Une semaine après l’annonce de son retrait possible du business des PC ayant provoqué l’effondrement de son cours de bourse, HP semble plus que jamais dans une impasse stratégique.

 

En annonçant la possible cession de sa division PC et l’arrêt de ses produits de mobilité, HP espérait rassurer les marchés et valider son virage stratégique vers la valeur. On peut dire que c’est raté. Le cours s’est effondré de 25% en deux jours et, malgré les efforts désespérés de Léo Apotheker, qui a multiplié toute la semaine les rencontres avec la presse et les gros investisseurs, il ne remonte pas. Pire les grands analystes revoient les uns après les autres leur recommandations à la baisse.

Depuis qu’il est arrivé aux commandes de la société en octobre 2010, la capitalisation boursière a été quasiment divisée par deux à environ 52 milliards de dollars – soit cinq fois les bénéfices, ce qui fait de HP l’entreprise technologique la moins chère parmi 230 valeurs IT. Une capitalisation qui met, le groupe à la merci d’un éventuel prédateur et l’expose à un dépeçage en règle. Une issue peu probable en vérité compte tenu de sa taille et des risques d’exécution qu’une telle opération comporterait.

Une absence de vision stratégique


Pour autant, les actionnaires sont furieux. Ils reprochent à Léo Apotheker et à son conseil d’administration leur communication erratique, leur précipitation et leur manque de clarté. Des erreurs qui mettent en lumière selon eux leur absence de véritable vision stratégique. Apotheker essaye de les convaincre qu’il peut regagner à terme les 40 milliards de dollars de chiffre d’affaires que la cession de l’activité ferait perdre au groupe en optant pour une stratégie intégrée centrée sur les logiciels et les services.

Mais les investisseurs ont le sentiment qu’il met la charrue avant les bœufs en se débarrassant de sa division PC avant même d’avoir pérennisé des activités logiciels encore très éloignées de la taille critique (elles pèsent moins de 3% du chiffre d’affaires). IBM en son temps avait d’abord démontré la pertinence de son nouveau modèle basé sur les services et les logiciels fonctionnaient avant de céder ses PC, rappelle le Financial Times.

Autonomy, un « pas grand-chose à 10 milliards »


Sans parler du fait que la totalité du produit de la cession de la division PC, activité principale du groupe représentant 30% de son chiffre d’affaires, est censée financer le rachat de l’éditeur britannique Autonomy, qui pèse moins de 1% de ses revenus. Un éditeur que les salariés qualifient ironiquement de « pas grand-chose à 10 milliards ».

De même, pourquoi acheter Palm si c’est pour annoncer l’arrêt des smartphones et des tablettes quinze mois plus tard ? Certes Léo Apothker peut invoquer qu’il s’agit d’une décision prise par son prédécesseur et qu’il est aujourd’hui contraint d’arrêter des produits dont le succès dépend de « capitaux qui seraient mieux employés ailleurs ». Mais il répète depuis à l’envi qu’il compte continuer à soutenir (et donc financer) le développement de l’écosystème WebOS… On ne sait d’ailleurs pas combien de postes HP compte supprimer dans le cadre de la restructuration de cette activité, ni quelle sera la rentabilité de cette activité une fois restructurée.

Les PC stimulent les autres activités du groupe


Certes, sur le papier, la cession des PC et le rachat d’Autonomy amélioreraient sensiblement la marge opérationnelle du groupe. Mais dans la pratique, salariés et partenaires craignent qu’une fois sortis du périmètre, les PC ne stimulent plus autant qu’aujourd’hui les autres activités de l’entreprise. « Sa stratégie de chaîne de valeur globale hardware est le principal différenciateur de HP, relève un partenaire. Les PC contribuent à la notoriété de la marque et servent de point d’entrée chez certains clients pour vendre les autres offres du groupe, notamment des serveurs critiques ».

Du reste, certains doutent de la faisabilité d’une cession de l’activité PC tant les obstacles à surmonter paraissent nombreux. Si officiellement son sort ne sera pas fixé avant huit à douze semaines – le temps que les consultants rendent leur avis sur la question – elle est en réalité en vente depuis plusieurs mois, en attestent les nombreuses rumeurs qui circulent à ce sujet depuis le printemps ? HP allant même jusqu’à démentir formellement des rumeurs de rachat de la PSG par Samsung dès mars dernier, ainsi que l’atteste un salarié sur le blog de l’actualité sociale de HP.

Une division PC trop grosse pour être digeste


Or il paraît déjà évident qu’aucun concurrent n’est intéressé malgré sa faible valorisation – l’estimation qui circule est de 10-12 milliards de dollars, soit l’équivalent d’un quart de son chiffre d’affaires et à peine six fois ses bénéfices. Probablement en en raison de sa taille (on parle de 40.000 personnes au bas mot avec les fonctions support) : les coûts et les risques inhérents à son intégration (lois antitrust, conflits sociaux, pertes de chiffre d’affaires, marché en décroissance, imbrication avec les autres divisions) pourraient s’avérer trop élevés.

Reste l’option de la filialisation (en ressuscitant Compaq) avec l’espoir que la déconsolidation se passe sans heurts. Mais quelle marge de manœuvre restera-t-il au groupe pour financer sa diversification dans les logiciels ? Rien ne garantit que cette option présente plus intérêt que de ne rien faire du tout.

Face à tant d’incertitudes, les actionnaires pourraient rapidement se convaincre que Léo Apotheker n’est finalement pas l’homme de la situation. S’il est peu probable qu’il soit débarqué à court terme dans la mesure ou le « board » lui est favorable – c’est lui qui l’a nommé contre Todd Bradley, vice-président exécutif et successeur naturel de Mark Hurd, avec pour mission d’orchestrer le virage vers la valeur – l’hypothèse qu’il soit remercié, lui et une bonne partie du conseil d’administration, à l’occasion de la prochaine assemblée des actionnaires en avril prochain ? si l’entreprise n’a pas implosé d’ici là, devient plausible. Une issue que de plus en plus de salariés appellent de leurs voeux.