De l’avis général, les candidats à la présidence de la République n’ont pas brillé au cours de cette campagne par leurs propositions et leur vision en matière de numérique. Dans cette dernière ligne droite d’avant premier tour, nous avons demandé à Guy Mamou-Mani, co-président du groupe Open et ex-président du Syntec numérique, de se mettre dans la peau d’un candidat à l’investiture et de détailler son programme. Voici ce qu’aurait pu être la profession de foi d’un hypothétique candidat pro-numérique à cette élection.

 

Moi, si j’étais élu président de la République,

Emploi. Je créerais un nouveau cadre social, fiscal, juridique et financier pour les nouvelles formes d’emploi liées à la transformation numérique du pays. En effet, contrairement à certains candidats comme Benoît Hamon, je pense que le numérique va contribuer à développer le travail et la création de valeur mais en dehors des formes d’emploi traditionnelles. Résister à ce raz de marée, comme le préconise Jean-Luc Mélenchon, nous conduirait à être balayés. Surfer sur cette vague nous permettra au contraire de construire un monde meilleur et respectueux de l’individu.

Droit à l’Internet. Je créerais un droit à l’accès universel à l’internet comme celui de l’accès à l’électricité ou à une eau propre et accessible pour tous. Je déploierais d’ici à 2022 un réseau très haut débit sur l’ensemble du territoire, et garantirais qu’il soit accessible à 100% des foyers et entreprises, y compris dans les zones rurales réputées moins denses.

Confiance numérique. J’annulerais tous les programmes de fichage massif et centralisé de la population dont on ne ne peut exclure des usages liberticides. Ils seraient redéveloppés sous forme décentralisée et respectueuse des libertés . Je lancerais des investissements conséquents dans la cybersécurité pour augmenter la confiance numérique de nos concitoyens. Je renforcerais massivement les moyens et effectifs des agences de l’Etat en charge du pilotage de la réforme de l’Etat (DINSIC) et de la sécurité des données (ANNSI). Je multiplierais les formations dans la sécurité pour familiariser la population avec les cybermenaces et la prémunir vis-àvis de cyber-assaillants chaque jour plus inventifs.

Education. Je mettrais en œuvre un programme d’éducation et de formation au numérique pour toute la population. Je déploierais des cours d’informatique dans toutes les classes, du primaire à la terminale. Je déploierais les MOOC dans les universités. Je mettrais en œuvre des formations au numérique dans les formations professionnelles de tous les secteurs.

Je ferais une grande campagne d’information afin d’orienter les élèves en particulier les jeunes filles vers des carrières dans le numérique et multiplierais les formations type grandes écoles du numérique. Je m’assurerais que l’étude des systèmes d’information devienne le noyau central de la formation des écoles d’ingénieurs. Sans quoi, le projet de François Fillon de faire de la France une « smart nation » serait une promesse vaine.

Santé. J’encouragerais le développement de la médecine numérique et notamment des solutions de télémédecine. Je créerais des maisons de santé connectées dans toutes les régions souffrant de désertification médicale et reconfigurerais les investissements et financements en faveur du maintien des malades à leur domicile. Je lancerais à cet effet un grand programme de construction d’immeubles intelligents permettant aux personnes dépendantes de rester chez elles tout en bénéficiant d’une surveillance et de soins de qualité. Je pousserais à la création, dans le cadre des projets médicaux de territoire, de plateaux techniques de nouvelle génération intégrant les nouvelles technologies d’intelligence artificielle et de robotique médicale. J’imposerais le déploiement sans délai du DMP, véritable passeport santé pour que nos concitoyens, où qu’ils soient, en France ou à l’étranger, puissent être parfaitement et rapidement pris en charge médicalement. Enfin, je refonderais totalement des études de médecine qui doivent être repensées à l’aune de l’émergence d’une nouvelle médecine qui déborde le seul champ du sanitaire. Je mettrais en œuvre une véritable politique de « santé » publique.

Quelques pistes sur la Santé ont été évoquées par Emmanuel Macron qui ne s’inscrivent malheureusement pas dans une vision de santé publique globale. Le candidat d’En marche ! propose par exemple d’investir 5 milliards d’euros dans la santé sur le quinquennat, soit 1 milliard par an, notamment pour accélérer le développement des technologies numériques et favoriser des réorganisations génératrices d’économies pérennes comme les groupements hospitaliers de territoire.

E-administration. Je déploierais massivement le numérique dans toute l’administration conscient que seul l’investissement dans le numérique permet d’obtenir des gains de productivité. Tous les actes administratifs seraient dématérialisés. Je veillerais tout particulièrement à ce que les populations en difficulté soient accompagnées dans leurs démarches. La dématérialisation de l’administration ne doit pas renforcer les inégalités mais au contraire contribuer à les réduire.

Entreprises. Pour les entreprises, je lancerais un grand programme de formation et de financement pour les aider dans leur transformation inspirée du plan #croissanceconnectee du @CNNum. Je développerais des programmes du type Industrie du futur qui poussent nos entreprises à chasser en meute car partir groupé c’est le meilleur moyen de les aider à grandir. Je multiplierais les programmes du type « sur-amortissement » afin d’accélérer la robotisation et la numérisation. Je développerais les dispositifs du type jeune entreprise innovante (JEI), crédit impôt-recherche (CIR) car c’est le meilleur moyen d’améliorer l’environnement R&D et d’innovation des entreprises . J’étendrais la loi « Macron » sur les attributions d’actions gratuites car cela a permis de partager enfin la richesse créée. À l’instar de ce que propose François Fillon, je faciliterais les investissements et l’orientation de l’épargne des français dans les entreprises.

Europe. Je chercherais à fédérer l’Europe sur ces sujets car nous avons enfin l’outil pour construire une vision commune : harmonisation fiscale, souveraineté des données, échange avec le reste du monde…

Intégration. Enfin, j’utiliserais le numérique comme outil d’intégration, de diversité et de mixité, et je respecterais la charte #JamaisSansElles des candidats à l‘élection présidentielle 2017 que j’ai signée dans laquelle je m’engage à défendre et à promouvoir la mixité à tous les niveaux de la sphère publique.

 

À propos de l’auteur :

Guy Mamou-Mani co-préside avec Frédéric Sebag Groupe Open, Entreprise de Services du Numérique de 3650 personnes réalisant 305 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel.

Entre juin 2010 et juin 2016 Guy Mamou-Mani a présidé Syntec Numérique – la Chambre professionnelle des métiers du numérique (éditeurs de logiciels, entreprises de services du numérique, sociétés de conseil en technologies). À cette fonction, il s’est beaucoup investi sur les enjeux liés à la formation et à la place des femmes dans la profession. Il a également beaucoup œuvré à sensibiliser les pouvoirs publics aux enjeux du numérique et à l’amélioration des conditions fiscales et réglementaires indispensables au développement de l’écosystème numérique français.

Depuis février 2016, Guy Mamou-Mani est vice-président du CNNum (Conseil National du Numérique) et membre du HCEfh (Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes).