Après l’annonce du rachat de Red Hat par IBM, la question que tous se posent est : « que va faire le « Grand Bleu » avec le « Chapeau Rouge ? » Ce sont toutefois le scepticisme et l’inquiétude qui l’emportent, aussi bien chez les salariés, les partenaires que chez les analystes, même si les avis sont moins tranchés chez ces derniers. « Ce n’est pas évident de comprendre comment le mariage entre IBM et Red Hat apporte une valeur combinée au marché. Red Hat et IBM participent déjà ensemble au marché du cloud privé et au marché du cloud d’entreprise. Cela n’aura probablement pas d’impact sur la stature d’IBM dans le cloud public où d’autres entreprises sont déjà présentes », s’interroge dans ZDNet Patrick Moorhead, directeur de Moor Insights & Strategy. Red Hat fait désormais d’IBM un « acteur crédible dans le cloud, aussi bien le cloud privé que le cloud hybride », estime en revanche Anurag Rana, analyste de Bloomberg Intelligence, qui s’exprime sur le site du groupe. « Cela leur donne un atout axé sur l’avenir et non sur le passé. » Même optimisme chez Jamie Dimon, le CEO de JPMorgan, un des établissements qui participent au financement d’une partie de l’opération.  « Conscients de l’importance des technologies cloud ouvertes et hybrides pour aider les entreprises à dégager de la valeur, nous constatons le potentiel qu’offre le rapprochement de ces deux entreprises. »

Dans leur grande majorité, les partenaires interrogés par nos confrères de CRN, sont inquiets. L’un des principaux dirigeants d’un fournisseur de solutions, qui ne souhaite pas être identifié, a ainsi déclaré à nos confrères qu’il craignait qu’IBM ne ralentisse la dynamique en faveur du channel de Red Hat avec son propre modèle de commercialisation ciblé sur les services propriétaires. Car si Red Hat indique que 70% de ses revenus proviennent du channel, IBM en revanche ne réalise que 20% de son chiffre d’affaires via les partenaires. C’est du moins ce que la firme d’Armonk a déclaré il y a trois ans. Le fournisseur de solutions anonyme s’interroge aussi sur la capacité d’IBM à conserver l’agilité du spécialiste des logiciels libres open source. Paul Anderson, CEO de Novacoast, un important fournisseur de services californien, ne croit pas non plus que Big Blue conservera la culture de Red Hat intacte. « Il est inévitable qu’IBM modifie la manière dont Red Hat mène ses activités », a-t-il déclaré. « La différence entre les cultures réside dans les costumes IBM par rapport aux sandales Red Hat. Bonne chance pour que cela fonctionne. C’est un défi monstrueux. » Joe Mertens, CEO de Sirius Computer, un important partenaire des deux entreprises, se montre en revanche optimiste. « Il me semble qu’IBM laissera à Red Hat beaucoup d’autonomie – comme ce qu’EMC a fait lorsqu’il a acquis VMware », explique-t-il. « En supposant que ce soit le modèle choisi, je ne pense pas que le processus d’intégration par IBM se produise réellement. Je suis très optimiste. »

Chez les salariés, c’est la méfiance qui l’emporte si l’on en croit ZDnet. L’un d’entre eux a ainsi déclaré à nos confrères qu’il n’imaginait pas « un conflit culturel plus important ». Un autre a annoncé qu’il rechercherait un emploi dans une autre entreprise open source. Un troisième a même expliqué que presque tous les salariés auraient préféré une acquisition par… Microsoft. Conscient des tensions qui existent au sein de ses équipes, le CEO de Red Hat, Jim Whitehurst, a promis qu’après l’acquisition, sa société continuera à se concentrer sur sa culture de collaboration, de transparence, de participation et de méritocratie. « En fait, j’espère que nous aiderons à diffuser cette culture à l’ensemble d’IBM. Ensemble nous le pouvons », a-t-il conclu.