Le pic de la crise sanitaire passé, les entreprises IT doivent commencer à réfléchir à leur stratégie de sortie de déconfinement. Comment vont-elles aborder la sortie de crise ? Le témoignage de Jean-Paul Chapron, président de la société de services numérique ASI.

Channelnews : Quand pensez-vous qu’ASI pourra reprendre une activité à peu près normale ? À quelles conditions ?

Jean-Paul Chapron : J’espère, a priori, au plus tard en septembre. Nous prévoyons chez ASI un redémarrage progressif sur mai et juin, avec une inconnue sur juillet et août, période parfois un peu délicate pour les ESN. En effet, les entreprises vont-elles mettre à profit ces deux mois d’été pour rattraper une partie du temps perdu sur fin mars, avril et début mai, ou vont-elles repousser les projets à septembre ?

Channelnews : Sur quelles activités misez-vous en priorité en sortie de déconfinement ?

Jean-Paul Chapron : Le redémarrage dépend aussi de la typologie des clients des ESN : tertiaire, industrie… Certains secteurs très fortement ralentis, parfois stoppés pour les ESN, comme par exemple l’aéronautique à Toulouse, ne vont sans doute pas redémarrer rapidement. A contrario, on peut tabler sur un redémarrage plus rapide dans le tertiaire, notamment les banques et assurances. C’est le positionnement d’ASI avec plus de la moitié de son CA dans le tertiaire, d’où des prévisions de redémarrage peut-être optimistes. Par ailleurs, les secteurs agroalimentaires et grande distribution jouent également leurs rôles d’amortisseurs.

Déjà depuis 10 jours nous percevons chez ASI à nouveau des sollicitations de nos clients sur les projets, avec des appels d’offres ou des demandes de chiffrages. En revanche, les demandes d’assistance technique sont toujours au point mort, confinement oblige. De fait, nous avons décidé de remettre nos équipes commerciales à temps plein à partir de début mai pour accompagner ce début de reprise.

Channelnews : Vous attendez-vous à devoir réduire la voilure par rapport à l’avant-Covid ?

Jean-Paul Chapron : Nous mettons tout en œuvre pour que cela ne soit pas le cas, convaincus que notre secteur des métiers du numérique restera porteur car clé pour accompagner les mutations de l’économie post-Covid.

Channelnews : Quelles initiatives envisagez-vous pour soutenir l’activité de votre société dans un environnement économique profondément dégradé ?

Jean-Paul Chapron : Déjà, afin de garantir au maximum la sécurité de nos salariés, entre le 16 et le 17 mars, ASI a mis 100% de ses collaborateurs en télétravail. Mais qui dit capacité à télétravailler ne dit pas forcément continuité des projets ou missions facturables. Nous avons de fait très vite activé le dispositif d’activité partielle, avec environ 30% de nos collaborateurs, soit 130 collaborateurs en chômage partiel, certains à 100%, d’autres sur du mi-temps ou moins. Nous avons également, par accord d’entreprise, optimisé la prise de congés et RTT sur avril et mai, avec un focus particulier sur les collaborateurs qui ne sont pas en « production ».

Par ailleurs, chaque collaborateur chez ASI bénéficiant d’une licence sur la plateforme de MOOC OpenClassrooms, nous mettons à profit cette période de sous-activité pour que chacun, à son rythme, se forme sur les différents sujets qui l’intéressent et qui intéressent ASI.

Channelnews : Constatez-vous des défauts de paiement ou des allongements des délais de paiement de la part des clients ? Si oui quels sont les typologies de clients et les secteurs les plus problématiques et comment envisagez-vous de vous en prémunir ?

Jean-Paul Chapron : À ce jour, chez ASI, nous ne constatons pas d’allongement des délais de règlement de nos clients. Et même, assez curieusement, le délai moyen a tendance à diminuer par rapport à une situation normale. Cela est dû à la typologie de nos clients, essentiellement grands comptes ou ETI, avec le sentiment que chacun veut rester exemplaire sur ce sujet du crédit interentreprises. Si l’économie ne devait ne pas redémarrer comme nous le craignons en septembre, ce point sera évidemment un facteur de risque important.

Channelnews : Quelles initiatives votre entreprise prend-elle (ou envisage-t-elle de prendre) pour préserver sa trésorerie ? Avez-vous (ou prévoyez-vous d’avoir) recours aux différents dispositifs mis en place par le gouvernement (prêts garantis, fonds de solidarité…) ?

Jean-Paul Chapron : Outre le dispositif d’activité partielle et d’optimisation des congés, nous avons activé les reports possibles du paiement de différentes charges (Urssaf…) afin de sécuriser notre trésorerie. Nous ne prévoyons pas à ce stade de faire appel à un PGE (Prêt garanti par l’État) ou autre fonds de solidarité. Toutefois, si la crise économique devait perdurer au niveau actuel, activer un PGE sera probablement une option, ceci étant possible jusqu’au 31 décembre.

Channelnews : À quelles évolutions majeures du marché IT vous attendez-vous après le déconfinement ?

Jean-Paul Chapron : À une prise de conscience accélérée des bienfaits du télétravail, à la fois chez nos clients mais aussi en interne. Les outils numériques mis à notre disposition pour accompagner cette évolution sont très performants et permettent en niveau d’efficacité opérationnel au moins aussi bon qu’en présentiel. Je suis convaincu que cette évolution sera durable car très RSE, mais aussi particulièrement efficiente. Sur le plan social, beaucoup moins de déplacement, donc d’éloignement familial. Pas de perte de temps dans les transports. Beaucoup moins de consommation énergétique (essence…), même s’il ne faut pas occulter la consommation accrue de puissance dans les datacenters liée au télétravail ou au travail à distance.

Les axes de travail avec nos collaborateurs pour accompagner cette évolution sont bien évidemment la déconnexion numérique avec une frontière encore moins claire entre vie pro et vie perso à partir du moment où l’on travaille à domicile et, bien-sûr, un sentiment d’isolement. Le télétravail s’organise, les meilleures pratiques doivent être mise en place avec un certain nombre de rituels, notamment au niveau des managers. Afin d’accompagner cette tendance, nous avons lancé une enquête interne pour comprendre comment nos collaborateurs « vivent » le télétravail et identifier clairement les axes d’amélioration. In fine, rien ne remplacera une réunion physique de temps en temps, voire un afterwork… afin de conserver voire de continuer à développer le sentiment d’appartenance.

 

Témoignage recueilli par mail le 22 avril 2020