Le conflit qui a éclaté entre représentants historiques de la Ficome et la fédération EBEN (ex-FEB) pourrait avoir d’importantes conséquences en termes d’image et de recrutement d’adhérents.


Les administrateurs de fédération Eben (ex-FEB) ne sont-ils pas allés trop loin en évinçant, peu après leur ralliement, les représentants historiques de la Ficome ? Une décision qui pourrait se traduire rapidement par une vague de résiliations de la part des adhérents de l’ex-Ficome. C’est en tout cas ce que laissent entendre un certain nombre de ceux avec lesquels nous avons pu échanger, les uns s’inquiétant de voir partir les permanents, notamment Guy Têtu, unanimement reconnu pour sa compétence, les autres se montrant tout simplement soucieux de ne pas voir le nom de leur société mêlé au scandale médiatico-judiciaire qui se dessine.

Des adhérents pour la plupart inquiets mais surtout stupéfaits. Stupéfaits d’abord d’apprendre la situation par la presse faute de communication officielle. Stupéfaits ensuite par les explications fournies. Selon la version officielle, toute l’affaire repose sur des décisions qu’auraient prises Silvano Trotta, l’ex-président de la Ficome, dans les jours qui ont précédé la fusion (datée du 1er avril). « Des décisions excédant son mandat et contraires à l’intérêt de la Fédération », selon les termes du document transmis aux membre du conseil d’administration ayant entériné son exclusion. Il lui est notamment reproché d’avoir attribué des primes exceptionnelles aux deux permanents de la Ficome et d’avoir fait changer la téléphonie de la fédération par sa propre entreprise sans consultation.

L’intéressé, qui dit avoir été laissé dans l’ignorance de ces accusations et n’avoir pas pu s’expliquer devant le conseil d’administration, n’y voit pas matière à procès. Oui, c’est sa société qui a effectué dans l’urgence les raccordements, les résiliations et les portages de numéro des permanents de la FEB lorsque ces derniers ont emménagé dans les locaux de la Ficome en avril dernier. Pourquoi n’avoir pas fait jouer la concurrence ? Par soucis de réactivité, répond l’intéressé, qui jure n’avoir fait aucun bénéfice sur l’opération. Et oui, il a pris la décision de verser une prime exceptionnelle de 49.000 € aux permanents de la Ficome. Une décision dont le principe avait été acté dans un PV d’assemblée daté de février et pour laquelle il estime n’avoir de toute façon pas de comptes à rendre, ayant agit à l’époque en tant que président de sa fédération avec le soutien de son conseil d’administration.

« Nous avions décidé de récompenser nos permanents (Guy Têtu et Isabelle Foucher) par une prime exceptionnelle pour le travail acharné qu’ils avaient produit dans le cadre de la préparation de la fusion, explique-t-il. Et j’avais imaginé de leur faire attribuer un « golden parachute » pour le cas où cela tournerait mal. Malheureusement, nous n’avons pas pu aboutir sur ce projet pour des questions juridiques, d’où la décision de réintégrer le montant de ce parachute dans la prime exceptionnelle ».

Silvano Trotta précise que, mis au courant dès mars, André Vidal avait certes marqué son désaccord, mais qu’il n’en avait pas fait une affaire afin de ne pas remettre en question la fusion. On peut le comprendre : dans sa corbeille de mariée, la Ficome apportait à la FEB ses locaux refaits à neuf dans le XVIIe arrondissement de Paris (d’une valeur estimée à 2,5 M€) et une trésorerie évaluée à plus de 600.000 €.

Concernant les licenciements de Guy Têtu et Isabelle Foucher, personne ne semble savoir exactement ce qui leur est repproché. Officiellement, c’est pour motif écononomique. Mais, comme on l’a vu, la Ficome n’avait pas spécialement de problèmes de trésorerie. Et André Vidal lui-même, président de la fédération, donne une explication plus politique qu’économique. Selon lui, ces départs découlent de la procédure engagée contre Silvano Trotta. Une thèse que réfute l’ex-président de la Ficome, qui estime au contraire que c’est en voulant s’y opposer qu’il a lui-même scellé son sort. Quant aux administrateurs, ils ne sont au courant de rien. L’un d’eux nous apprend qu’ils n’ont pas été consultés sur les cas Têtu et Foucher, « la gestion courante de la fédération n’entrant pas dans [leurs] attributions ».

Bien-entendu, le bilan de Silvano Trotta à la tête de la Ficome n’est pas inattaquable et il avait ses détracteurs. Notamment, Frédéric Decard, qui a été nommé vice-président de la commission télécoms à sa place suite à son éviction. Celui-ci s’était présenté contre lui lors des dernières élections de la Ficome, manquant de peu de les remporter. D’autre part, lors de notre entretien, André Vidal n’a pas manqué de souligner les déficits récurrents de la Ficome et l’hémorragie de ses adhérents au cours des dernières années. Mais les adhérents qui ont accepté de nous parler ont plutôt défendu sa gestion, estimant que sous son mandat, la fédération avait gagné des adhérents, notamment grâce à ses initiatives autour des problèmes de piratage, et rallié des membres associés, dont le plus emblématique est Orange.

Mais ce qui surprend in fine c’est le nombre de réactions et l’indignation que suscite l’affaire. Beaucoup ont le sentiment de s’être fait spolier de leur organisation professionnelle. « Ce n’est pas pensable de divorcer le lendemain du mariage sans rendre la corbeille de la mariée », résume l’un d’eux. « Sans Guy Têtu et Isabelle Foucher, dont le maintien était pourtant garanti par le contrat de rapprochement, la commission télécoms de la fédération EBEN est morte, souligne un autre. Il y a eu tromperie et vol d’actifs ». Sur le forum de Distributique, un troisième parle même de « hold-up du siècle »