Channelnews a demandé à des personnalités de l’écosystème IT de partager leurs prédictions business pour 2021. La contribution de Patrice Bélie, président d’Adista.

En 2021, nous tirerons parti de tout ce que nous a apporté 2020, bon ou mauvais. La pandémie et ses variantes seront encore avec nous pour de longs mois avant que, espérons-le, la vaccination ne permette d’atteindre une hypothétique immunité collective réduisant la Covid 19 à l’état de grippe saisonnière.

Nous serons globalement moins au bureau, ce sera notre nouvelle normalité. Plus de distanciel requiert des VPN plus capacitifs, des outils cloud et des terminaux adaptés, des outils d’entreprise mobiles et collaboratifs by design, des packages intégrés de communications et suites logicielles, des intégrations plus poussées de la collaboration (chat, visio, co-édition…) dans le logiciel.

Entre couvre-feux et confinements, les équipes dirigeantes sont déjà confrontées à la question du maintien d’une ambiance d’entreprise, du forgement d’une culture corporate distancielle. Nous avons ouvert des coffee rooms et tourné des vidéos pour diffuser des messages, interagir, se donner des nouvelles, co-construire, créer du lien… Près des yeux, près du cœur. La pression sur ce sujet s’accentuera en 2021.

2021 sera encore une année de la fibre. Parce que la filière des infrastructures a su se mobiliser pour continuer à déployer activement – hors parenthèse du premier confinement. L’Etat vient tout juste d’annoncer une rallonge de ses subsides pour que la fibre atteigne les territoires les plus reculés. Une infrastructure essentielle pour une France numérique, en avance sur ses voisins européens. Et une opportunité d’apporter les bienfaits du très haut débit aux entreprises qui en sont dépourvues ou au domicile de leurs télétravailleurs. Qui dit arrivée de la fibre dit accélération de la transformation digitale : l’utilisateur final accède soudain à la visio, à la collaboration, au web à faible latence, à la sauvegarde quasi-simultanée.

La crise pandémique a servi d’accélérateur pour nombre de mutations en cours. Ce mécanisme poursuit son œuvre en 2021. Ainsi dans le commerce organisé, accablé par les fermetures de magasins, leur imprévisibilité dans le temps, et la fuite des clients. La bascule rapide vers plus d’omnicanal définira qui seront les perdants et les gagnants post-Covid. Servir ses clients physiques en e-commerce, passer au moins au click and collect (retrait en magasin), voilà qui appelle au moins la nécessité de se doter d’un portail client performance, d’une capacité à encaisser et facturer quel que soit le canal, et de repenser sa chaîne d’approvisionnement et de stockage en arrière-boutique. Cette mutation oblige les collectivités territoriales à repenser l’attractivité de leurs territoires, en tenant compte de cet avenir connecté et web.

Au demeurant, cette transformation s’applique aussi au commerce B2B et, a fortiori, à la distribution IT. Le channel va suivre la croissance ou la décroissance des réseaux de magasins, des surfaces de bureaux, etc. Avec des différences très marquées selon les secteurs. Nous aurons moins accès physiquement à nos clients, qu’il s’agisse d’entreprises ou d’administrations. Certes, la proximité, synonyme d’agilité et de réactivité, sera toujours un facteur de choix important pour nos clients. Mais gageons que les développements d’extranets iront bon train en 2021 pour permettre aux clients BtoB de se servir à distance et de se rapprocher de l’expérience utilisateur du B2C. Le digital sera plus que jamais au cœur du parcours client !

En 2021 nous nous essayerons tous au social selling pour approcher nos prospects à l’heure de la distanciation sociale. Mais les grand-messes des éditeurs et équipementiers multinationaux révèlent combien tisser des liens sur des webinaires s’avère périlleux : difficile de capter l’attention en ligne d’une personne qui, derrière son ordinateur, reçoit toutes sortes de sollicitations. Alors qu’il y a peu on l’avait encore sous la main à l’occasion d’un salon ou d’un séminaire. En outre, si la distance s’abolit, si la proximité n’est plus un prérequis, si la localisation importe moins, alors il y aura plus d’opportunités de chasser loin de son territoire d’origine et vice versa pour les concurrents de pénétrer votre chasse gardée.

