La cour d’appel de Versailles vient de juger Steria coupable de harcèlement et de discrimination en raison d’une activité syndicale. C’est la troisième condamnation de ce type pour la SSII en 2012.

On peut mener des actions médiatiques en faveur des travailleurs handicapés et bloquer tout dialogue social à l’intérieur de l’entreprise. C’est ce qui ressort à la lecture du dernier communiqué du syndicat Steria Avenir. Publié à l’occasion de la troisième condamnation en 2012 de la SSII pour harcèlement moral et discrimination à l’encontre d’un syndicaliste, ce document suit de quelques jours un communiqué de la direction annonçant triomphalement la mise en place à l’intérieur de la société d’un plan visant à favoriser l’emploi des travailleurs handicapés, accompagné d’une hotline dédiée à ces derniers.

Il semble que les travailleurs « normaux » n’aient pas droit à tant d’attention. Et encore moins les partenaires sociaux si l’on se réfère au jugement de la cour d’appel de Versailles qui vient de condamner la SSII à repositionner un de ses salariés, par ailleurs représentant du personnel, à un niveau supérieur avec alignement du salaire et versement des arriérés dus. Elle oblige également la société à verser à ce dernier près de 30.000 euros de dommages-intérêts « au titre du préjudice professionnel et matériel causé par la discrimination » et 10.000 euros « au titre du préjudice moral causé par le harcèlement ».

Ce jugement fait suite à une condamnation de la SSII par le conseil des prud’hommes de Versailles en février, puis à une autre par la cour d’appel de Toulouse en avril, dans les deux cas pour discrimination en raison de l’activité syndicale d’un salarié. D’après Steria Avenir, la société aurait déjà été condamnée à plus de 10 reprises pour les mêmes raisons, pour un total de plusieurs centaines de milliers d’euros.

Le syndicat rappelle par ailleurs que le médecin du travail responsable des établissements parisiens (4.000 salariés environ), avait démissionné de l’entreprise en 2011 après avoir rédigé un rapport sur les risques psychosociaux encourus par les salariés. Son successeur, arrivé en septembre 2011, avait lui aussi rédigé un rapport en ce sens avant de présenter à son tour sa démission début 2012. Ce dernier n’a pas été remplacé depuis, empêchant les visites médicales obligatoires, notamment en cas de reprise du travail d’un salarié. L’inspection du travail vient d’ailleurs de mettre l’entreprise en demeure de respecter ses obligations en la matière.

Plus généralement Steria Avenir dénonce l’absence de tout dialogue social, ce qui se traduit notamment par des mouvements sociaux des salariés en clientèle (chez Bouygues Telecom et Exxon). Le syndicat évoque ainsi les réunions de négociations salariales « reprogrammées en désordre par la direction » qui se déroulent sans succès « par manque d’écoute et par manque de volonté de négociation ».

Une enquête de satisfaction réalisée par la société de conseil Great Place to Work l’hiver dernier s’était révélée catastrophique pour l’entreprise, celle-ci obtenant de mauvaises notes sur l’ensemble des critères pris en compte (crédibilité, respect, équité, fierté d’appartenance, camaraderie…), plaçant Steria en queue du classement des quelque 145 entreprises françaises auditées.

 

On notera par ailleurs que le directeur général de Steria France, Olivier Vallet, préside le collège Services et Conseils Informatiques du Syntec. Collège dont la mission officielle consiste à « veiller et échanger autour des enjeux et des métiers de service informatique, revaloriser la profession auprès des clients, des pouvoirs publics et des jeunes ». Une revalorisation qui n’est apparemment pas une priorité pour le syndicat patronal.

Ajout à l’article inital en date du 24 aôut 2012, droit de réponse Steria

En date du 22 août, la société Steria nous a fait parvenir, sous la plume de son directeur génral Oivier Vallet, le texte ci-dessous, qu’elle nous demande d’inserer au titre du droit de réponse :

« J’ai été extrêmement étonné de la publication de votre article du 18 juillet dernier.

Comme vous l’avez-vous-même souligné dans vos colonnes à l’occasion d’un précédent article, nous venons de lancer un plan triennal en faveur des travailleurs handicapés, plan qui a été signé par une majorité des organisations syndicales de l’entreprise. Il n’y a là rien d’une « action médiatique » ou d’une annonce « triomphale ». Nos collaborateurs travaillent et travaillent très bien et nous continuerons de le faire savoir, surtout lorsqu’il s’agit d’actions fortes qui permettent d’obtenir des résultats parfois uniques dans le secteur des services informatiques.

En matière de dialogue social, toutes nos actions sont légalement menées avec l’ensemble de nos partenaires sociaux et des instances représentatives du personnel. S’agissant par exemple des augmentations annuelles de salaires, nous avons consentis des hausses qui dépassent la moyenne de celles qui ont été pratiquées dans la profession, à fortiori dans un contexte économique incertain et difficile. Le dialogue social est inscrit dans les gênes de Steria. Dès sa création en 1969, le fondateur de Steria, Jean Carteron, a inscrit les salariés au coeur de la vie de l’entreprise. C’est toujours le cas aujourd’hui : les salariés de Steria détiennent en effet plus de 20% du capital du groupe, et participent activement à l’ensemble des décisions stratégiques du groupe. Chez Steria France, nous disposons d’une direction dédiée aux relations sociales dont le rôle est justement de poursuivre la fluidification du dialogue social au sein de l’entreprise et de remonter les informations afin de mettre en oeuvre des actions ad hoc.

Vous parlez de trois condamnations dans votre article. Il s’agit là de condamnations provisoires et nous allons nous pourvoir en Cassation sur deux de ces affaires, la troisième ayant fait l’objet d’un appel du salarié concerné. Vous relatez enfin ces mêmes condamnations en oubliant qu’elles touchent 3 personnes … sur les 6000 employés de Steria France. Il y a donc un fossé entre vos allégations et la réalité de la situation sociale de notre entreprise !

Vous évoquez l’enquête Great Place To Work. Ce type d’enquête est mené depuis de nombreuses années au sein de Steria France à l’initiative même de la direction. C’était la première fois que nous confions cette tâche à l’institut Great Place To Work. S’agissant d’une nouvelle méthodologie d’enquête, les critères d’évaluation étaient différents des antécédents, ce qui complique considérablement la comparaison avec les autres études menées en notre sein. Des points positifs sont ressortis comme des facteurs d’amélioration. Parmi les points positifs, sont ressortis les bonnes conditions de travail, la fierté d’appartenance à notre société et la diversité qui y règne. Bien sûr, des marges de progression sont apparues. Par exemple, les collaborateurs ont exprimé le fait de ne pas ressentir assez de reconnaissance de la part de leur supérieur. Des managers ont donc été nommés dans chaque département pour faireremonter des idées. D’autres actions concrètes sont à l’étude.Vous évoquez ensuite des démissions de médecins du travail. La démission est une liberté du travail. Aucune de ces démissions n’a été motivée par la situation de Steria ou ne serait la conséquence d’une quelconque action effectuée à l’encontre de l’entreprise.

Enfin, vous évoquez ma position au sein du Syntec. Si vous vous vous étiez renseignés, vous sauriez que nous nous apprêtons à lancer une grande offensive pour valoriser les métiers du service informatique, notamment auprès des jeunes. »