De plus en plus d’entreprises songent à remplacer leurs batteries de serveurs par des grands systèmes. Patrick Kesler, directeur de la division Mainframes d’IBM analyse ce retour en grâce.

 

Channelnews : On reparle de plus en plus des mainframes, non seulement chez IBM mais aussi chez CA. Pourquoi ce retour en grâce ?

Patrick Kesler : Pour bien comprendre la situation, un peu d’histoire. Au début des années 90, alors qu’on ne parlait que de downsizing on se demandait chez IBM quelle stratégie mettre en place. Le PDG de l’époque envisageait plutôt de démanteler la société. C’est alors qu’est arrivé Lou Gerstner. Cet ancien stratège de McKinsey a compris l’intérêt qu’il y avait à conserver une entreprise unie tout en créant une synergie entre les différentes divisions. A partir de 1996 on a commencé à partager les investissements entre les divisions produit, cela concernait la mémoire, les entrées/sorties etc..
A cet époque également des clients nous disaient « N’arrêtez pas les mainframes ! ».

Au premier trimestre 2000 est arrivé une nouvelle machine, le Z900 avec un processeur Cmos venant de la technologie bi-polaire, laquelle représentait des milliards de dollars d’investissement. Cette technologie a commencé à avoir un certain succès auprès de nos clients.

Au même moment, beaucoup de grands comptes se sont trouvés confrontés à un sérieux problème : ils avaient 100 machines Unix d’une marque, 100 machines Unix d’une autre marque et 50 machines Unix d’une troisième marque, ce qui devenait difficile à gérer. Cela les poussait à revenir à la consolidation.

Toujours à cette époque, Unix se cherchait en matière de chipset, entre Sun, l’U10000…De plus il y avait un trou dans la gamme des serveurs à cause de la sortie du marché des machines compatibles Amdahl et Hitachi. Cela a donné un nouvel élan aux mainframes et nous a poussé à réinvestir et à sortir le Z990.
Finalement, nous profitions d’une croissance liée à la vision technologique qu’avait eu Lou Gerstner en 1996.

En parallèle, nous avons ouvert la plate-forme Z à Linux. Tout le monde se demandait ce que venait faire IBM dans cet univers, quel intérêt il y a avait à remplacer z/OS par Linux.
Nous voulions simplement ouvrir les grands systèmes au monde des applicatifs. En 2002, nous avons d’ailleurs intégré un moteur dédié à Java.

 

Et aujourd’hui ?

Patrick Kesler : Depuis 2004, la croissance repose sur les nouvelles applications autour de Linux et de Java. Pendant les années 2004-2005, les clients utilisaient les mainframes comme serveur d’impression ou pour le Web. Cela change. Les grands systèmes s’ouvrent à la manageabilité, aux applications stratégiques, à la sécurité.

Nous ne sommes plus à l’époque où IBM était drapé dans sa fierté. Les choses peuvent évoluer dans le mauvais sens du jour au lendemain. Il faut que le TCO soit compétitif. C’est pourquoi nous investissons 1,2 milliards de dollars chaque année dans la plate-forme mainframes, les deux tiers étant consacré aux logiciels et un tiers au matériel.

C’est une stratégie payante car on voit arriver de plus en plus de gros projets. Aux États-Unis, nous avons remporté le renouvellement du parc de l’US Postal face à HP. Il fonctionne avec 3 mainframes équipés de moteurs Linux. Au Brésil, Hoplon a développé des jeux de combat aérien en ligne qui tournent sur nos grands systèmes. Au Japon, une banque a mis en place sa gestion des automates bancaires exclusivement sur mainframe. Et en France, nous travaillons depuis 7 ou 8 mois sur une quinzaine de gros projets.

Nous allons connaître une nouvelle phase de croissance.

 

N’existe-t-il pas un manque de compétences mainframes chez les jeunes ingénieurs informaticiens ?

Patrick Kesler : Grâce aux applications Java sur mainframes on se trouve dans un environnement ouvert, qui n’est plus lié au langage Cobol.

D’autre part, nous avons fondé la zAcademy avec la Banque Postale et Sogeti. Le but est de former les informaticiens de l’établissement aux nouvelles technologies des grands systèmes, notamment à la gestion de la sécurité, la gestion de la haute disponibilité, la manageabilité. La Banque Postale ne manque pas de projets. Nous travaillons également avec des écoles d’ingénieurs comme l’ESIAL à Nancy ou Supinfo pour initier les jeunes diplômés.

 

Comment voyez-vous l’avenir ?

Patrick Kesler : Depuis l’an 2000, le marché des mainframes a quasiment été multiplié par 3,ceci aussi bien aux États-Unis, que dans le monde et en France. C’est une croissance supérieure à celle de Dell. Les clients découvrent qu’il se passe des choses intéressantes et songent aux grands systèmes sur le long terme. A court terme il y a toujours des serveurs qui peuvent résoudre des besoins ponctuels.