Dans une tribune, Simon Philibert, Chief Analyst France chez Pierre Audoin Consultants, expose sa vision du marché français des services informatiques à l’heure où la demande semble repartir.

 

Par Simon Philibert

 

Les secousses de la crise ont été ressenties jusqu’à la fin de 2010 dans les investissements IT.  Le business des entreprises a été touché, mais également l’état d’esprit des chefs d’entreprise et des directeurs finance-achats. Ces derniers restent frileux concernant les dépenses IT, dont ils jugent parfois qu’elles n’impactent pas directement le business.

De fait, l’IT n’est pas toujours considéré comme une  fonction d’entreprise. L’informaticien est encore vu comme un technicien, un exécutant, plutôt qu’un stratège ou un fer de lance de l’entreprise. Les différentes études sur le sujet montrent que le DSI est peu souvent un dirigeant de rang 1 dans les entreprises. Cependant, avec le renouvellement générationnel, l’IT devrait être de plus en plus considéré comme un atout stratégique et non plus comme un mal nécessaire (comme il y a dix ans).

L’IT devient un secteur mature. Même si les entreprises n’ont pas surréagi comme lors de la crise internet, le taux de chômage résiduel semble muer en chômage structurel. En effet, la reprise de l’emploi concerne principalement les profils juniors, qui permettent de faire face aux volumes retrouvés de chiffre d’affaires tout en intégrant les exigences de prix bas.

Certains profils spécialisés profitent des segments dynamiques (sécurité, architecture, mobile, etc.). A l’inverse, cette notion de chômage structurel induit une certaine inadéquation entre la demande et l’offre de travail, due à l’évolution des technologies ou des services (par exemple, ces derniers sont parfois délocalisés à l’offshore).

Après la crise


Comme dans d’autres secteurs, la crise a révélé ou accéléré des changements structurels dans le secteur IT. Dans l’ensemble, les sociétés IT françaises (éditeurs et SSII) ne réussissent pas à atteindre la masse critique suffisante pour s’affirmer sur les marchés internationaux.

C’est notamment visible dans les classements des éditeurs Europe et Monde « Global Software leaders » que PAC a élaborés pour l’Afdel et PWC. Si Atos Origin et Capgemini peuvent légitimement se positionner en tant qu’acteurs globaux, les SSII moyennes ont globalement eu des difficultés à se développer à l’international, où leur manque d’envergure a été sanctionné par la crise. A l’inverse, les sociétés américaines, et maintenant celles des marchés émergents (Inde, Chine) disposent de liquidités en abondance qui leur permettraient de racheter des sociétés européennes. La période est d’ailleurs propice aux acquisitions, avec des valorisations encore basses mais susceptibles de remonter à moyen terme.

Des forces structurelles travaillent également le secteur IT, et influent sur le business model des acteurs. Au-delà des prévisions optimistes et récurrentes chaque début d’année – nous promettant le boom soudain de technologies, nous pouvons noter des effets de cliquet dans l’adoption de celles-ci. Par exemple la diffusion continue et massive de terminaux mobiles et des réseaux sociaux par les consommateurs participe de cette évolution qui nous semble invisible, mais qui à l’échelle du temps est très rapide.

L’offre et la demande de services et logiciels évoluent sensiblement, avec une compétition mondiale portant sur les infrastructures et les ressources humaines. De nouveaux acteurs veulent prendre des positions sur un secteur plus rentable que leur secteur d’origine (opérateurs télécoms, fabricants de matériel et réseaux). Par ailleurs il reste de la marge pour rationaliser l’IT, industrialiser les services, et répondre à une demande de forfaitisation des services et logiciels.

Cependant il faut se garder de considérer une prestation uniquement par le prisme d’indicateurs en temps réel ou des TJM (taux journalier moyen), mais l’observer dans son ensemble en tenant compte de ses résultats à moyen terme. Au fond, un service implique souvent une relation humaine et une réponse adaptée à une demande, sanctionnée par la satisfaction client.

Prêts pour 2011 ?


2011 marque ainsi le début d’un nouveau cycle IT. Comme au début de la décennie précédente, l’investissement en IT a subi une chute conjoncturelle, mais la croissance des besoins est structurelle. Par l’usage qui en est fait aujourd’hui, l’IT est un facteur de progrès, et apparaît de plus en plus comme étant la colonne vertébrale de la société et de l’économie.

Le défi pour les fournisseurs IT est de trouver la bonne stratégie pour s’adapter à cette nouvelle donne. Les nouveaux usages, les nouvelles technologies, les nouveaux champs d’application, et les nouvelles exigences d’un public connaisseur voire natif de l’IT, obligent à se remettre en question.

 

March_logiciels_et_services_2010-2014