Minuscules, costauds, indispensables et particulièrement dangereux pour la stabilité du monde, tels sont les micro-processeurs. Ils s’insinuent dans la plupart des objets qui nous entourent : nos smartphones, nos voitures, nos ordinateurs, nos montres ou encore nos ustensiles ménagers. Ils sont aussi indispensables pour porter toutes les dernières promesses technologiques : l’IA, la 5G, l’informatique quantique ou encore les moyens de transport intelligents. « Pour les Etats, difficile donc de s’en passer, ne serait-ce qu’au nom de la compétitivité de leurs industriels », peut-on lire dans les Echos, qui se penchent sur les secousses géopolitiques engendrées par la pénurie.

Car les tensions s’exacerbent, particulièrement entre les Etats-Unis et la Chine, cette dernière ayant déclenché les hostilités avec son plan « made in China » qui vise à produire d’ici 2025 dans le pays 70% des composants dont elle a besoin. Au « made in China » a répondu le programme « America First » de Donald Trump. Accusé de collusion avec le gouvernement chinois, Huawei s’est ainsi vu couper l’approvisionnement en composants. Face à cette mise en quarantaine, le fabricant chinois s’est lancé dans la construction d’une usine de microprocesseurs à Shangaï.

L’administration US a par ailleurs empêché Broadcom, alors domicilié à Singapour, d’acquérir Qualcomm, jugeant que l’opération affaiblirait le fondeur américain au profit d’entreprises « chinoises ». Par mesure de rétorsion, Pékin a empêché ce même Qualcomm de s’offrir le Néerlandais NXP pour la modeste somme de 44 milliards de dollars, endiguant ainsi sans le vouloir l’industrie européenne des puces. Depuis lors, le géant des composants a établi son siège à San Jose en Californie.

Avec le départ de Donald Trump de la Maison Blanche, la tension entre les deux pays est retombée. Il est toutefois peu probable que Washington fasse vraiment machine arrière. La construction d’usines de composants aux Etats-Unis devrait donc se poursuivre. D’autant plus que, comme le rappellent nos confrères, de nombreux champions américains du secteur (Apple, AMD, Nvidia, Qualcomm) font fabriquer leurs puces à Taiwan, une île autonome mais sur laquelle s’étend de plus en plus l’influence de Pékin.

Coincée entre les deux géants, l’Europe ne reste pas les bras ballants. Il est vrai que la guerre sino-américaine l’affecte indirectement. STmicroelectronics a ainsi été obligé par les Américains de couper les ponts avec Huawei, qui se fournissait chez le Franco-Italien en capteurs d’images. De plus, Washington s’est attribué un droit de regard sur les exportations européennes de produits comportant des composants US, empêchant notamment la France de livrer des missiles Scalp à l’Egypte.

Pour échapper à ces ukases, il n’y a pas d’autre choix que la souveraineté et la relance du Vieux-Continent sur le marché des composants. Soutenus par Bruxelles, 16 pays, dont la France, l’Italie et l’Allemagne, se sont engagés à investir dans le secteur. Le projet d’une nouvelle usine est sur la table. Coût estimé : entre 20 et 30 milliards d’euros.