La Cour des Comptes a publié son rapport sur Le pilotage de la transformation numérique de l’État par la direction interministérielle du numérique. Depuis sa création en 2019, la Dinum joue un rôle clé dans cette transformation. Mais son efficacité a été entravée par une gouvernance et une stratégie instables estime l’institution de la rue Cambon.
A sa décharge, la Dinum a connu de fréquentes modifications de compétences, de rattachements administratifs, ainsi que trois changements de directeurs en cinq ans. Ces bouleversements ont compromis sa capacité à développer et maintenir une politique numérique cohérente et à long terme. Et ce, malgré une multiplication par cinq de son budget entre 2019 et 2022.
Depuis 2020, la Dinum est placée sous l’autorité du ministère de la transformation et de la fonction publiques. Elle est responsable de la conception et de la mise en œuvre de la stratégie numérique de l’État. Le contrôle de la Cour intervient après la validation de sa nouvelle feuille de route en mars 2023, qui doit désormais être déclinée en feuilles de route ministérielles.
Ses quatre principales missions restent l’ouverture des données publiques (open data), la conception et la gestion du réseau interministériel de l’État, l’innovation numérique au sein des administrations, et l’expertise et la sécurisation des grands projets numériques. La Cour estime qu’elles sont « globalement assumées », tout en nécessitant une vigilance accrue.
Concernant par exemple l’open data, 47 000 jeux de données étaient disponibles sur data.gouv fin 2023 mais avec une contribution très inégale des ministères. « Alors que le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse a ouvert la totalité des 20 jeux de données prioritaires, celui de la justice n’a ouvert aucun des 11 jeux de données prévus », relèvent les magistrats.
Le programme beta.gouv sur les « start-up d’État » a pris lui une grande ampleur, avec plus de 450 produits numériques lancés. La Cour souhaite cependant que la Dinum se montre plus sélective pour pérenniser celles qui ont déjà fait leur preuve.
D’autres projets sont source d’inquiétude comme « la suite numérique de l’agent public », qui doit fournir aux agents tous les outils collaboratifs dont ils ont besoin. « Ces produits, peu connus, peu utilisés et dont le coût devrait continuer à augmenter, ne semblent pas à ce jour en mesure de concurrencer les offres proposées par le secteur privé, déjà largement adoptées par les agents », déplore le rapport, qui invite les ministères à mieux suivre et valuer le projet pour s’assurer qu’il réponde aux besoins exprimés.
Le constat est du même ordre pour utilisation de l’intelligence artificielle, avec des initiatives foisonnantes mais sans stratégie articulée, par manque de partage des retours d’expérience.
La Cour s’inquiète plus largement des déficiences en matière de coordination interministérielle et de conduite de projets. Malgré l’obligation de solliciter la Dinum pour l’expertise des grands projets numériques, certains ministères ne le font pas ou le font trop tard. Les avis défavorables de la Dinum sont rares et ses réserves souvent ignorées, pouvant conduire à la dérive de grands projets. Enfin, en raison de la multiplication des missions et de la hausse des effectifs (+ 43 % entre 2020 et 2023), la Cour déplore une gestion budgétaire et des ressources humaines trop complexe.
« Le besoin d’une stratégie numérique de l’État et d’une direction chargée de son pilotage ne fait aujourd’hui aucun doute. Toutefois la légitimité d’une direction transversale, responsable de la mise en œuvre d’orientations stratégiques valables pour l’ensemble de l’État, reste à consolider », conclut le rapport. « Pour ce faire, la stabilité des orientations et l’écoute des ministères, au plus près de leurs besoins, sont indispensables. »