Depuis le 1er mars, la société de services a encore été confrontée à deux tentatives de suicide de ses salariés, dont une sur le lieu de travail. Des événements qui relancent la polémique sur les risques psychosociaux.


Les salariés de Steria continuent d’être soumis à des risques graves pour leur santé mentale. C’est en tout cas le constat de l’inspection du travail qui a adressé début août à la direction de l’entreprise une mise en demeure de procéder (sous quatre mois) à une évaluation des risques psychosociaux et de mettre en place un plan d’action. Une mise en demeure diligentée suite à un contrôle effectué au cours du mois de juillet sur son site de Meudon-La-Forêt auquel sont rattachés plus de 2000 salariés.

Les causes de ces risques psychosociaux sont bien connues : intensité et charge de travail trop importantes, mauvaise gestion des intercontrats, absence de reconnaissance (sous forme d’évolution et d’augmentation), mauvaise définition des emplois, responsabilités et liens hiérarchiques…. L’inspection du travail a ainsi constaté au cours de son contrôle qu’« aucun outil de mesure de durée du travail des salariés » n’avait été mis en place malgré l’engagement à plusieurs reprises de la direction de l’entreprise de le faire. Elle a également pointé l’absence d’accord prévoyant les modalités de suivi de l’organisation du travail, de l’amplitude des journées et de la charge de travail de quelque deux cents cadres au forfait jour.


Des situations qui se traduisent par de la souffrance au travail, du stress, des dépressions, des syndromes d’épuisement professionnel, voire des suicides. L’entreprise a ainsi été confrontée depuis le 1er mars à deux tentatives de suicide de ses salariés, dont une sur le lieu de travail. Officiellement, le passage à l’acte a été motivé par des motifs d’ordre personnel. Une version que personne n’a pu vérifier, le CHSCT n’ayant pas été autorisée à enquêter.

Mais ces événements désagréables ont contribué à relancer de plus belle les polémiques en interne autour de la prévention et du traitement des risques psychosociaux. Une polémique née à la suite d’une première vague de suicides et tentatives de suicides en 2008 et qui avait débouché en 2010 sur deux expertises indépendantes sur le sujet. L’une d’elle, celle du cabinet Présence Psychologique commandée par Steria, notait déjà à l’époque que le que le stress des salariés à leur domicile était au-delà du seuil habituel, que 8% étaient en situation de souffrance , 2% en état de burn out, et que 50% des cas de souffrance signalés ne faisaient l’objet d’aucune action.

« Rien n’a changé depuis », tempête la CGT qui dénonce l’absence de mesures de prévention et de trop rares actions orientées exclusivement sur le traitement des conséquences des problèmes. Il est ainsi question de mettre une hotline à la disposition des salariés en souffrance qu’ils pourraient appeler pour bénéficier d’un suivi. « Il est indispensable d’aider les salariés en souffrance mais la direction ne s’attaque pas aux racines du problème, juge un délégué syndical CGT. En simplifiant, elle est prête à apprendre aux salariés à gérer leur stress mais pas à remettre en cause l’organisation du travail, pourtant à l’origine du problème. »

De son côté, la direction de la société explique par la voix de sa directrice de ressources humaines, Sylvie Verstraeten, être mobilisée sur ce sujet depuis cinq ans et avoir pris plusieurs mesures concrètes, notamment en recrutant une assistante sociale en 2010 ou en mettant en place une formation pour tous ses managers sur la prévention des risques psycho-sociaux. Un chef de projet en charge de la mise en œuvre des actions et de leur suivi a même été nommé cet été.

Pour autant, la DRH ne nie pas l’existence du problème. Elle admet même que la dégradation de la situation économique depuis fin 2012 a pu contribuer à aggraver les choses. Mais elle assure que l’entreprise se mettra en conformité avec toutes les demandes formulées par l’inspection du travail, notamment en rédigeant le document unique de prévention des risques.

 

Ajout à l’article inital en date du 1 octobre 2012, droit de réponse Steria

 

En date du 9 octobre, la société Steria nous a fait parvenir, sous la plume de son directeur général Oivier Vallet, le texte ci-dessous, qu’elle nous demande d’insérer au titre du droit de réponse :

« Votre article laisse entendre que Steria a été interrogé sur l’ensemble des sujets traités dans votre article. Or, vous avez questionné notre DRH uniquement sur les risques psycho-sociaux. Les propos rapportés, s’ils ne sont pas dénaturés, répondaient uniquement à des questions sur la mise en demeure. Le sujet le plus grave et préoccupant que vous abordez n’a jamais été évoqué avec vous.
Vous parlez ainsi de deux tentatives de suicide, sans d’ailleurs avoir vérifié l’information, comme vous l’indiquez vous-même dans votre article. Si vous aviez vérifié vos informations auprès de Steria, vous auriez su qu’en l’état le caractère professionnel de ces situations n’est pas établi, et que cette information n’a pas été diffusée en interne en dehors du CHSCT, à la demande même des principaux intéressés; ceux-ci souhaitant que leur anonymat le plus strict soit préservé. Leur exigence a donc été respectée, tant en interne qu’en externe, même si le médecin du travail, ainsi qu’un psychologue clinicien sont intervenus longuement en CHSCT pour partager l’importance de respecter l’anonymat demandé par les salariés, afin de ne pas augmenter leurs difficultés. Ces deux salariés, qui sont revenus travailler, ne tiennent pas à voir exposée leur vie personnelle.
Tout a été mis en oeuvre pour que leur retour se passe au mieux (suivi régulier par la médecine du travail et l’assistante sociale, le service Ressources Humaines, leur
manager, … ).
Concernant la mise en demeure, vous insistez sur les volets sur lesquels il nous reste à travailler, mais ne décrivez pas tout ce qui a été fait depuis trois ans sur ce thème. Afin donc de vous éclairer, et en dépit du temps que nous vous avons déjà consacré pour répondre à une partie seulement des sujets abordés dans votre article, Steria s’est en effet vue notifier de procéder, pour l’établissement de Meudon-la-Forêt, à une évaluation des risques portant sur l’ensemble des facteurs susceptibles d’être à l’origine de risques psychosociaux, et à la mise en oeuvre d’un plan d’action. Processus sur lesquels nous travaillons depuis 2010. Si ces processus ont pu prendre du temps, l’analyse des risques potentiels au sein de l’établissement de Meudon a fait l’objet de plusieurs études, notamment par les cabinets Technologia et Présence Psychologique. Ces risques peuvent porter par exemple, sur la charge de travail et l’articulation entre la vie professionnelle et personnelle, mais aussi sur les rapports sociaux au travail, dont la situation d’inter-contrat, la relation avec les clients, ou l’aménagement des locaux et des postes de travail.
Steria va se concentrer au cours des trois prochains mois sur la finalisation de ce plan d’action dans le cadre d’une démarche globale de prévention. »