Pour renforcer son attractivité Open lance une émission de bons de souscription d’action et un plan d’épargne entreprise. Son co-président, Guy Mamou-Mani commente ces annonces et l’accélération de la croissance.

 

Channelnews : Vous venez d’annoncer l’émission de près de 700.000 bons de souscription d’action. Pourquoi cette opération et à qui s’adresse-t-elle ?

Guy Mamou-Mani : Cette émission [qui représente potentiellement 5,1 M€ d’augmentation de capital] est réservée aux managers d’Open (une soixantaine de personnes sont éligibles). Elle vise à les intéresser au business plan [la souscription est conditionnée à l’atteinte de l’objectif de résultat opérationnel courant 2013]. Beaucoup de managers de haut niveau nous ont rejoint dans un passé récent et souhaitent se projeter dans l’avenir.

 

Pourquoi ne pas en faire bénéficier tous les salariés ?

 

Guy Mamou-Mani : Car il y a un risque de dilution du capital et que ces BSA ont un coût d’achat [0,17 €]. Mais pour l’ensemble des collaborateurs, nous préparons un plan d’épargne entreprise qui sera annoncé dans les prochains mois.

 

Au-delà de l’intéressement des managers et du plan épargne entreprise, qu’est ce qui rend Open attractive aujourd’hui ? Sa valorisation reste encore très en deçà de celle du secteur (un quart du chiffre d’affaires contre la moitié en moyenne) et son image celle d’une société de services de régie.

 

Guy Mamou-Mani : Open s’est beaucoup transformé au cours des deux dernières années. D’un modèle à plus de 90% régie au moment des rachats de Teamlog et Sylis, nous sommes parvenus à une activité à 60% régie et à 40% sur engagement de résultat. Nous avons développé nos capacités de conseil, d’assistance à la maîtrise d’ouvrage, le nombre de nos chefs de projets… Nous disposons désormais d’une équipe avant-vente (non facturée) d’une vingtaine de personnes et depuis cette année d’une équipe de business development de dix personnes qui suit les comptes clé. Nous avons renforcé le marketing, la qualité… Et cette transformation, qui a coûté des millions, s’est faite dans des conditions parfaitement sereines : notre endettement sur fonds propres est proche de zéro et l’actionnaire contrôle l’entreprise, ce qui permet de se projeter à moyen-long terme.

 

La lecture des rapports du premier trimestre 2011 laisse à penser que la croissance des SSII s’accélère. Qu’en dit le président du Syntec Numérique que vous êtes ?

 

Guy Mamou-Mani : En effet, la croissance de 3,5% prévue par le Syntec pour les SSII cette année a toutes les chances d’être dépassée. C’est d’ailleurs aussi valable pour les éditeurs, les sociétés de conseil en technologies et les intégrateurs d’infrastructures. Il n’y a rien de miraculeux à cela. Après trois années difficiles, marquées par des budgets contraints et des reports, les SSII bénéficient aujourd’hui d’un phénomène de rattrapage et de la croissance somme toute significative de l’économie.

 

Et en ce qui concerne Open ?

 

Guy Mamou-Mani : On évolue sur une trajectoire différente de celle du marché. Après cinq années d’hyper-croissance entre 2004 et 2009, qui ont fait passer la société de 250 à plus de 3100 collaborateurs, on a consacré les deux derniers exercices à digérer cette croissance. Désormais, on se concentre sur notre rentabilité. On s’est fixé pour objectif de revenir à résultat d’exploitation à 8% du chiffre d’affaires d’ici à 2013 et à 5% de croissance annuelle. [Sur le premier trimestre 2011, le chiffre d’affaires de la société a pour la première fois depuis 2008 recommencé à croître en France à +1,3%]

 

Ressentez-vous aussi les tensions sur le recrutement ?

 

Guy Mamou-Mani : C’est le grand bémol. Comme tout le marché a une dynamique incroyable, y compris les clients, on se retrouve avec une demande importante et une offre qui baisse. Il n’y a aucune chance d’arriver à l’objectif de 40.000 recrutements cette année, faute de candidats. Chez Open, nous sommes légèrement en retard sur notre objectif de 800 recrutements cette année.

 

Dans ces conditions, comment faites-vous pour sécuriser vos recrutements ?

 

Guy Mamou-Mani : Comme tout le monde, on fait des parainages, des campagnes de recrutement, des événements, des sites Web… Comme il n’y a pas assez d’ingénieurs en France, on recrute des étrangers. Cela représente 5 à 10% de nos recrutements. Et on met surtout en place des programmes pour garder nos collaborateurs, notamment en suivant leur carrière, en les formant et en faisant des efforts sur les salaires même si les taux de facturation ne sont pas à la hauteur.

 

Il y a donc inflation sur les salaires ?

 

Guy Mamou-Mani : Oui. Je n’ai pas de chiffres précis, mais les masses salariales ont recommencé à augmenter après une période de stagnation. Et ce n’est pas un feu de paille. Cela devrait se confirmer dans les deux ou trois années à venir. Il n’y a qu’à voir le turn over de la profession tourne actuellement autour de 18%, contre 10% il y a deux ans.

 

Dans ce contexte, les prix des prestations ont-ils tendance à remonter ?

 

Guy Mamou-Mani : Oui, je constate une inflexion. Les prix ont en tout cas arrêté de baisser et la tendance est au relèvement. Sur Open, on a constaté une augmentation du taux journalier moyen (TJM) de 5% au premier trimestre. Et on explique aux clients chez qui nos collaborateurs sont placés à un taux inférieur à celui du marché qu’on va les leur retirer s’ils ne consentent pas à lâcher du lest. Un collaborateur à 400 € pas jour, cela devient inacceptable. Si on arrivait à 450 €/jour, on arriverait à respirer.

 

Vous avez récemment pris position sur le cloud en annonçant un partenariat stratégique avec Orange Business Services. Vous y croyez vraiment ou vous y allez à reculons ?

 

Guy Mamou-Mani : Je pense qu’il s’agit d’une révolution inéluctable. L’informatique se consommera à terme comme on consomme aujourd’hui l’énergie. Les clients commencent à émettre des appels d’offres sous forme de facturation à l’usage. Cela dit, on n’en est encore qu’au tout début.

 

Pourquoi avoir fait le choix de ne pas investir directement dans une infrastructure cloud ?

 

Guy Mamou-Mani : Notre rôle c’est le service et l’intégration. Les SSII, même les plus grosses, ne pourront jamais avoir le niveau d’infrastructure des grands opérateurs télécoms ou des grands fournisseurs IT. On préfère s’appuyer sur les offres de ces opérateurs pour bâtir nos propres services cloud.

 

Pourtant, en payant fort cher Prosodie (plus de dix fois le résultat d’exploitation et deux fois le chiffre d’affaires), Capgemini ne parie-t-il pas sur la maîtrise des capacités d’hébergement ?

 

Guy Mamou-Mani : Je ne crois pas que Capgemini rachète Prosodie pour ses capacités d’hébergement mais plutôt pour son expertise métier.

 

Mais le cloud ne remet-il pas en cause votre fonds de commerce en détournant ou en éliminant des tâches jusqu’ici assurées par vous ?

 

Guy Mamou-Mani : C’est exact. D’où la réflexion du Syntec autour de la transformation du business model de la profession. Mais au bout du compte, je pense qu’en adoptant le principe de la facturation à l’usage, cela nous permettra de mieux gagner notre vie. Et le client ne manquera pas de s’y retrouver aussi en s’affranchissant d’infrastructures sur-dimensionnées et en se débarrassant de nombreux coûts cachés liés la sauvegarde, à la sécurité, à la performance…