausses seront justifiées par l’ajout de nouvelles fonctionnalités dans les solutions concernées et qu’un nouveau mode de licensing à l’instance sera introduit en parallèle. 

 

Une hausse extrêmement forte, non concertée et à effet rapide

 

Que l’éditeur ait ou non eu le temps de préparer sa communication, il va devoir s’expliquer rapidement et se montrer convaincant car la pilule est particulièrement difficile à avaler pour les intéressés. Principale récrimination formulée : cette augmentation tarifaire « extrêmement forte, non concertée et à effet rapide » va les mettre dans l’embarras vis-à-vis de leurs clients. « Appliquer 38% de hausse sous trois mois alors que l’on sait que les contrats d’infogérance sont généralement signés sur 36 mois à 60 mois, c’est clairement inacceptable et dangereux. Si tous nos fournisseurs se mettaient à faire cela, nous serions dans une situation intenable », souligne ainsi un gros hébergeur du Sud-Ouest.

 

De fait, beaucoup de fournisseurs de services Cloud sont liés à leurs clients par des contrats d’infogérance aux prix relativement figés. Les hausses sont possibles mais sont strictement encadrées (généralement elles sont indexées sur les barèmes Syntec). À l’inverse, Microsoft se réserve la possibilité de modifier ses grilles tarifaires tous les trois mois. Personne n’a encore évalué précisément les répercussions de la décision de Microsoft sur les coûts des contrats mais, au vu de l’ampleur des hausses de prix, beaucoup s’attendent donc, soit à devoir sacrifier leur marge, soit à réajuster substantiellement leurs tarifs, quitte à rappeler leurs clients un par un (des milliers pour certains).

 

Microsoft coutumier des hausses à forte amplitude

 

Un coup dur qui, pour beaucoup, est la goutte qui fait déborder le vase. Le 16 janvier dernier déjà, ils ont dû avaler une hausse de 78% sur les licences SQL Server Standard SAL (par utilisateur). Une hausse qui les a obligés à changer de mode de licencing pour passer au coût au processeur. Pour l’un d’eux, cette hausse s’est traduite par une augmentation de 12% de ses contrats du jour au lendemain. Et l’année dernière, Microsoft avait baissé les prix d’Office 365 (hébergé dans ses datacenters) sans revoir ceux des versions SPLA de sa suite de productivité, rendant les offres de ses partenaires nettement moins compétitives que la sienne.

 

Des audits contestés

 

Et la liste des griefs à l’égard de Microsoft ne s’arrête pas là. Les hébergeurs ont encore en travers de la gorge la campagne d’audits de leur parc de licences que leur a infligée l’éditeur à la fin de l’année dernière et qui s’est traduite pour beaucoup d’entre eux par des factures de mises en conformité particulièrement salées : plusieurs dizaines de milliers d’euros, voire près de 100.0000 € pour certains. Sans parler des hausses induites sur leurs loyers mensuels.

 

Des « redressements » d’autant plus mal vécus que les sociétés concernées assurent avoir agi de bonne foi en accord avec les recommandations de leurs interlocuteurs habituels chez Microsoft et chez leurs grossistes. Certains ont même songé à aller au contentieux mais en ont été fortement dissuadés par Microsoft.

 

« Nous pourrions sortir Hyper-V de nos datacenters » 

 

Conséquence de toutes ces pierres dans leur jardin, les hébergeurs ne cachent plus leur défiance vis-à-vis de l’éditeur. « L’étude de solutions alternatives devient une priorité et si ce projet d’augmentation va au bout, nous réagirons violemment, quitte à sortir Hyper-V de nos datacenters », explique l’un d’eux. « On n’a pas défini encore de plan d’action mais ce qui est certain c’est qu’on va se rendre le plus indépendant possible de Microsoft », renchérit un autre, dont l’aire d’influence couvre les Pays de la Loire et les régions limitrophes. « On oriente nos clients vers l’open source quand ils démarrent un nouveau projet », confesse un troisième. D’ailleurs, « Linux monte en puissance sur les architectures virtuelles », explique un des pionniers de l’hébergement en France. Encore quasiment pure-player Microsoft il y a quatre ans, il revendique désormais la moitié de ses machines sous Linux.

 

L’image de Microsoft n’en ressort pas grandie pour les clients

 

Plus grave, en agissant ainsi, Microsoft décrédibilise selon eux le Cloud aux yeux des clients. « Après la dernière hausse de Microsoft, beaucoup de clients ont été tentés de rapatrier leurs serveurs en interne à échéance de leur contrat au motif que le ROI du Cloud n’était pas démontré », explique un hébergeur de l’Est de la France. Et certains sont passés à l’acte, déplore-t-il. « Les clients sont outrés par ce type de mesure. L’image de Microsoft n’en ressort pas grandie, ni chez nous, ni chez eux », proteste un autre.

 

Toutes ces réactions négatives et leurs conséquences indésirables sur le business, Microsoft les aura fatalement anticipées, Mais, « l’éditeur aura fait ses comptes et se sera débrouillé pour ponctionner où il se sait le moins vulnérable », expliquent substance les partenaires. « Les temps sont durs pour Microsoft qui a subi plusieurs revers ces derniers mois notamment sur Windows 8, Surface, ou encore sur ses activités online », soulignent-ils. Et la concurrence est féroce sur le Cloud, qui demande d’énormes investissements. « Microsoft sait qu’il va perdre des clients mais le risque est calculé : ce sera toujours moins que ce que va lui rapporter cette hausse de prix ». « Il se sait incontournable ».

 

Une stratégie à long terme

 

Pour d’autres, il ne s’agit pas seulement pour l’éditeur de s’assurer un nouveau revenu immédiat mais d’une stratégie à plus long terme consistant à rendre les Cloud privés de ses hébergeurs moins attractifs aux yeux des clients que son Cloud public. Des partenaires de plus en plus convaincus que Microsoft cherche à les contourner en essayant de récupérer la maîtrise du client final.

 

« L’essentiel de valeur de l’écosystème est capté par Microsoft, décrypte le patron d’une société de services pure-player Microsoft. Les partenaires ne peuvent que constater l’érosion progressive de leur profitabilité et la hausse constante des exigences de Microsoft ». Une situation paradoxale, selon lui, car dans le même temps, l’éditeur commence à ne plus être l’acteur de référence qu’il était jusqu’à présent. Et cette stratégie d’asphixie progressive va à l’encontre du discours selon lequel Microsoft souhaite mettre ses hébergeurs au centre du jeu, notamment pour gérer les problématiques de Cloud hybride.

C’est donc au moment où il a le plus besoin de son écosystème que l’éditeur semble perdre ce savoir-faire channel unique sur le marché. Ses concurrents l’ont bien compris qui multiplient les initiatives pour capter les brebis égarées.