Comme de coutume à la fin octobre, le cabinet Gartner livre ses dix prévisions pour l’avenir proche. Les analystes Tori Paulmann et Gene Alvarez y ajoutent leurs commentaires.
1. Des supercalculateurs d’IA
D’ici 2028, plus de 40% des grandes entreprises auront adopté des architectures IT hybrides, combinant différents types de puces, dans leurs processus métier critiques, contre 8% aujourd’hui, », prévoit le cabinet d’études. Les plateformes de supercalcul IA permettront notamment aux entreprises de biotech de modéliser des vaccins et médicaments en quelques semaines au lieu de plusieurs années, aux fintechs de modéliser les risques financiers et aux services publics de cartographier les conditions météorologiques extrêmes pour optimiser les réseaux.
Et d’ajouter : « Les supercalculateurs d’IA intègrent des CPU, des GPU, des ASIC dédiés à l’IA, des paradigmes de calcul neuromorphiques et alternatifs, pour que les entreprises puissent orchestrer des charges de travail complexes tout en atteignant de nouveaux niveaux de performance, d’efficacité et d’innovation. Ces systèmes combinent des processeurs puissants, une mémoire massive, du matériel spécialisé et des logiciels d’orchestration pour traiter des charges de travail gourmandes en données dans des domaines comme l’apprentissage machine, la simulation et l’analyse ».
2. Des systèmes multi-agents
Gartner définit les systèmes multi-agents (Multiagent Systems, MAS) comme des agents d’IA interagissant de manière spécifique, mais ensemble, pour atteindre des objectifs complexes. Ces agents peuvent être fournis dans un environnement unique ou développés et déployés indépendamment dans des environnements distribués.
« L’adoption de systèmes multi-agents est un moyen pratique d’automatiser des processus métier complexes, d’améliorer les compétences des équipes et de faire collaborer différemment les humains et les agents d’IA », commente l’analyste Gene Alvarez. « Des agents modulaires et spécialisés peuvent améliorer l’efficacité, accélérer la livraison et réduire les risques (moins d’hallucinations) en réutilisant des solutions éprouvées dans tous les flux de travail. Cette approche facilite également la mise à l’échelle des opérations et l’adaptation rapide à l’évolution des besoins ».
3. Des modèles de langage spécifiques à un domaine (DSLMs)
Dans les trois ans à venir, plus de la moitié des modèles de GenAI utilisés par les entreprises seront spécifiques à un domaine. Les modèles linguistiques de grande taille (LLM) étant mal adaptés aux tâches spécialisées, ces small language models (SLM), aussi appelés modèles de langage spécifiques à un domaine (DSLM), viennent combler une lacune.
« Les DSLM sont des modèles de langage formés ou affinés à partir de données spécialisées pour un secteur, une fonction ou un processus particulier. Contrairement aux modèles généralistes, les DSLM offrent une précision, une fiabilité et une conformité accrues pour répondre aux besoins spécifiques des entreprises », explique l’analyste Tori Paulman. « Les agents d’IA non liés aux DSLM peuvent interpréter le contexte spécifique à un secteur pour prendre des décisions pertinentes, y compris dans des scénarios inconnus ».
4. Des plateformes de sécurité basées sur l’IA
D’ici 2028, plus de la moitié des entreprises utiliseront des plateformes de sécurité basées sur l’IA pour sécuriser les applications d’IA tierces / personnalisées et aider les DSI à appliquer les politiques relatives à l’usage, surveiller l’activité de l’intelligence artificielle et mettre en place des garde-fous cohérents, d’après Gartner.
5. Des plateformes de développement IA native
D’ici 2030, 80% des entreprises auront réduit leurs équipes d’ingénierie logicielle pour en faire des équipes mi-humaines, mi-IA, à l’aide de plateformes de développement IA natives. Selon le cabinet, des personnes non techniques pourront ainsi produire des logiciels, avec des garde-fous IA de sécurité et de gouvernance. Mais quid des hallucinations possibles de l’IA censée jouer les garde-fous ?
6. L’informatique confidentielle
« En isolant les données sensibles et les charges de travail dans des environnements d’exécution de confiance (TEE), l’informatique confidentielle préserve leur confidentialité, y compris vis-à-vis des propriétaires d’infrastructures, des fournisseurs de cloud ou de toute personne ayant un accès physique au matériel », souligne Gartner. « Ces environnements sont utiles pour les secteurs réglementés et les opérations confrontées à des risques géopolitiques et de conformité, ainsi que pour la collaboration entre concurrents ». Plus de 75% des opérations seront sécurisées de cette manière d’ici 2029, selon le cabinet.
7. L’IA physique
L’IA physique alimente les robots, drones et équipements dits ‘intelligents’. Prudent, Gartner précise que cette « évolution crée des opportunités de perfectionnement et de collaboration mais peut également susciter des inquiétudes sur le plan de l’emploi et nécessiter une gestion minutieuse du changement ».
8. La cybersécurité préventive
Les DSI passeront d’une défense réactive à une protection proactive d’ici à 2030. Les solutions de cybersécurité préventive – renseignement prédictif sur les menaces, défense automatisée des cibles mobiles utilisant l’intelligence artificielle (IA) et l’apprentissage machine (ML) – seront amenées à remplacer progressivement les solutions de détection et réponse à des menaces connues. Elles représenteront la moitié de l’ensemble des dépenses en cybersécurité, d’après Tori Paulman.
9. La provenance numérique
S’assurer de la provenance numérique consiste à vérifier l’origine, la propriété et l’intégrité des contenus (logiciels, données, médias) et processus dans une entreprise. Parmi les outils disponibles : les Software Bill of Materials (SBoM), les signatures de code et le marquage numérique.
« Les entreprises s’appuient de plus en plus sur des logiciels tiers, du code open source et du contenu généré par de l’IA. La vérification de la provenance numérique est devenue essentielle », affirme Gartner, « au risque de sanctions pouvant atteindre plusieurs milliards de dollars ».
10. La géopatriation
La ‘géopatriation’ consiste à rapatrier ses données, applications et flux de travail du cloud public vers des infrastructures souveraines (nationales, régionales, locales) pour réduire son risque d’exposition, dans un contexte géopolitique instable. La géopatriation sera la tendance forte de l’année 2026, selon Gartner. A l’horizon 2030, plus de 75% des entreprises d’Europe et du Moyen-Orient auront suivi le mouvement, contre moins de 5% actuellement.