Microsoft chercherait à faire basculer les organismes de recherche scientifique vers l’open source ? La question peut paraître incongrue et l’est certainement. Toujours est-il que la firme de Redmond a décidé l’an dernier de multiplier par 10 le prix des licences accordées au CERN. En effet, le laboratoire européen de recherche sur la physique des particules – connu pour son accélérateur – bénéficiait jusqu’alors de la tarification réduite accordée aux instituts de recherche publics, un avantage que Microsoft a décidé de révoquer, mettant le CERN, de même que d’autres organismes de recherche, au même niveau qu’une entreprise.

Anticipant cette augmentation, le centre de recherche a lancé l’année dernière le projet Malt (Microsoft Alternatives) qui vise, comme son nom le laisse entendre, à remplacer les logiciels de l’éditeur par des solutions open source.

« Le CERN a bénéficié de conditions spéciales au cours des vingt dernières années pour l’utilisation des produits de ce fournisseur, le laboratoire étant catégorisé jusqu’alors comme institut de formation. Cependant, la société Microsoft a pris récemment la décision de révoquer le statut académique du CERN. Cette mesure a pris effet en mars 2019 à la fin du précédent contrat, avec pour conséquence que tout nouveau contrat sera dorénavant basé sur le nombre d’utilisateurs de licences, multipliant ainsi les prix de revient des licences par dix. Bien que le CERN ait négocié une augmentation graduelle de ces coûts sur dix ans, afin de se donner le temps nécessaire pour s’adapter, ces coûts ne sont pas soutenables », explique dans un communiqué Emmanuel Ormancey, en charge du projet.

Le basculement progressif est facilité par l’expérience du CERN en matière d’open source. On lui doit en effet le co-développement de Scientific Linux, une distribution Linux Open Source basée sur Red Hat Enterprise Linux. Et depuis le mois d’avril, il participe à Centos, une distribution GNU/Linux principalement destinée aux serveurs.

Dans un premier temps, le principal changement à venir concerne le service des courriels. Un service pilote va être mis en place. Tous les salariés du département IT ainsi que des volontaires basculeront sur ce service cet été. La migration sera ensuite étendue à l’ensemble du CERN. En parallèle, certains utilisateurs de Skype for Business et de téléphones analogiques migreront vers un service de logiciel téléphonique pilote maison.

Le basculement ne devrait toutefois pas s’arrêter à la messagerie et aux communications unifiées. « De nombreux autres produits et services sont à l’étude : des évaluations de solutions alternatives pour divers logiciels utilisés pour des services informatiques essentiels sont réalisées, des prototypes sont développés, et d’autres pilotes feront leur apparition au cours des prochaines années », prévient Emmanuel Ormancey.