À l’heure où Microsoft se remet en question jusque dans ses fondements pour ne pas manquer le train du cloud, nous avons voulu savoir ce que les partenaires pensaient de sa stratégie en la matière.

 

A écouter les partenaires, l’offre hébergée de Microsoft, connue sous le nom de BPOS ou Online Services, est en apparence une réussite. Réussite technique, mais aussi réussite commerciale et même réussite stratégique. Ainsi, après moins de deux ans d’exploitation (18 mois en France), le service n’aurait connu que quelques heures d’indisponibilité et compterait déjà des millions d’utilisateurs.

Mieux, alors que les abonnements sont facturés directement par Microsoft, l’éditeur revendique déjà plus de 14.000 partenaires relayant son offre (dont 500 en France). De fait, ceux que nous avons interrogés voient de nombreux avantages dans BPOS. « Complètement transparente pour les utilisateurs, l’offre hébergée de Microsoft a le mérite de rassurer à la fois le client, qui apprécie de se reposer sur le label Microsoft, et le partenaire, qui externalise une part de risque et gagne ainsi en sérénité », témoigne Remy Charrin, dg du partenaire Microsoft Online Services Proxitec. « BPOS nous a même permis de gagner des clients de plus grande taille ».

Le cloud ne remet pas en cause le rôle du revendeur


Un enthousiasme que partage Didier Comet, directeur des services de Scriba, qui va même jusqu’à prêter à BPOS des effets positifs sur son business traditionnel. « Avec les économies réalisées sur leur projet de services hébergés, les clients sont enclins à investir dans des infrastructures plus robustes et plus sécurisées pour faire tourner leurs applications cœur de métier », analyse-t-il. Pour lui, si le cloud implique une évolution du métier de revendeur il ne le remet pas en cause. « Tout ne va pas basculer dans le cloud. On continuera de placer des infrastructures complexes là où ce sera nécessaire », précise-t-il.

Mais s’ils se gardent de trop l’afficher, beaucoup font de la résistance. D’abord, ils n’apprécient pas d’être réduits au rôle d’apporteur d’affaires. Une politique qui pose deux problèmes. « En perdant notre rapport de facturation avec les clients, nous prenons le risque de perdre nos clients tout court, confie l’un des principaux partenaires Microsoft Online. C’est trop dangereux pour nous. Microsoft devra faire marche arrière sur ce point en nous offrant la possibilité de facturer nous-mêmes ».

Une rémunération insuffisante pour assurer la viabilité du modèle pour les partenaires


Le second problème concerne la rémunération. Certes, Microsoft leur concède royalement 6% des sommes facturées pendant la durée des contrats (18% la première année). Mais tous les partenaires s’accordent à dire que cette commission forfaitaire ne suffit pas à leur assurer un revenu suffisant. « Le modèle proposé par Microsoft n’est viable qu’à condition de construire une offre de services cohérente autour de BPOS », témoigne Didier Comet.

« On confond souvent externalisation et cloud, poursuit ce dernier. Or le cloud n’est qu’un service permettant d’alléger ses investissements dans les infrastructures et dans leur exploitation. Il  faut encore gérer administrativement et techniquement ce service. Il faut administrer le portail qui sert d’interface avec Microsoft, créer et paramétrer les profils utilisateurs, générer des mots de passe… Autant d’actions qui impliquent des interventions humaines ». Ce sont ces interventions que les partenaires proposent à leurs clients de réaliser.

Un modèle qui suppose le recrutement de nouveaux profils


La liste des services possibles et imaginables est large : accompagnement fonctionnel donc mais aussi assistance à la maîtrise d’ouvrage, migration, accompagnement au changement, formation… « Alors que sur les projets classiques, les clients n’ont que rarement les budgets pour la formation et la conduite au changement, relève Didier Comet, dans le cas de projets de services hébergés, où l’investissement initial est faible, ils se laissent plus facilement convaincre. Or ces actions de formation ont-elles-mêmes un impact non négligeable sur la productivité des utilisateurs et donc sur les coûts de possession ».

Reste que ces nouveaux services supposent de nouveaux profils. Dans le modèle services hébergés, les techniciens traditionnels, formés à déployer des plates-formes et à les exploiter, n’ont plus leur place. « Nous avons été obligés de constituer une structure orientée projets constituée de  chefs de projets, des développeurs, des consultants, confie un partenaire. Des profils que nous n’aurions même pas songé à recruter il y a cinq ans. Même les commerciaux sont menacés tant le modèle cloud exclut la notion de matériel ». Le cloud risque donc d’entraîner de réels bouleversements au sein des effectifs des partenaires.

Affolement général chez Microsoft


Mais plus que les partenaires, ce sont les propres équipes de Microsoft qui semblent le plus affectées par l’avènement du cloud. « C’est l’affolement général en interne, témoigne un partenaire. Le cloud est devenue l’unique priorité en fonction de laquelle tous les objectifs ont été revus et toutes les volontés sont tendues au risque de mettre en difficulté l’ensemble de l’organisation. De fait, l’éditeur s’est engagé dans la voie du cloud de manière précipitée et avec une offre inachevée. Les millions d’utilisateurs online qu’il revendique sont en fait presqu’exclusivement sur Exchange et ont été conquis à coups de fortes remises. Microsoft doit transformer l’essai en sortant enfin une offre de Web Apps complète qui reprenne les fonctions essentielles de sa suite Office. Une offre promise initialement pour mars 2011 mais qui semble prendre du retard. »

 

Cela dit, les partenaires reconnaissent être impressionnés par les moyens mis en oeuvre par Microsoft sur le cloud et la rapidité de sa progression. «  On note une grande maturité de nos interlocuteurs, et ce à tous les niveaux : commercial, avant-vente, marketing et support, témoigne l’un d’eux. Objectivement, ils mettent les moyens ». « Ils sont en train de retourner les grands partenaires qui avaient un temps cédé aux sirènes de Google », constate un autre. Bref, si Microsoft n’a pas encore totalement convaincu, il n’en demeure pas moins qu’il est sur la bonne voie.