Plus personne ne peut l’ignorer, les pénuries de semi-conducteurs affectent plus ou moins durement les approvisionnements de matériels informatiques. Les fabricants commencent à le déplorer dans leurs résultats trimestriels. Il est donc logique qu’en bout de chaîne, les acteurs de la distribution et des services du numérique en subissent eux aussi les répercussions. Avec quelles conséquences ? Pour le savoir, nous avons posé la question à une vingtaine d’entre eux.

Qui est concerné ?

Quasiment tous les intervenants que nous avons interrogés, qu’ils soient plutôt orientés postes de travail, infrastructures, télécoms, impression, vidéosurveillance… ont reconnu des problèmes d’approvisionnement se traduisant par un allongement de leurs délais de livraison.

Quels sont les produits concernés ?

Bien évidemment, seuls les matériels sont concernés. Côté espaces de travail, ce sont les PC portables et les casques audio – développement du télétravail oblige – qui sont le plus affectés. Mais de fortes tensions se manifestent également sur les produits d’impression, la téléphonie, les équipements de vidéosurveillance.

Côté infrastructures, ce sont surtout les équipements réseaux qui manquent : routeurs, bornes wifi, commutateurs SAN… Et dans une moindre mesure, les serveurs. La plupart des fournisseurs sont concernés. Lors d’un entretien réalisé sur IT Partners le 29 septembre dernier, Yves Pellemans, directeur d’Axians, reconnaissait ainsi des tensions chez Cisco, chez Palo Alto, chez Riverbed, chez HP et chez Dell.

Fabrice Tusseau, président d’Apixit, estime en revanche que les appliances sont moins touchées. De même, les solutions de cybersécurité sont plutôt moins impactées que la moyenne car bon nombre de technologies (notamment chez Fortinet, Netskope, Crowdstrike…) sont déjà passées dans le Cloud, comme le souligne Omer Shala, président-fondateur de l’intégrateur spécialisé Newlode.

Quels sont les délais ?

Les délais sont passés en moyenne à quatre mois de plus que les délais standards, soit six mois au lieu de deux. Cela peut aller jusqu’à 40 semaines sur certains composants, précise Emmanuel Herbreteau directeur commercial du constructeur de PC 2CRSI. Gilles Perrot, directeur général délégué de Koesio parle lui de délais s’étalant de 6 à 9 mois.

Avec quelles conséquences sur l’activité ?

D’une manière générale, les retards de livraison se traduisent par des retards dans les projets et donc dans les facturations. Cela entraîne donc des décalages de chiffre d’affaires et potentiellement des annulations de projets. Julien Neyrial, PDG de Neyrial Informatique estime qu’il aura ainsi laisser filer environ 10% de son chiffre d’affaires sur son exercice 2021.

Le dynamisme de l’activité fait que les conséquences de ces décalages ne sont pas trop pénalisantes pour la plupart des prestataires. Certains y voient même des avantages : « pour la première fois dans cette industrie on a de la visibilité. On est à peu près sûr que 2022 sera bon, parce que les projets que l’on prend actuellement en commande, on va les exécuter sur 2022 », expose Gilles Perrot de Koesio.

Mais selon Delphine Cuynet, directrice générale de la fédération Eben, un certain nombre d’adhérents commencent à ressentir les effets de ces décalages de facturation sur leur trésorerie. Pour William Binet, PDG de Voip Telecom, ces problèmes d’approvisionnement entraînent des surcoûts en obligeant les équipes à réunir des cellules de crise pour suivre les chantiers à la journée, appeler les fournisseurs, mettre en place des matériels provisoires, etc. Pour Dave Lecomte, directeur associé de VFLIT (Vous Faciliter L’IT), cela déstructure le planning de production et impacte la qualité.

Mais si ça pénalise le chiffre d’affaires, plusieurs prestataires estiment qu’ils ne perdent pas pour autant des affaires dans la mesure où tous les prestataires sont logés à la même enseigne. Le risque cependant est que les clients finissent par geler leurs investissements si les pénuries s’éternisent, craint Olivier Marty, directeur général d’Absys Informatique.

Combien de temps cela va durer ?

Difficile de savoir combien de temps cette situation va durer. Certains fabricants n’évoquent pas de retour à la normale avant le deuxième semestre 2022. Lieven Bergmans, directeur général de Computacenter France estime que le pire est derrière mais que le l’écart entre les commandes et les livraisons va mettre du temps à se résorber. William Binet veut croire pour sa part que la situation commence à se décanter. Il en veut pour preuve que les fabricants recommencent à donner des dates d’approvisionnement.

Comment les prestataires se sont adaptés à la situation ?

Pour Omer Shala de Newlode, la pénurie de composants a accéléré la transformation vers le Cloud. « On ne peut plus installer d’équipements donc on conseille aux clients d’acheter du SaaS. Et en tant que prestataire, on a eu tendance à privilégier les marques ayant un modèle économique souscriptif ». Antoine Watissee, directeur général d’Interdata, explique que ses équipes privilégient actuellement les architectures sous forme de services, de type machine virtuelle ou cloud, afin de livrer plus vite. « On a aussi proposé à nos clients de faire un meilleur usage de leurs anciens équipements quand c’était possible en les remettant en circulation ». Une politique de surcroit positive pour le RSE.