Le pic de la crise sanitaire passé, les entreprises doivent commencer à réfléchir à leur stratégie de sortie de déconfinement. Comment les entreprises de l’IT vont aborder la sortie de crise ? Le témoignage de Guillaume Dubois, président de l’intégrateur d’infrastructures IT Soluceo.

Channelnews : Quand pensez-vous que votre entreprise Soluceo DGPF pourra reprendre une activité à peu près normale ? À quelles conditions ?

Guillaume Dubois : L’activité ne s’est pas arrêtée, elle est par-contre totalement différente. Il a fallu se réorganiser et revoir totalement ou partiellement nos priorités, process, stratégies.

L’activité reprendra à la normale d’ici fin juin. Nous ne suivrons pas les recommandations du gouvernement pour une sortie de confinement au 11 Mai. Nous n’avons clairement pas à ce jour le matériel suffisant pour assurer la sécurité de l’ensemble de nos collaborateurs (4 masques par jour et 4 paires de gants par jour et par collaborateur….)

Au 11 Mai, 50% de l’effectif reprendra une activité à 60-70% en présentiel sur site clients ou dans nos agences, et 50% de l’effectif restera à travailler en télétravail exclusivement.

Cela pour 2 raisons :

– Permettre de gérer la distanciation (2 mètres minimum – soit 2 fois la distanciation recommandée).

– Permettre également aux parents de gérer leurs enfants (retour ou pas en milieu scolaire). Le rôle de l’entreprise Soluceo est de protéger ses collaborateurs et les familles. Nous mettrons donc l’accent sur la santé et la gestion des enfants avant l’obligation économique et financière de l’entreprise.

Channelnews : Sur quelles activités misez-vous en priorité en sortie de déconfinement ?

Guillaume Dubois : Les activités de Services reprendront à 100% directement le 11 Mai (Audit, Design, Evolution d’architectures). Il y aura beaucoup de rééquilibrage de charge à faire sur les infrastructures, la sécurité, le réseau prioritairement.

Les clients optimiseront à froid les environnements permettant le télétravail pour être mieux préparés à une seconde vague de confinement possible ou à toute nouvelle épidémie ou pandémie.

Les activités liées à la distribution reprendront certainement à plein dans un second temps. Les clients n’ont pas prévu pour le prochain trimestre d’acquérir massivement du nouveau matériel ou de nouveaux logiciels. Ils l’ont fait avant la pandémie.

Channelnews : Vous attendez-vous à devoir réduire la voilure par rapport à l’avant-Covid ?

Guillaume Dubois : Oui clairement. Nous avons, avec mon Comité de direction, projeté trois scenarii : optimiste (10% de baisse d’activité), pessimiste (20% de baisse d’activité), très pessimiste (35% de baisse d’activité). Nous pensons que l’année 2020 se fera sur un scenario de type pessimiste avec 20% de baisse d’activité au global.

Channelnews : Quelles initiatives envisagez-vous pour soutenir l’activité de votre société dans un environnement économique profondément dégradé ?

Guillaume Dubois :

– Augmenter notre expertise technique sur les partenaires que nous maîtrisons déjà pour dupliquer nos experts et nos ressources lorsque la reprise reprendra à plein (mi voire fin-2021).

– Continuer nos recrutements afin de disposer des ressources suffisantes pour aider les clients qui en auront besoin et qui auront dû faire le choix de licencier du personnel IT dans leur entreprise.

– Créer de nouvelles offres d’accompagnement post-crise pour faire évoluer l’IT des sociétés qui seront le plus en danger économiquement.

– Former massivement les équipes IT de nos clients pour leur redonner la valeur qu’ils méritent au sein de leur organisation.

– Valoriser le service IT qui a été là en temps de crise pour soutenir l’entreprise lors de la mise en place du télétravail par exemple.

Channelnews : Constatez-vous des défauts de paiement ou des allongements des délais de paiement de la part des clients ? Si oui quels sont les typologies de clients et les secteurs les plus problématiques et comment envisagez-vous de vous en prémunir ?

