Dans un article publié le 4 mars chez nos confrères de CRN UK, Adam Simon, le directeur général de l’institut d’étude Context, explique que les sévères sanctions économiques imposées par les pays occidentaux contre le régime de Poutine après l’invasion de l’Ukraine par la Russie auront un impact significatif sur le marché européen de la distribution informatique.
L’exclusion de sept banques russes du réseau interbancaire SWIFT va rendre les paiements transfrontaliers extrêmement difficiles, voire impossibles, pour les acteurs du channel et leurs clients, souligne Context. Les flux de transports vont être affectés par la fermeture de l’espace aérien et les restrictions de navigation en mer Noire. Mais c’est sans doute l’interdiction de fournir des produits de haute technologie, notamment des semi-conducteurs, des ordinateurs, des télécommunications et des équipements de sécurité qui devrait être le plus impactant pour l’écosystème IT.
Context estime le marché russe à la même taille que celui de la France, soit environ 8% du marché européen de la distribution informatique. Adam Simon note au passage que les ventes en Russie ont bondi de 35% en glissement annuel en janvier après l’habituelle trêve de Noël. Certaines entreprises ont-elles accumulé des stocks en prévision de turbulences à venir ?
Selon Context, l’un des segments IT les plus exposés au risque avec la Russie est celui des infrastructures et de la sécurité. Alors qu’elles ne représentent que 14 % du marché européen, les ventes de cette catégorie représentent 28% du total en Russie. En revanche, les catégories logiciels et télécoms sont moins exposées. La première pèse 7 points en Russie que l’ensemble du marché européen et les seconde 9 points de moins. Cette différence s’explique par le fait que les Russes donnent leur préférence aux téléphones portables plutôt qu’aux smartphones, et privilégient les fournisseurs locaux.
Context note toutefois que Apple et Microsoft sont plutôt moins exposés que la plupart des autres grands fournisseurs de technologie. Apple a représenté 13,2% du marché européen de la distribution en 2021, mais seulement 2,5 % en Russie. Ces chiffres étaient respectivement de 4,4% et 1,7% pour Microsoft.
Dans un article paru ce lundi 7 mars, Les Échos relativisent toutefois l’enjeu que cela représente pour les grandes entreprises de la tech en soulignant que le marché russe est de petite taille, et que leur présence y est souvent marginale. Nos confrères citent le cas d’Apple qui a enregistré 266 milliards de roubles de recettes en Russie en 2020 – soit un peu moins de 3 milliards d’euros. A l’échelle du groupe, cela représente à peine 1 % de ses revenus. L’impact sur les bénéfices est encore plus négligeable. Selon l’analyste Daniel Ives, cité par Les Échos, débrancher complètement la Russie aurait un impact négligeable sur le chiffre d’affaires de la tech américaine : de l’ordre de « 1 à 2 % dans le pire des cas ».
Context souligne néanmoins que d’autres paramètres peuvent affecter les acteurs de la chaine de distribution IT. Des entreprises comme Cisco et HP, qui ont des centres de développement en Ukraine, vont devoir trouver des alternatives. L’approvisionnement en matières premières en provenance d’Ukraine et de Russie de certains constructeurs pourrait aussi être gravement perturbé. Adam Simon note ainsi que l’Ukraine fournit 90 % du néon américain, qui est indispensable pour les lasers utilisés dans la fabrication de puces. Environ la moitié de l’approvisionnement d’Intel provient ainsi de la région. Et la Russie est un important producteur de palladium, un métal couramment utilisé dans les soudures d’une grande variété d’équipements électroniques.
Dans le détail, Apple a annoncé qu’il ne vendait plus d’iPhone en Russie, Samsung vient d’annoncer la suspension de ses expéditions, de même que Dell et Cisco. Quant à Microsoft, Adobe, Oracle ou SAP, ils ne vendent plus de nouvelles licences logicielles.
En France, les acteurs que nous avons interrogés ne constatent pour l’instant aucune perturbation de leur activité. « Pour l’instant, à part le côté anxiogène et le risque de cyberattaque pour lequel nous avons mis en garde nos clients, c’est business as usual, commente Taniel Doniguian, président d’ArcITek. En revanche, à terme c’est le saut vers l’inconnu dans un marché qui est déjà tendu en termes de livraison avec les pénuries. » Même constat pour Patrice Bélie, président d’Adista, qui ne constate « aucun impact sur l’activité du Groupe Adista, à ce jour, hormis indirectement l’accroissement du prix de l’énergie, comme pour tout le monde. »