L’opérateur français de satellites Eutelsat a signé un protocole d’accord avec le britannique OneWeb pour rapprocher les deux sociétés et créer un acteur mondial de premier plan dans le domaine de la connectivité. Eutelsat apportera dans la corbeille sa flotte de 36 satellites géostationnaires (GEO) et OneWeb sa constellation de 648 satellites en orbite basse (LEO) dont 428 ont déjà été lancés. La transaction prévoit qu’Eutelsat détiendra 100% de OneWeb et les actionnaires de OneWeb recevront 230 millions d’actions Eutelsat nouvellement émises, soit la moitié du capital social.
Cette opération stratégique vise à créer un groupe européen capable de rivaliser dans la course à la connectivité spatiale, aujourd’hui dominée par le géant du secteur SpaceX et sa constellation Starlink. « Il s’agit véritablement d’une opération qui change la donne dans notre secteur », a déclaré Dominique D’Hinnin, Président d’Eutelsat. Elle fait prendre un nouveau départ à l’opérateur français qui avait rejeté l’an dernier une offre de rachat de 2,8 milliards d’euros de Patrick Drahi. Bien qu’encore très rentables, les activités satellitaires GEO d’Eutelsat sont en perte de vitesse. En les associant aux activités LEO de OneWeb, le nouvel ensemble espère capter les opportunités d’un marché de la connectivité qu’il estime à 16 milliards de dollars à l’horizon 2030.
Malgré ces opportunités et la promesse d’importantes économies d’échelles, l’annonce a reçu un accueil glacial sur les marchés avec un décrochage de 36% de l’action Eutelsat sur les deux premières séances de la semaine. La fusion se fait au prix fort avec une valorisation de OneWeb à 3,4 milliards de dollars. Or le groupe britannique avait frôlé la faillite en 2020 et avait de nouveau été mis en difficulté en début d’année avec la suspension des lancements de la fusée russe Soyouz suite à la guerre en Ukraine. La finalisation du déploiement de la constellation va nécessiter de lourds investissements et Eutelsat a d’ailleurs annoncé la suspension de ses dividendes entre 2022 et 2024.
La question du management et des équilibres politiques sera aussi délicate en raison de l’actionnariat. Eutelsat est détenu à 20% par Bpifrance et à 7,6% par le fonds stratégique de participations (FSP). Les principaux actionnaires de OneWeb sont le conglomérat indien Bharti (30 %), Eutelsat (22,9 %), le gouvernement britannique (17,6 %), le japonais Softbank (17,6 %) et le conglomérat coréen Hanwa (8,8 %). Or après la fusion, du fait de la dilution, Bpifrance perdra son statut d’actionnaire de référence d’Eutelsat et de nombreux actionnaires étrangers entreront au capital.
Face aux inquiétudes sur une perte de souveraineté dans le domaine spatial, Bercy a tenté de rassurer en affirmant que « le dispositif de contrôle des investissements étrangers permettra d’assurer une « bonne protection des intérêts français ». Selon La Tribune, « l’exécutif argue que le siège du nouvel opérateur restera en France, que l’entreprise sera toujours cotée à Paris, que le management d’Eutelsat restera en place, ou encore que huit des quinze futurs administrateurs du conseil viendront d’Eutelsat. »
Le communiqué d’Eutelsat confirme cet équilibre au sein du Conseil et annonce que Dominique D’Hinnin sera proposé comme Président du Conseil d’administration de l’entité combinée et Sunil Bharti Mittal comme Vice-Président. Eva Berneke continuera à assumer les fonctions de Directrice générale dans l’entité combinée. La réalisation de la transaction est prévue d’ici à la fin du premier semestre 2023.