Guillaume Dubois : Oui Clairement. Il y a deux populations :

– les entités privées ou publiques qui profitent de la crise pour augmenter leur niveau de trésorerie en se jouant de la situation économique et technique du pays ;

– les entités privées ou publiques qui sont au bord du gouffre et qui n’ont plus les moyens de payer. Ces entités étaient déjà fragiles avant crise. La crise a donc accentué la descente aux enfers de ces dernières.

Les Grands Comptes ont tendance à conserver leur trésorerie en demandant des allongements de délais de paiement qui vont de 1 à 2 mois pour les plus raisonnables et jusqu’en septembre pour ceux qui veulent clairement profiter de la situation.

Les PME-PMI jouent le jeu lorsqu’elles en ont les moyens. Celles dont la trésorerie est faible nous demandent un règlement en 3 mensualités sans frais.

Les entités publiques font la sourde oreille en nous perdant dans les process de paiements, de validations ou de gestion des cycles des appels d’offres….

Pour ceux qui n’avaient pas de bilan négatif, nous proposons massivement du leaseback avec nos partenaires Realease Capital et Dell Financial Services sur l’ensemble des clients en difficulté ou demandant un allongement des délais de paiement afin de redonner de l’air frais à leur trésorerie.

Pour ceux dont les bilans sont depuis les trois dernières années déficitaires, nous demandons désormais un paiement à la commande à hauteur de 80% et 20% de solde à la réception.

Channelnews : Quelles initiatives votre entreprise prend-elle (ou envisage-t-elle de prendre) pour préserver sa trésorerie ? Avez-vous (ou prévoyez-vous d’avoir) recours aux différents dispositifs mis en place par le gouvernement (prêts garantis, fonds de solidarité…) ?

Guillaume Dubois : Comme nous l’avons toujours fait depuis 15 ans, nous gérons en bon « père de famille » l’entreprise et nous surveillons quotidiennement notre trésorerie et notre BFR.

Nous avons des fonds propres et une trésorerie nous permettant de prévoir deux années complètes de crise.

Nos partenaires et nos banques nous accompagnent également au quotidien et nous n’excluons pas d’avoir recours au Prêt Garanti par l’Etat afin de pouvoir augmenter encore notre capacité financière et poursuivre les projets de fond initiés avant la crise dans notre plan stratégique « TRANSFORM 2025 ».

Dans ce plan, nous prévoyons 2 millions d’euros d’investissements sur cinq ans pour les outils et process internes (remplacement ERP, finalisation de la certification ISO 27001, refonte des datacenters…) et 3 millions d’euros d’investissements pour acquérir des petites sociétés ultra-spécialisées dans certains domaines venant en complément de nos activités actuelles (DevOps, Sécurité High End, Expertise Réseau High End, Mobilité, IoT…)

Channelnews : À quelles évolutions majeures du marché IT vous attendez-vous après le déconfinement ?

Guillaume Dubois : Nous allons massivement devoir encore nous transformer dans un moment où nous nous transformons ! Chez Soluceo, nous estimons qu’un grand nombre de prestations sur site vont se transformer désormais en prestation à distance. Le vrai changement sera là. Il faudra toujours jouer un rôle social mais à distance et plus seulement physiquement chez nos clients.

Nous estimons également que le modèle OPEX sera favorisé au détriment du modèle CAPEX, qui pourtant avant la crise était encore le modèle préféré de bon nombre de dirigeants. La France ayant une mentalité de propriétaire à la différence de nos collègues anglo-saxons qui préfèrent le paiement à l’usage. En fin de compte, tout cela s’appelle l’agilité !

Notre taille, nos valeurs d’entreprise, notre proximité, nos équipes, notre base client, nos choix technologiques et surtout les partenaires avec lesquels nous engageons depuis des années maintenant (VMware, Dell Technologies, Netapp, Palo Alto, Watchguard, Netwrix, Veeam, HPE, Sophos, Cohesity et Rubrik), nous permettrons de nous adapter en profondeur et durablement à ces évolutions.