À l’occasion de l’annonce du démarrage de la construction de son campus de datacenters Paris Digital Park, présenté comme le plus grand de France, Fabrice Coquio, président d’Interxion France, revenu sur les tenants et aboutissants de ce projet et sur les conséquences de la crise Covid-19.

Channelnews : Vous avez annoncé à la fin du mois dernier, en plein confinement, la construction d’un nouveau méga datacenter d’une puissance de 19 mégawatts à La Courneuve (93) dont la première tranche devrait être achevée fin 2021. En communiquant à ce stade, vous rompez avec votre ligne de conduite habituelle consistant à ne communiquer sur vos nouvelles installations qu’une fois leur construction achevée. Pourquoi ce choix ?

Fabrice Coquio : En effet, nous avons l’habitude de communiquer au moment des ouvertures. Mais cette fois, nous avons voulu attirer l’attention sur un projet qui est unique par sa taille, par sa proximité avec Paris et par sa conception intégrée à l’espace urbain. Le datacenter annoncé sera en réalité la première unité d’un campus de quatre datacenters baptisé Paris Digital Park, appelé à devenir à terme le plus grand campus de datacenters de France avec une puissance totale de 85 mégawatts pour près de 40.000 mètres carrés d’espaces équipés, soit l’équivalent de 10 terrains de foot. Le site retenu est celui d’Eurocopter/Airbus Elicopters à 3 kilomètres de la Porte de la Chapelle à La Courneuve. En règle générale, les campus de nos confrères sont plutôt implantés à 40 ou 50 kilomètres des centres villes. Enfin, les bâtiments seront cachés derrière un exosquelette de 24 mètres de haut qui, au-delà de son parti-pris esthétique, servira de protection sonore pour les riverains. L’ensemble respectera le nouveau PLU de Plaine Commune imposant 30% d’espaces végétalisés pour les bâtiments d’activité. Une parcelle de 7.500 mètres carrés (soit 7,5% de la surface totale) sera même consacrée à l’aménagement d’un jardin d’agrément qui sera mis à disposition des habitants du quartier.

Channelnews : En quoi est-ce si important d’être près de Paris ?

Fabrice Coquio : D’abord pour l’accessibilité. C’est devenu un critère clé pour nos clients. Ils ont besoin d’accéder facilement à nos sites 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Paris Digital Park sera positionné au niveau de la sortie La Courneuve de l’A86, juste à l’embranchement vers l’A1, à proximité de la station de Tramway – et bientôt de la nouvelle ligne de métro – Six routes sur la nouvelle ligne du Grand Paris. Ensuite, pour avoir de l’intérêt, les datacenters doivent être à proximité immédiate des cœurs de réseaux primaires des opérateurs télécoms. C’est le cas dans cette zone de la Plaine Saint-Denis du Nord-Est parisien où se concentrent les principaux cœurs de réseaux français.

Channelnews : Quel est l’intérêt de disposer d’une telle capacité ?

Fabrice Coquio : Cela répond à un besoin de nos clients, notamment des grandes plateformes cloud. Celle-ci en sont à une nouvelle phase de leur développement en France. Après une première phase d’implantation durant laquelle elles ont privilégié des capacités de 3 à 5 mégawatts par site, elles recherchent désormais des capacités plus conséquentes de l’ordre de 5 et 10 mégawatts. Elles souhaitent concentrer leurs investissements sur des sites à forte capacité afin d’éviter la complexité et les coûts liés à la synchronisation de multiples plateformes distantes. Ce nouveau campus sera donc l’opportunité pour ces clients de continuer à planifier leur croissance sur le moyen terme tout en simplifiant leur organisation et en s’épargnant des coûts. C’est valable aussi pour les plateformes de média digitaux et les grands comptes français pour qui la proximité avec les grands clouds est un argument supplémentaire. Un campus comme le Paris Digital Park permettra de regrouper au même endroits les plateformes cloud, les plateformes de média digitaux et les grands comptes.

Channelnews : Quel a été l’impact de la crise Covid-19 sur Interxion ?

Fabrice Coquio : Positif. La crise a montré que les entreprises, comme les services publics, dépendaient autant des datacenters que des réseaux télécoms pour assurer la continuité de leurs opérations. Encore fallait-il que les datacenters puissent rester 100% ouverts et accessibles pour que clients puissent continuer à assurer leurs gestes de proximité. Ce fut le cas chez Interxion. On a bien eu un effet de pointe mais il n’y a pas eu d’explosion de la charge mettant en danger cette continuité d’exploitation. Nous n’avons pas été pris au dépourvu. Les personnels non indispensables sur sites sont rapidement passés en télétravail et des mesures de protection des personnels et des clients (agents de sécurité, masques, gels, séparation des flux…) ont tout de suite été mises été mises en place. Notre métier, c’est justement d’assurer la continuité de service en toute sécurité. En pratique, on a continué à voir des demandes clients arriver pendant la crise. Beaucoup ont connu des soucis avec leurs salles informatiques internes et ont enclenché un processus d’externalisation. Les marchés financiers ne s’y sont d’ailleurs pas trompés : l’action de Digital Realty, la maison mère d’Interxion [depuis mi-mars], a progressé de près de 20% depuis le début du confinement. Les investisseurs ont compris que Digital Realty est une valeur refuge, avec des revenus récurrents et dont le métier n’est pas concerné par les réductions de coûts.