Le 9 avril dernier sept hébergeurs français (AFHADS, Gandi, IDS, Ikoula, Lomaco, Online, OVH) publiaient un document commun destiné au Premier ministre et aux élus de la nation dans lequel ils menaçaient de quitter la France si la loi sur le Renseignement leur imposait des boîtes noires permettant de capter les données personnelles des utilisateurs.

Cette obligation leur paraissait liberticide, d’autant que le texte de loi prévoit que la procédure de mise en oeuvre d’une surveillance se fasse à la demande de l’exécutif, sans le contrôle d’un juge.

Devant cette fronde, à laquelle s’était rapidement joint un autre hébergeur, NBS System, les signataires du texte avaient été conviés à une réunion avec le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, celui de l’Economie, Emmanuel Macron, et la secrétaire d’Etat chargée du Numérique, Axelle Lemaire.

À l’issue de l’entrevue, les hébergeurs estimaient avoir reçu des garanties suffisantes de leurs interlocuteurs.

Marché de dupes ? Oui si l’on en croit Gandi qui vient de publier un communiqué s’étonnant que  » les engagements, pris oralement, n’ont pas été transcrits dans l’amendement 437 proposé suite à cette rencontre et approuvé par l’Assemblée Nationale le soir même « .

Cet amendement se contente de rappeler uniquement le principe de proportionnalité en vertu de quoi l’analyse du trafic sera limitée  » aux éléments strictement nécessaires à la détection d’une menace terroriste « . L’abandon de la procédure d’urgence et la possibilité, pour les opérateurs,  » de s’assurer de s’assurer par eux-mêmes que les données de contenu seront exclues de la mise en œuvre de ces traitements «  figurent également dans l’amendement voté par l’Assemblée Nationale. Point.

 » Les modalités de mise en oeuvre présentées lors de cette réunion devront donc faire l’objet d’un décret d’application, modifiable à tout instant par un nouveau décret qui rendrait caducs les engagements pris par le gouvernement actuel « , s’inquiète l’hébergeur qui rappelle  » sa plus grande prudence face à la toxicité de cette loi, qui ne respecte pas le principe de séparation des pouvoirs « .

Gandi va se développer au Luxembourg

Il indique qu’il va poursuivre son développement à l’étranger, notamment au Luxembourg où il dispose déjà d’un datacenter et d’équipes sur place.

Il annonce par ailleurs qu’il participera à la journée de mobilisation prévue le 4 mai prochain aux côtés de La Quadrature du Net (qui défend les droits et les libertés des citoyens sur internet).

Gandi suit ainsi les traces d’Altern.org et Eu.org, qui ont décidé de déménager leurs serveurs  » dans un pays plus respectueux des libertés individuelles « , pour reprendre les termes du premier.

Pour désamorcer les critiques contre le texte, François Hollande a promis de le soumettre au Conseil constitutionnel avant sa promulgation.  » Une mesure d’évitement du débat public « , estime la Quadrature du Net.

Sensée combattre le terrorisme, la loi sur le Renseignement vise à lutter contre l’espionnage économique. « Ce dont il s’agit, c’est uniquement de la lutte contre le terrorisme ou de nos intérêts car il y a aussi des personnes qui viennent nous espionner pour savoir comment nos entreprises travaillent », a ainsi rappelé le chef de l’Etat dans son interview à Canal + dimanche dernier. Une dimension qui laisse libre cours à beaucoup d’interprétations.