Nous avons demandé à Hervé Maron, directeur associé de la société de financement d’actifs IT ASF Consulting, comment il a vécu la crise sanitaire et comment il aborde la reprise.

Channelnews : Dans quelle mesure l’activité d’ASF Consulting France a été impactée par la crise sanitaire ?

Hervé Maron : Nous avons pu maintenir environ 60% de notre activité pendant le confinement. Certes, des secteurs d’activité entiers ont été mis à l’arrêt et le sont toujours mais d’autres ont pu continuer de fonctionner grâce notamment à l’IT. Le Covid a fait tomber les dernières réticences par rapport à la nécessité de disposer d’une IT un peu agile. Chacun a pu constater que, sans une IT performante, on ne peut plus rien faire. Du coup, cela a généré des besoins ponctuels énormes, notamment dans la mobilité, la visioconférence… D’ailleurs, on peut se féliciter chez ASF Consulting d’avoir investi précocement dans des outils de dématérialisation, notamment de signature électronique, qui nous ont sauvé la mise pendant la période où la poste ne fonctionnait quasiment pas. Mais, la vraie bonne nouvelle, c’est que nos contrats de locations ont très bien traversé la crise. Alors que les banques croulent sous les demandes de reports d’échéances – elles en reçoivent des milliers par jour – les demandes de reports d’échéances liées aux contrats purement IT sont très marginales.

Channelnews : Comment expliquez-vous cette exception ?

Hervé Maron : C’est lié à la nature stratégique de l’IT pour les entreprises. Sachant que les contrats embarquent de plus en plus des souscriptions de logiciels SaaS – le logiciel représente 65% de nos contrats en volume – les clients ont peur, s’ils ne payent pas, de ne plus avoir accès à leurs logiciels métiers et de se retrouver totalement paralysés. Autre facteur probable : le coût des contrats IT représente souvent une fraction de celui des contrats finançant l’outil de production des entreprises. Celles-ci ont donc arbitré en faveur des plus petites échéances au détriment des plus conséquentes (correspondant bien souvent à des équipements à l’arrêt ou tournant au ralenti). In fine, les actifs IT, et plus particulièrement les logiciels, s’avèrent d’excellents gages. Une réalité qui n’a pas échappé aux éditeurs qui, on l’a vu dans le dernier baromètre Syntec Numérique, sont plus confiants que la moyenne dans l’avenir.

Channelnews : Cette crise a-t-elle eu (ou va-t-elle avoir) des conséquences sur votre pratique, sur votre métier ?

Hervé Maron : Incontestablement, oui. Les banques sont confrontées à un défi majeur auquel elles n’avaient jamais été confrontées avant : elles sont censées prendre des décisions de financement sur des situations qu’elles ne peuvent pas correctement analyser. Les bilans 2019 peuvent être excellents, ils ne disent rien de la santé réelle des entreprises, après deux mois de confinement et un mois de reprise partielle. Elles ont beaucoup de mal à évaluer le risque. Pour les éclairer, on essaye d’avoir un échange constructif avec les clients. On a mis en place des questionnaires automatisés pour savoir comment ils ont traversé la crise sanitaire, s’ils ont eu recours au chômage partiel, quel a été le degré d’attrition de leur activité, leur vision de la reprise… Cela rallonge les procédures, ralentit les prises de décision et complique la mise en place des transactions. Inévitablement, cela influe sur le taux d’acceptation (qui a reculé d’environ 85% à 75%) et sur les taux d’intérêt (qui ont augmenté en moyenne de 0,5%). Pour autant, on n’est pas dans la situation de 2008. En aucun cas nous souffrons d’un manque de liquidité. De l’argent il y en a tant que Dieu peut en bénir et notre capacité d’action demeure inchangée : il n’y aura pas d’incidence sur la signature de contrats. Nos partenaires financiers sont de bonne volonté et restent à l’écoute pour trouver des solutions.

Channelnews : Si les banques ont du mal à évaluer le risque aujourd’hui, qu’en sera-t-il en 2021 ?

Hervé Maron : Je ne sais pas. La plupart des entreprises ont perdu entre 30 et 100% de leur activité pendant le confinement et la reprise va rester poussive, au moins jusqu’en septembre. Les chiffres d’affaires 2020 vont donc être mauvais. On va se retrouver avec des bilans 2020 désastreux qui ne refléteront pas la santé réelle des entreprises et on saura encore moins quoi décider sur la base de ces informations. Notre écosystème devra probablement se réinventer en partie pour imaginer de nouveaux moyens de décider.

Channelnews : À l’heure du déconfinement, quelle reprise anticipez-vous pour le secteur IT ?

Hervé Maron : La visibilité est nulle. Il y a eu du business pendant la crise mais on ne sait pas encore si cela va continuer jusqu’à la fin de l’année. Ce manque de visibilité est général et ne va pas favoriser les décisions d’investissements des entreprises. Beaucoup de secteurs, comme les cafés-hôtels-restaurants, le tourisme, l’aéronautique, vont tourner au ralenti dans le meilleur des cas. Des problèmes risquent de se poser dès lors que les mesures de soutien de l’État et les reports d’échéances s’arrêteront.

 

À propos d’ASF Consulting : ASF Consulting est spécialisé dans le financement de projets cloud, Saas, logiciels et infrastructures. Créée en 2010 par Hervé Maron et Frédéric Astié, la société emploie douze collaborateurs et a financé pour 36 M€ de contrats en 2019. Elle compte 80 partenaires réguliers, principalement des éditeurs et des intégrateurs IT.