Le PDG du groupe LDLC revient pour Channelnews sur l’envolée du cours de bourse, sur la croissance explosive qu’il a enregistrée ces derniers mois, sur les pénuries qui se font sentir sur cette fin d’année et sur la mise en place imminente de la semaine des quatre jours pour l’ensemble des collaborateurs de LDLC.

Channelnews : Vous avez regretté, lors de la conférence analystes que vous avez organisée à l’occasion de la publication de vos résultats semestriels, la sous-valorisation de votre cours de bourse qui ne refléterait pas suffisamment le modèle économique de l’entreprise. Qu’avez-vous voulu dire par là sachant que la capitalisation de LDLC a plus que quadruplé en un an (+350%) ? Vous ne pensez pas que c’est déjà performance exceptionnelle ?

Laurent de la Clergerie : Il est certain que ceux qui ont investi dans LDLC il y a un an ont fait une excellente affaire. Mais il faut se rappeler qu’il y a [quatre] ans, le cours de l’action était monté à près de 40 € [contre environ 45 € ces derniers jours] avant d’être entraîné par les difficultés liées au rachat de Materiel.net et par une dette jugée trop importante. Cette hausse doit donc être vue comme un retour à la normale plutôt que comme la conséquence de résultats exceptionnels. Ce que nous avons voulu signifier en déclarant que le cours ne reflétait pas assez le modèle économique de l’entreprise, c’est que les analystes ont tendance à nous assimiler à un retailer [une enseigne de grande distribution] et non pas à l’enseigne de e-commerce que nous sommes. Si on appliquait les mêmes ratios à notre cours de bourse que ceux appliqués aux enseignes de e-commerce européennes telles Zoot ou Zalando, notre action vaudrait non pas 45 € mais 150 €.

Channelnews : LDLC, comme l’ensemble du e-commerce, a plutôt tiré bénéfice du confinement qui a eu un effet accélérateur sur les ventes. Mais ce phénomène ne risque-t-il pas de s’essouffler dès que les magasins retravailleront normalement, mettant un coup d’arrêt à la croissance ?

Laurent de la Clergerie : Il est incontestable que le Covid a donné un coup d’accélérateur à l’activité et que les chiffres 2020 ont été encore meilleurs qu’attendu [pour rappel, le chiffre d’affaires a progressé de 41,6% au premier semestre à 314,3 M€]. Mais je n’ai aucun doute sur le fait que 2021 sera aussi une bonne année. Bien-sûr, certains mois de 2020 ayant été particulièrement explosifs (notamment avril), on sera probablement en retrait sur les mêmes périodes de 2021. Mais le résultat final sera positif. Nous avons gagné énormément de nouveaux clients pendant le confinement – leur nombre a doublé – et la demande continue d’être très forte. Au point de surpasser l’offre sur certains produits actuellement. Les Français ont mis de l’argent de côté pendant la crise. Les achats qu’ils ne pourront pas faire ces jours-ci se reporteront plus tard dans l’année, contribuant à soutenir les ventes.

Channelnews : Quels produits sont concernés par les pénuries que vous mentionnez ? Est-ce que cela ne risque pas, là encore, de pénaliser votre croissance ?

Laurent de la Clergerie : Actuellement, il n’y a plus d’iPhone, plus de cartes graphiques, plus de Playstation. Les PC portables aussi sont concernés. Tous les produits très demandés à Noël en somme. Non, nous ne sommes pas impactés car nous avons l’avantage de beaucoup stocker. Nous disposons d’environ deux mois de stocks. On fera donc un bon Noël même s’il ne sera pas aussi exceptionnel qu’il aurait pu l’être si la production avait été à la hauteur de la demande.

Channelnews : comment les boutiques ont traversé les deux confinements. On a vu que les ventes B2C se sont envolées mais les boutiques sont restées fermées tout le premier confinement.

Laurent de la Clergerie : En effet, nous avons pris la décision de fermer les boutiques bien qu’elles soient catégorisées commerce prioritaire car il n’y avait plus aucun trafic. Pour les aider à passer le cap, on a reporté les échéances sur leurs achats à 30 jours après le confinement on les a exonéré de commission sur le chiffre d’affaires jusqu’à fin juin – initiative que nous avons renouvelée au deuxième confinement jusqu’à fin décembre. Heureusement, après la fin du premier confinement, elles ont pu progressivement rattraper le chiffre d’affaires perdu. Aujourd’hui, alors qu’elles sont restées ouvertes sur le second confinement, elles sont globalement en croissance et n’ont pas eu à subir de dégât majeur. Néanmoins deux boutiques [sur la cinquantaine que compte le réseau] n’ont pas réouvert : la boutique du Mans, qui était déjà en difficultés avant et pour laquelle le confinement a été le coup de grâce, et l’une des deux boutiques de Rennes, le franchisé ayant constaté que son chiffre d’affaires s’était reporté sur la première boutique.

Channelnews : Autant l’activité grand public a vu sa croissance s’envoler au premier semestre, autant l’activité B2B a fait du sur-place.

Laurent de la Clergerie : Oui, mais cette quasi-stabilité cache en réalité deux trimestres très contrastés. Lors du premier confinement, l’activité pro s’est presque arrêtée, enregistrant un recul de 30 à 40% sur le trimestre. Puis, comme pour les boutiques, il y a eu un rattrapage derrière qui a effacé la décroissance. Sur ce deuxième confinement, les professionnels ont continué de commander normalement et la tendance est restée bonne.

Channelnews : Cet été, vous avez défrayé la chronique en annonçant la semaine de quatre jours sans perte de salaire. Pourquoi cette mesure, quel est son coût, où en êtes-vous de sa mise en place et quelles sont les éventuelles difficultés que vous rencontrez pour la mettre en œuvre ?

Laurent de la Clergerie : J’ai eu connaissance d’une expérience semblable conduite par Microsoft Japon qui avait abouti à une augmentation de 40% de la productivité. Ma conviction personnelle, c’est que cela va contribuer à accroître le bien-être des collaborateurs et renforcer notre marque employeur ainsi que notre image de marque. Sur le papier, cette mesure va impacter le résultat de 1 M€, correspondant aux trente embauches qu’elle nécessite [sur les quelque 800 personnes concernées dans un premier temps]. Sa mise en œuvre effective était prévue pour le 1er janvier. En pratique, ce sera plutôt autour du 18-20. Le temps de terminer les procédures légales et les embauches. À propos des embauches, nous en avions anticipé une partie qui nous ont permis d’affronter sereinement le surcroît d’activité de la période des fêtes. L’une des difficultés que nous avons rencontrées a été de faire passer tout le monde aux 32h00 sans pertes de droits ni avantages. Il a fallu pour cela généraliser le travail partiel. Il y a aussi eu la question de la répartition des jours dans la semaine. Pour que cela marche, tout le monde ne peut pas prendre le vendredi. Mais finalement, grâce à des roulements, 60% des salariés bénéficieront de week-ends de trois jours.