AWS a annoncé juste avant les fêtes l’ouverture officielle de sa région France incluant trois « zones de disponibilité ». Nous relayons les premières réactions de quelques partenaires et membres de l’écosystème AWS France ayant accepté de témoigner.

Ont participé à cette interview croisée (dans l’ordre d’apparition sur la photo en commençant par la gauche) :

Benoit Derouet, directeur technique associé de Neotys, l’éditeur de plateforme de test de performance NeoLoad ;

Yann Cohen-Addad, co-fondateur et directeur opérationnel d’Anyway Solution, intégrateur spécialisé dans la performance IT ;

Alexis Dagues, directeur général associé de Corexpert, pure player AWS, filiale du groupe TeamWork.

Channelnews : AWS n’a pas dévoilé l’emplacement exact de ses implantations en région parisienne mais les analystes estiment que AWS s’appuie sur des datacenters en colocation, probablement ceux d’Equinix et Interxion. Pourquoi ce choix, selon vous ? 

Benoit Derouet : Je suppose pour des raisons de coût et de délai de mise a disposition des services.

Alexis Dagues : Il n’y a aucune confirmation de la part de AWS sur l’emplacement foncier des DataCenters physiques. Mais à la limite peu importe, ce qui compte, c’est que AWS garantisse en France le même niveau de sécurité, de disponibilité et de certifications de ses infrastructures que dans les autres régions.

Yann Cohen-Addad : AWS est orienté clients et efficacité. En optant pour la colocation plutôt que de monter ses propres datacenters, AWS a fait le choix d’aller vite. Mais on sait qu’au final, ils amèneront le même niveau de services que dans les autres régions.

Channelnews : Qu’est-ce que la mise à disposition de ces « zones de disponibilité » change par rapport aux infrastructures dont disposait déjà AWS en France ?

Benoit Derouet : Cela ouvre la partie IaaS qui était absente de l’offre en France, notamment les services EC2 et dynamoDB.

Alexis Dagues : Il ne faut pas confondre les points de connexion CloudFront, seul service dont nous disposions jusqu’à présent en France et les points de présence Direct Connect que propose aujourd’hui AWS. Les premiers – il y en a une centaine dans le monde dont trois à Paris et deux à Marseille – sont des services CDN (Content Delivery Network) permettant le stockage et la distribution de fichiers statiques au plus proche des utilisateurs (très utilisé dans le web, les médias, l’industrie de la vidéo…). Les seconds sont des clusters de datacenter (ou zones de disponibilité) qui permettent aux clients AWS d’interconnecter leur datacenter on-prem vers un VPC (virtual private cloud) de leur compte AWS.

L’ouverture de la région Paris avec ses trois zones de disponibilités interconnectées entre elles apporte tous les services essentiels au déploiement complet d’une architecture sur AWS : le calcul avec le service EC2, permettant de démarrer des serveurs Linux et Windows ; le stockage S3 ; la redondance et la réplication…

Yann Cohen-Addad : La différence est majeure. Avant, nous n’avions accès qu’à un service de CDN, qui permettait de réduire la latence pour accéder au Cloud AWS. Aujourd’hui on parle de la mise en place de sa plateforme en France, qui va lui permettre à terme d’amener tous ses services sur le territoire français.

Channelnews : Certains analystes pointent l’absence de plusieurs services tels que les serveurs bare-metal, VMware on AWS, le stockage EFS, la base en graphe Neptune, les conteneurs orchestrés par Kubernetes, les services de productivité, les services IoT… Pourquoi ces absences, selon vous ? N’est-ce pas handicapant pour votre activité ?

Benoit Derouet : Effectivement la région Paris ne dispose pas de tous les services AWS, mais Amazon est coutumier du fait. Les zones n’ont pas toutes les mêmes services, et il est aussi fréquent que la version des services soit différente d’une région à l’autre. Je suppose que si tous les services ne sont pas disponibles, c’est certainement pour des raisons de mise a disposition plus rapide de l’offre. Je suppose que les autres services seront mis à disposition dans les mois qui viennent. Cela n’est pas directement handicapant pour la zone Paris, les services principaux que nous utilisons sont bien présents (EC2, ECS, CloudFormation). Pour les autres, comme ceux dédiés au développeurs (CodeStar, CodeCommit …) nous allons continuer à les utiliser dans d’autres régions.

Alexis Dagues : avant que des services soient déployés à grande échelle, ils sont toujours déployés dans des régions « pilotes ». On peut ainsi rappeler que les conteneurs gérés par AWS (Amazon EKS) ainsi que la base en graphe Neptune n’ont été annoncés qu’au Re:Invent à Las Vegas fin novembre et sont en version préliminaire avec accès restreint. Si bien qu’aucune région n’a ces services à l’heure où je vous écris… À terme, nous attendons l’ouverture d’un plus grand panel de services en France, notamment Lambda et IoT.

Leur absence n’est aucunement handicapante, la parfaite cohérence entre les régions AWS permettant de préparer des infrastructures dans n’importe quelle région AWS, et de les répliquer en rejouant un script dans une seconde région.

Channelnews : Pensez-vous que ces zones de disponibilité vont répondre aux attentes des clients assujettis à des contraintes de localisation des données ?

Benoit Derouet : Localisation de données et proximité des clients sont les principales raisons pour utiliser une région plutôt qu’une autre.

Alexis Dagues : Même si peu de clients sont réellement contraints d’héberger en France, nous avons tout de même plusieurs clients qui attendaient l’ouverture pour lancer leurs projets de migration et d’hybridation Cloud, que ce soit dans le secteur public, les assurances ou l’industrie.

Channelnews : Au final, pensez-vous ces implantations locales vont être de nature à accélérer le business d’AWS en France et par extension le vôtre ?

Benoit Derouet : Cela va certainement accélérer le business d’AWS en France. En ce qui nous concerne, cela ne sera pas significatif, nous utilisons d’autres services pour les besoins Français. Maintenant, nous auront le choix, et nous pourront laisser le choix à nos clients.

Alexis Dagues : Certainement, nous savons que l’ouverture de cette région est un signal fort pour les clients, au même titre que Francfort pour le marché allemand. Il est évident que de nombreux freins, parfois psychologiques sont levés, et que la compliance RGPD annoncée de AWS pour le 25 mai 2018 va dans le sens attendu par le marché.

Yann Cohen-Addad : AWS représente encore une petite partie de notre activité services mais nous avons l’ambition de faire monter cette part à 30 ou 40% de notre activité totale d’ici trois à quatre ans. Il y a deux ans, avant d’entamer notre partenariat avec AWS, nous étions prêts à investir dans notre propre datacenter. Retrospectivement, on réalise qu’on aurait fait une grosse bêtise. Leurs standards sont d’un niveau tellement élevé que nous n’aurions jamais pu lutter.

 

Précisions sur les conditions de cette interview : ces trois témoignages ont été recueillis séparément. Alexis Dagues et Benoit Derouet nous ont fait parvenir leurs réponses par écrit et Yann Cohen-Addad nous a accordé un entretien téléphonique qui s’est tenu la dernière semaine de décembre.