Après être passé sous l’étendard de l’américain Bain Capital Private Equity en 2022 et l’arrivée de Jacques Pommeraud comme nouveau PDG en mars 2023, Inetum a dévoilé son nouveau plan stratégique. De la montée en puissance des solutions au déploiement à l’échelle de l’IA générative, Normann Hodara, CEO d’Inetum France, nous commente les ambitions et nouvelles priorités du groupe.

 Channelnews : Vous débutez la mise en œuvre de votre nouveau plan stratégique. Quel bilan tirez-vous du précédent ?

Normann Hodara : Nous avons validé les quatre objectifs que nous nous étions fixés. Comme attendu, le groupe a doublé de taille en trois ans et a atteint un chiffre d’affaires de 2,4 Md€ en 2022. Il s’est également largement internationalisé. La part de la France qui représentait 70% du chiffre d’affaires au début du plan est descendue à 40%. Nous avons fait évoluer notre mix business en réalisant plusieurs acquisitions pour progresser plus vite sur la partie Solutions. Enfin nous sommes parvenus à gagner 2 points de marge opérationnelle. Cette capacité d’exécution est l’une des raisons qui a conduit Bain Capital à s’engager dans l’aventure avec nous.

Channelnews : Qu’apporte à Inetum ce nouveau partenaire financier ?

Normann Hodara : Une ambition nouvelle et beaucoup d’accélération. Notre nouveau CEO et l’équipe de Bain Capital – l’un des tous premiers fonds de capital investissement dans le monde – sont dans la culture de l’excellence et c’est cette culture qu’elle essaie d’insuffler dans toutes ses participations. La seconde chose très concrète, c’est beaucoup de moyens pour nous accompagner dans la recherche de cette excellence et la dimension croissance externe de notre plan, car nous ne cachons pas notre ambition d’être un acteur de consolidation du marché.

Channelnews : Deux classements récents des ESN en France, ceux de PAC et KPMG/Numeum, vous classent respectivement à la 8ème et à la 11ème place. Quel niveau visez-vous avec ce nouveau plan ?

Normann Hodara : Sur ce point c’est très clair, nous cherchons à être dans le Top 5 en France et dans le Top 5 en Europe. Notre souhait est de simplifier notre présence internationale, notamment en Afrique et Amérique latine, pour nous recentrer sur l’Europe et devenir un véritable leader européen. Ce n’est pas seulement une question d’échelle mais aussi de proposition de valeur pour nos clients. Nous voulons être l’acteur de référence et de proximité et avec lequel il est facile de travailler pour engager les transformations numériques importantes.

Channelnews : Pouvez-vous présenter à nos lecteurs ce que représente Inetum en France aujourd’hui ?

Normann Hodara : C’est un groupe qui va faire un chiffre d’affaires supérieur à 1 milliard d’euros en France sur 2023 et qui emploie 10.000 collaborateurs directs, sans compter nos sous-traitants et les équipes qui travaillent pour nous à l’international. Il opère dans 4 lignes de business que sont le conseil, les technologies, les solutions et les logiciels. Le business autour des technologies, qui consiste à construire et opérer les systèmes d’information critiques de nos clients, représente actuellement environ 60% du chiffre d’affaires, les solutions 20%, l’activité éditeur 15% et le conseil 5%. Mais comme je l’ai dit, nous faisons évoluer le mix business et assez vite les solutions seront prépondérantes au sein des activités de services.

Channelnews : Cela signifie une progression très rapide des solutions. À quel horizon deviendront-elles votre première ligne de métier ?

Normann Hodara : Nous voulons que notre chiffre d’affaires avec nos partenaires fournisseurs de plateformes représente 50% de notre chiffre d’affaires global à Horizon 2026. Cela repose sur nombre de partenaires parmi lesquelles quatre alliances globales avec SAP, Microsoft, Service Now et Salesforce. C’est important de le préciser car, même si nous sommes perçus comme une grande ESN généraliste, nous voulons avoir des domaines de leadership clairement reconnus sur le marché. Quant à la volonté de faire grandir les solutions, elle tient au fait que c’est clairement ce qui permet de faire accélérer et gagner nos clients en performance.

Channelnews : Cette accélération passe en partie par de la croissance externe. En témoigne vos acquisitions récentes de 47 Quai, Viseo Dynamics et Proceed, trois cabinets de conseil français spécialisés dans les environnements Salesforce, Microsoft Dynamics et ServiceNow. Sur quels critères ont-ils été choisis ?

Normann Hodara : Nous cherchons des pure players avec des expertises très pointues, alignées bien sûr sur les domaines de nos quatre grands partenaires notamment mais aussi sectorielles. 47 Quai nous permet de développer une belle practice Salesforce à l’international avec désormais 300 consultants dont 150 en France. Ses équipes viennent aussi conforter notre domaine de leadership dans l’assurance et celui que nous construisons sur le secteur public. Viseo nous aide à nous positionner comme un leader de l’intégration des ERP Microsoft, une expertise encore peu développée en France, et du CRM Microsoft Dynamics. Enfin Proceed fait de nous l’un des rares acteurs à avoir une expérience forte sur le secteur public, notamment, avec ServiceNow.

Channelnews : Les acquisitions ne concernent pas cette fois-ci SAP, qui est un autre partenaire majeur de Solutions. Comment vous positionnez-vous sur le marché ?

