Il n’aura pas fallu deux mois au fonds d’investissement Ten Oaks qui a racheté Scansource Europe en novembre dernier pour stopper l’ensemble des opérations du grossiste et enclencher les procédures de licenciement de ses quelque 300 salariés. Les 38 salariés français viennent ainsi d’être informés (par oral) d’un projet de licenciement économique collectif touchant l’ensemble de l’effectif. Des procédures comparables affectent les équipes de Bruxelles (Belgique), où se trouve le siège européen, et de Reading en Grande-Bretagne. Et les salariés français viennent d’apprendre en parallèle que le bail de leurs bureaux de Trappes a été clôturé et leurs affaires déménagées pendant la trêve des confiseurs.

Spécialisé dans la distribution de solutions point de vente, code-barre et communication unifiées, de systèmes audiovisuels et d’infrastructures réseaux ScanSource Europe avait été mis en vente dès l’été 2019 par sa maison mère qui souhaitait se recentrer sur ses activités de ventes de matériels aux USA et sur ses activités de ventes de logiciels et de services cloud. De fait, pesant 500 millions de dollars chiffre d’affaires annuel (dont environ 10% réalisés en France), la branche européenne représentait une source récurrente de pertes pour Scansource et sa situation ne cessait de s’aggraver, selon un bon connaisseur de l’entreprise. Certes, les marchés sur lesquels l’entreprise est positionnée, sont porteurs, et ses marques (Zebra, Honeywell, Poly, Barco, LifeSize…) prestigieuses. Mais une gestion semble-t-il trop centralisée et bureaucratique, inadaptée aux réalités européennes, ainsi qu’un manque d’investissements, notamment pour adapter le modèle au Cloud et à la vente en ligne, peuvent expliquer ces difficultés.

À l’époque, le CEO, Mike Baur, s’était montré rassurant en précisant que Scansource ne s’était pas fixé de délai pour vendre son activité européenne. « Nous avons dit à nos investisseurs et à notre personnel que le meilleur acheteur serait celui qui respecte nos salariés ». De fait, Scansource a pris son temps au départ. Un acquéreur s’est présenté mais la transaction n’a pas abouti. Puis la crise sanitaire est arrivée et les choses se sont précipitées. Fin juillet, à l’occasion de la publication des résultats de son quatrième trimestre fiscal, Scansource a dû admettre que ses ventes avaient subi un ralentissement supérieur à 20% et a dû se résoudre à supprimer 200 emplois aux USA et au Brésil. Du coup, faute de candidats, le grossiste a fini par brader son activité européenne pour 30 millions de dollars à Ten Oaks, alors qu’elle était valorisée au moins dix fois plus initialement.

Lors du rachat, ce dernier avait laissé penser qu’il investissait à long terme dans l’entreprise en reconduisant le management déjà en place, notamment son président, le Néerlandais Maurice van Rijn, qu’il avait chargé d’élaborer une nouvelle stratégie commerciale après une période de transition. Mais certains soulignent le caractère sulfureux de Ten Oaks, qui s’est spécialisé dans le rachat d’entreprises en difficulté dont il revend les actifs par appartement. Et de se demander si Ten Oaks n’avait pas l’intention dès le départ de démanteler l’entreprise.

Toujours est-il que les salariés n’ont reçu aucune explication quant à cet arrêt brusque d’activité, pas plus que les clients et les fournisseurs, qui n’en ont été notifiés qu’oralement au fil de l’eau au cours des derniers jours. Les salariés français ont été informés qu’ils recevraient leur lettre de licenciement aux alentours du 18 février. Depuis la fin de la semaine dernière, l’activité est totalement à l’arrêt.