Nous avons assisté en 2020 à une recrudescence phénoménale des incidents de cybersécurité. Aujourd’hui, on rançonne une PME pour quelques centaines d’euros, en échange de la libération hypothétique de ses données cryptées. Sur les réseaux sociaux, l’ingénierie sociale progresse, ouvrant la porte à un nombre record d’arnaques au président. Les télétravailleurs qui utilisent des réseaux WiFi faiblement protégés et des PC à la fois pro et perso, sont autant de portes d’accès. Les frontières du système d’information sont devenues plus floues, la complexité s’en est accrue.

En raison de la crise économique induite par la pandémie, les budgets des DSI seront globalement sous pression. Avec des écarts très forts entre les secteurs : ceux pour qui la transformation digitale est une condition de survie s’élancent à marche forcée. De fait, plus qu’ils ne se réduisent, les budgets ICT se re-déploient vers le Cloud, l’accès à distance des collaborateurs, la démarche commerciale dématérialisée, la chaîne logistique et l’extranet client. L’Etat soutient activement ces mutations à travers le plan France Relance et le tiers de ses 100 Md€ fléchés vers le numérique.

En raison des contraintes financières notamment, nous verrons en 2021 une forte progression du as-a-service (sous forme de service), du pay-as-you-grow (payez comme vous grandissez) et du pay-as-you-use (payez comme vous utilisez). Une année à services récurrents, limitant la mobilisation de capital pour les clients, permettant d’ajuster la facture à la hausse ou à la baisse selon la rapidité de la reprise. Lorsqu’ils sont bien gérés, que la clientèle est robuste, les modèles de cette nature se révèlent particulièrement efficaces et résilients. Les investisseurs, en particulier issus du capital risque, ne s’y sont pas trompés : le segment des intégrateurs et opérateurs cloud et télécoms a connu en 2020 un palmarès exceptionnel en fusions-acquisitions dans notre pays, poussant les valorisations à la hausse. Le mouvement ne semble pas près de s’arrêter en 2021. Loin d’être spéculatif et mû uniquement par l’intérêt financier, il permet aux entreprises du secteur de consolider leurs fonds propres, de trouver les ressources de leur propre transformation, de saisir des opportunités de développement, qui resteraient sinon inabordables.

La transition de l’IT vers le cloud se poursuit et s’accélère en 2021. Nous avons tous été témoins d’une vague de cloudification à l’occasion du premier confinement : une grande partie des terminaux sont sortis du LAN de l’entreprise ! Si 2021 se présente d’ores et déjà comme une année de services cloud, les questions de souveraineté de la donnée, de confiance, de réversibilité demeurent au cœur de préoccupations des DSI, comme des régulateurs européens et nationaux. Les hyperscalers tombent sous le coup du Digital Servies Act et du Digital Markets Act, votés en décembre. L’initiative franco-allemande GaiaX prend son essor qui crée une plateforme de services cloud conformes à un certain nombre de principes liés à la confiance. Des opérateurs de proximité tels Adista promeuvent un Cloud de proximité régional, souverain par nature, accessible à très haut débit.

En novembre 2021 se tiendra la COP26 à Glasgow. Nul doute que le numérique y jouera un grand rôle, tant pour sa tenue que comme sujet des débats, tant la croissance exponentielle des données entraîne une croissance tout aussi exponentielle de la consommation énergétique des réseaux et data centres. Des critères RSE apparaissent de plus en plus dans les appels d’offres, ou encore dans les critères de notation bancaires. De gré ou de force, par conviction ou par obligation, parce qu’elle adhèrent à ces valeurs ou qu’elle se plie à la réglementation, les entreprises du numérique que nous sommes devront assumer avec transparence leur responsabilité sociétale et environnementale, et mesurer leurs impacts vis-à-vis de l’écosystème clients et fournisseurs, des collaborateurs et autres parties prenantes.

Ces nombreuses tendances sont porteuses de beaucoup de complexité. À ce titre, 2021 sera une année passionnante, parmi les plus volatiles, complexes, incertaines et ambigües qu’il nous aura été données de vivre. Et par voie de conséquence, emplie d’opportunités !

 

Tribune rédigée par Patrice Bélie