Lancée il y a un an avec l’ambition de démontrer que le Cloud peut s’accommoder du modèle de distribution à deux niveaux qui prévaut dans l’industrie IT, ArrowSphere peine à décoller en France.

Un an après le lancement d’Arrowsphere, la plate-forme de distribution de services Cloud d’Arrow, c’est la désillusion. Du moins pour une partie de ceux qui avaient été les premiers à l’adopter. Ceux que nous avons contacté ont soit renoncé à poursuivre l’aventure, soit refusé de s’exprimer sur le sujet. Ceux qui ont accepté de le faire (un intégrateur et une société de services) expliquent – en off – que la plate-forme telle qu’elle a été conçue par Arrow ne leur a pas permis de s’insérer dans la chaîne de valeur Cloud tel qu’ils l’avaient imaginé au départ.

Sur ce point, pourtant, l’ambition d’Arrow était, et reste, on ne peut plus claire : démontrer que le Cloud peut s’accommoder du modèle de distribution à deux niveaux qui prévaut dans l’industrie IT en facilitant l’adaptation des prestataires IT traditionnels au nouveau paradigme. Mais ceux qui avaient compris qu’ArrowSphere allait devenir une sorte de site marchand de services Cloud accessibles en marque blanche ont vite déchanté.


Une plate-forme de facturation mais pas un site marchand clé en main

« ArrowSphere a été conçu pour simplifier la prise de commandes et la gestion de la facturation des prestataires souhaitant commercialiser des services Cloud, explique Eric Taillard, vice-président cloud EMEA d’Arrow ECS, mais pas pour servir de site marchand clé en main sur lequel il suffirait de plaquer un logo ou un clip de présentation ». En clair, la plate-forme Cloud d’Arrow permet bien de gérer le transactionnel Cloud d’un Webstore, d’y connecter le catalogue de services d’Arrow et de gérer les licences dans un contexte de production de services Cloud, mais ne dispense pas ses souscripteurs d’investir dans leur propre site marchand, de définir un business plan et une stratégie, de dédier des ressources à cette activité, voire de produire leurs propres services Cloud…

De fait, le grossiste admet recruter plus facilement des fournisseurs de services managés ou des éditeurs exploitant déjà leur propre datacenter et familiarisés avec les modèles économiques à facturation récurrente que les intégrateurs ou prestataires de services traditionnels travaillant en mode projet. « Notre plate-forme est un bon moyen de compléter ce qui vient déjà des datacenters de nos clients », souligne Eric Taillard.

Le marché français reste attentiste

Ce dernier le reconnaît volontiers : le marché français reste attentiste. « Le niveau de maturité en France est très en retrait comparé à celui du Royaume-Uni, de l’Allemagne ou des pays nordiques, relate-t-il. En France, 92% à 93% de la dépense IT reste tournée vers des achats traditionnels d’infrastructure en pleine propriété ». Ce que confirment l’un de nos interlocuteurs déçus d’ArrowSphere, qui constate que ses clients ne le sollicitent pas sur le Cloud. Du coup, le nombre de clients actifs d’ArrowSphere reste modeste : une quarantaine, dont une partie ne réalisant que quelques transactions chaque mois. Parmi les partenaires avec lesquels le démarrage est néanmoins probant, Eric Taillard cite Computacenter et SCC.

 

De son côté, Ikoula, qui vient d’intégrer sa propre plate-forme de messagerie collaborative EX10 (basée sur les offres Exchange, Sharepoint et Lync de Microsoft) au bouquet de services d’ArrowSphere, se dit très satisfait de démarrage de son partenariat et de la qualité des leads qu’il reçoit. Mais il confirme que les opportunités proviennent principalement d’intégrateurs télécoms ou d’éditeurs indépendants mettant mettre à disposition de leurs clients des solutions complètes intégrant la messagerie collaborative. En revanche, il ne voit rien en provenance des revendeurs traditionnels.


27 services disponibles

Autre faiblesse pointée par les détracteurs d’ArrowSphere : la profondeur insuffisante de son offre de services. Arrow revendique pourtant 27 services au catalogue. Parmi les dernières offres entrées en production, Eric Taillard cite la solution collaborative Citrix Online (qui serait la deuxième offre SaaS la plus vendue au monde derrière Salesforce et dont il attend beaucoup), la solution de facturation et de gestion commerciale en ligne Evoliz et l’offre de supervision SaaS RG Systèmes. Mais beaucoup d’offres majeures manquent encore à l’appel. En France, les plus recherchées parmi celles déjà référencées sont les offres de sécurité (McAfee, Websense…), relève Eric Taillard.

 

Mais les principaux problèmes rencontrés par partenaires ayant testé la plate-forme restent d’ordre juridique et tarifaire. «  Le modèle proposé par Arrow n’est pas suffisamment abouti en termes de marge pour les revendeurs, souligne notre intégrateur. La plate-forme est dépositionnée en termes de prix face aux offres commercialisées en direct par les spécialistes Cloud. Difficile par exemple de justifier deux intermédiaires sur des machines virtuelles à 50€ dont les prix ont tendance à baisser quotidiennement ».

 

Un risque juridique et financier qui repose sur le partenaire

 

Et le même d’ajouter que si la machine virtuelle commandée par son client ne fonctionne pas correctement et qu’il cesse de la payer, c’est lui, en tant que revendeur, qui devra en supporter les conséquences financières, puisqu’elle lui aura été facturée au préalable par son grossiste. Un risque financier qu’il n’a pas prêt à prendre.

 

Même reproche pour notre deuxième interlocuteur dont la société souhaitait packager sous forme de service les logiciels de son principal partenaire. Pourtant référencé au catalogue d’ArrowSphere, celui-ci exigeait au préalable que les licences de ses logiciels lui soient achetée en mode perpétuel. Un modèle dont le risque reposait entièrement sur le partenaire et pour lequel celui-ci ne se sentait « pas mûr ».