Selon une étude menée par Cybersecurity Venture, le secteur de la cybersécurité peine à recruter 3,5 millions de professionnel.le.s dans le monde cette année, dont 142.000 en Europe. Ce déficit devrait plus que doubler en 2022. Dans un tel contexte de pénurie des talents, pourquoi le secteur de la cybersécurité ne parvient-il pas à attirer plus de femmes ? Manon Van Der Mey Perdigal, responsable des Ressources Humaines chez SEKOIA.IO, propose des réponses.

Channelnews : On a l’impression d’assister à un changement dans les mentalités et que la proportion de femmes augmente dans la cybersécurité. Est-ce le cas ?

Manon Van Der Mey Perdigal : Non. En France, la proportion de femmes dans l’IT baisse, et tout particulièrement dans le domaine de la cybersécurité. En 1982, 35% des emplois d’informaticiens en France étaient occupés par des femmes. Elles ne sont plus que 27% aujourd’hui, et seulement 11% dans la cybersécurité. Le Cercle des femmes de la cybersécurité (CEFCYS) estime que, sur les 6.000 postes ouverts cette année, seuls 1.000 ont été pourvus.

Cela fait des décennies que les femmes dans la cybersécurité manquent de visibilité. On a peu entendu parler de Grace Murray Hopper, à l’origine du langage Cobol, ou encore de Karen Spärck Jones, chercheuse pionnière en matière d’Intelligence Artificielle… Globalement, c’est le manque de notoriété et de communication autour de portraits de femmes qui ont réussi à se distinguer dans ce monde cyber qui pêche.

Channelnews : En quoi féminiser le secteur de la cybersécurité vous semble important ?

Manon Van Der Mey Perdigal : Outre un devoir d’éthique, la mixité au travail permet notamment de diminuer le turnover au sein d’une entreprise, réduisant ainsi les coûts liés au recrutement, et d’amener une diversité de perspectives. L’image de l’entreprise gagne également en qualité auprès des clients et des consommateurs, procurant un avantage concurrentiel indéniable. Selon une enquête de consommation menée par le Crédoc, « 4 consommateurs sur 5 [se disent] prêts à défendre la parité par leur consommation » et « 8 personnes sur 10 sont prêtes à acheter des produits fabriqués par des entreprises soucieuses des droits des femmes ».

Channelnews : Alors, comment inverser la tendance ?

Manon Van Der Mey Perdigal : L’éducation est fondamentale. Dès le collège, avec les premières orientations en classe de troisième, les premiers stéréotypes apparaissent. Une fois les idées préconstruites, elles se perpétuent. Il faut en finir avec les stéréotypes de genre des métiers qui brident l’idée même de postuler à certaines professions. C’est pourquoi les initiatives se multiplient en matière de formation : initiation au code, ateliers Girls Can Code, espaces de discussions dédiés aux femmes du métier… En 2020, l’association CEFCYS a publié un Guide des métiers, formations et opportunités dans la cybersécurité et organisé les premiers Trophées de la Femme Cyber.

Des lois ont également été mises en place : loi Roudy de 1983 sur l’égalité professionnelle hommes/femmes dans l’entreprise, loi Copé-Zimmermann de 2011 sur la promotion de la mixité dans les conseils d’administration, ou encore loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (LOI n°2018-771) instaurant la publication annuelle d’un index de l’égalité professionnelle pour toutes les entreprises d’au moins cinquante salariés.

Au-delà de respecter les lois en vigueur, les entreprises peuvent prendre le parti d’opter pour une discrimination positive assumée et opter, par exemple, de promouvoir les femmes dans l’IT à des postes de direction (Comex, CoDir…) pour les rendre plus visibles.