Normann Hodara : SAP est déjà le domaine sur lequel Inetum est le plus puissant en Europe. Notre business line emploie 2000 consultants, dont 200 en France, avec un positionnement sur deux axes majeurs. Nous sommes l’acteur de référence sur le « run » de qualité en nous appuyant sur une plateforme de livraison de tout premier plan au Portugal. Cela offre une alternative à l’offshore pur et dur en Inde, de manière plus qualitative et en restant dans l’espace Schengen. Notre deuxième axe c’est le « buid » et l’offre SAP Hana. J’ajoute que 35% de notre chiffre d’affaires est réalisé avec les ETI, ce qui est un différenciateur face à nos grands compétiteurs plutôt focalisés sur les très grands comptes.

Channelnews : Quels sont les autres partenaires stratégiques pour Inetum ?

Normann Hodara : En premier lieu AWS et Google chez les hyperscalers, sans oublier OVH dans le cloud. OutSystems mérite également d’être cité sur le Low Code car c’est un domaine où nous nous développons de manière très satisfaisante. Nous venons de signer un très gros contrat avec un grand groupe dans l’énergie et avons été nommés « Most Valuable Partner » de l’année pour l’Europe du Sud. Il y a aussi PTC dans le PLM qui est important pour notre practice dans l’industrie 4.0. Je veux citer enfin Snowflake sur la partie Data avec là encore une très forte accélération conjointe. Et bien d’autres.

Channelnews : Quelles seront vos priorités pour vos prochaines acquisitions ?

Normann Hodara : Nous voulons continuer d’être un consolidateur sur nos quatre grands domaines de solutions. Nous cherchons par ailleurs à nous renforcer sur la Data, le Low Code et évidement le cloud.

Channelnews : L’IA générative promet de chambouler l’industrie des services numériques posant du même coup un défi majeur aux ESN. Comment abordez-vous cette problématique ?

Normann Hodara : L’IA générative est clairement en haut de l’agenda d’Inetum et fait l’objet d’un suivi chaque semaine en Comex. Pour les acteurs des services numériques il y a effectivement un gros risque à ne pas prendre ce train-là mais nous la voyons surtout comme une énorme opportunité. Notre première priorité a été l’acculturation à cette technologie. Au 31 décembre tous nos collaborateurs auront bénéficié d’un premier niveau de formation et auront à leur disposition un environnement sécurisé pour accéder à ces outils. Un autre objectif à la fin de l’année est d’avoir 1000 collaborateurs qui travaillent tous les jours avec l’IA générative. Nous avançons très vite pour pouvoir proposer aux clients qui sont dans la même démarche un environnement sécurisé qui leur est propre pour commencer vraiment à travailler.

Channelnews : Où en êtes-vous de l’intégration à votre offre de cette technologie ?

Normann Hodara : Nous avons énormément d’expérimentations et de Proof of Concept. Le vrai sujet maintenant c’est la mise à l’échelle et la bonne maitrise des risques associés, liés aux données, éthiques et sociaux. C’est la partie la plus difficile, à la fois en termes d’acquisition de compétences, sur les plans technique et économique car tout cela nécessite beaucoup d’argent. Mais le message que je porte tous les jours auprès des clients, c’est que nous ne sommes plus au stade de l’expérimentation. Nous avons de multiples exemples qui démontrent que cela fonctionne de façon assez bluffante. Nous disposons désormais d’offres sur étagères pour le conseil et la formation, ainsi que de moyens dédiés au déploiement à l’échelle.

Channelnews : Quels sont les premiers cas d’utilisation de l’IA générative pour les métiers d’Inetum ?

Normann Hodara : Notre priorité va aux projets, notamment en ingénierie logicielle, avec trois cas d’utilisation que nous souhaitons déployer très vite. Il s’agit d’abord de la génération de code et de la mise en qualité du code, qu’il ait été généré ou non. Le troisième cas concerne la production informatique où l’IA assure un meilleur adressage des tickets et une affectation automatique en termes de groupes de travail. Nous avons aussi développé dans nos FabLabs une solution de maintenance préventive, qui entre maintenant dans son cycle d’industrialisation.

Channelnews : Pour finir sur vos perspectives, comment voyez-vous le marché évoluer en 2024 ? Quels sont vos objectifs en termes de croissance et de recrutement ?

Normann Hodara : Nous voyons déjà sur le second semestre 2023 un marché qui continue de croitre mais moins vite. Après une phase d’investissement intense, je pense que nous allons revenir dans une phase de de rationalisation, même si certains segments, qui étaient traditionnellement plus porteurs en termes de croissance vont le rester. Je pense notamment à l’agilisation des systèmes et à l’expérience client, qui reste pour nous un gros levier de croissance et de demande. L’IA qui est un « game changer » s’ajoute comme nouveau moteur.

Au niveau de la macro-économie, je vois plutôt un atterrissage en douceur, pas du tout un effondrement. Quoi qu’il en soit, notre ambition est de surperformer de 50% à 100% la croissance du marché, grâce notamment à un mix business autour de segments à plus forte croissance. Nous restons donc très volontaristes et ambitieux pour 2024 et notre plan de recrutement restera au même niveau qu’en 2023.

Pour ce qui est des talents, la pénurie va persister mais la situation va un peu s’améliorer avec la décélération du marché et le déploiement de l’IA générative. Je ne crois pas que l’IA va tout remplacer. L’expérience montre qu’à chaque fois qu’il est possible d’accélérer, cela démultiplie les besoins. Je suis donc très optimiste et persuadé que cela va permettre dans un premier temps de soulager la pénurie des talents et ensuite de repartir très fort.