Le débat sur la loi sur le renseignement a débuté le lundi 13 avril au Palais Bourbon. Elle marquera un tournant dans la lutte antiterroriste et la surveillance d’internet. Mais les débats promettent d’être animés

Diffusée en direct, en continu, à la fois sur la chaîne parlementaire, sur BFM et Itélé, la discussion sur cette loi est devenue l’évènement de tous les journaux du soir. Elle s’annonce passionnante car il est finalement assez rare de discuter, même au Palais Bourbon, de la nature même dont l’état peut exercer son pouvoir face aux nouveaux moyens de communications utilisés par les citoyens et par les étrangers. La loi va être sûrement emblématique de l’année 2015. Déjà considérée comme le symbole de la lutte des pouvoirs publics pour réduire les risques d’attentats, elle vise entre autres, l’influence des organisations criminelles sur internet.

Le projet de loi a été introduit et immédiatement défendu par le Premier Ministre, Manuel Valls, qui paraît encore très marqué, dans ses formulations, par son passage au ministère de l’intérieur. Pour la plupart des observateurs, il est sûr, quoi qu’on en dise, de voir cette loi adoptée, même amendée, par une large majorité, tant le consensus entre les deux grands partis est majoritaire. Le débat sera t-il réel, malgré des semblants d’oppositions ? Durant deux journées, la bataille des amendements sera l’objet de discussions acharnées.

Eclaircir les zones d’ombres

Pour Manuel Valls, le texte n’est peut être pas tout à fait poli. Si l’on se pose la question de savoir comme le font certains opposants :«Toutes les libertés seront-elles préservées ?» Tous les risques reposeront dans les décrets d’applications . »Les moyens de surveillance régaliens seront strictement délimités, selon le premier ministre, pour anticiper, détecter et prévenir les menaces ». Manuel Valls rappelait bien sûr, en introduction, le contexte des attaques contre Charlie Hebdo et plus récemment contre TV5 Monde. : « Il y a une menace globale à laquelle nous devons faire face (…) Cette agression est emblématique d’une cyber menace ». Face à une opposition qui reproche à cette loi d’autoriser une surveillance généralisée digne du livre d’Orwell,  le fameux 1984, le Premier Ministre montrait les garde-fous, un rempart de commissions qui devrait éviter l’état policier que beaucoup craignent. « Nous n’esquiverons pas le débat » a dit Manuel Valls . Il en profitait pour repousser toute comparaison avec le Patriot Act, la loi liberticide américaine qui permet à l’état US, en particulier, de visiter tous les sites informatiques sans avoir à se justifier. Dire qu’elles se ressemblent serait « une affirmation mensongère. » Serait-ce une «loi dangereuse» ? C’est «Une contre-vérité» s’acharnait-il , un peu théâtral.« Les services du renseignement ne seront pas autorisés à surveiller les actions licites d’une cause ». L’avis du Conseil d’état, la CNIL, la CNCIS ou la commission du secret de défense nationale seront toujours pris en compte.

Pour le Premier Ministre, la surveillance sera ciblée uniquement sur les comportements menaçants, le système mis en place s’interdit toute possibilité de filtrage des contenus. Les services du renseignement ne font et ne feront pas d’écoutes en dehors du cadre législatif. « Il n’y a aucune surveillance de masse des français».

« Il est toujours étonnant de voir un certain nombre de critiques venir, parfois un peu tard, critiquer le caractère liberticide de ce texte. Tout ça, ce sont des fantasmes, des critiques excessives et absurdes » Dans un amendement initié par le gouvernement, il est également précisé que les magistrats, avocats et journalistes bénéficieront d’un statut particulier et protecteur face à la surveillance et aux éventuelles écoutes comme le réclamaient certains groupes.

L’intervention des autres membres de l’assemblée

Jean Jacques Urvoa, le rapporteur et le rédacteur de cette loi, a cité Foch pour légitimer ce que chacun peut interpréter comme une vaste « chape de plomb » imposée à la population. « A la guerre, on fait ce qu’on peut avec ce que l’on sait, et pour faire beaucoup, il faut savoir beaucoup.»

Première femme à intervenir, la député Patricia Adam, Présidente de la commission de la Défense nationale et des forces armées, rappelait que les bases de ce projet avaient été préparées bien avant les attentats de janvier 2015 et qu’elles étaient dans la logique de la loi sur la programmation militaire de novembre passé. « Ce n’est pas une réponse à l’attaque du 7 janvier mais une mise à jour des activités du renseignement, dont la dernière était vieille de 25 ans ».

La motion signée par Christian Jacob, le président du groupe UMP, était présentée par le député Eric Ciotti. « La guerre contre le terrorisme exige l’unité nationale en soutenant de façon très majoritaire ce projet de loi que personnellement je voterai ». Ciotti rappelait les valses hésitations du PS après l’affaire Merah à Toulouse, le groupe PS s’étant opposé à l’époque au texte très sécuritaire proposé par Nicolas Sarkozy et souligne que:« ce projet de loi est, quand même, le troisième présenté par le PS. »

De retour à la chaire du Palais Bourbon, Manuel Valls critique vertement la motion de censure de la droite et s’adressant à Eric Ciotti, lui demande : « pourquoi proposer une telle motion si finalement, il votait la loi.»

Bruno Le Maire (UMP) assez pragmatique ajoutait : « Pouvons-nous encore compléter ce texte ? Je pense que oui ». Les débats devraient se poursuivre deux jours jusqu’au jeudi 16 avril, le vote n’intervenant que le 5 mai, après les vacances parlementaires. Selon ces premières déclarations, une bonne partie des débats sera dans la critique des postures des uns et des autres. Ce sera certainement à qui sera le plus « patriote », chacun dénonçant l’attitude attentiste de l’autre à un moment ou un autre.

 

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