« AWS est une drogue douce. Plus vous en prenez, plus vous l’aimez, alors … me sevrer, cela me semble compliqué », a déclaré à Reuters la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des finances, Agnès Pannier-Runacher.

Classé premier fournisseur dans toutes les régions du monde selon Synergy Research, AWS contrôlerait 40% du marché du cloud public, une hégémonie que la ministre trouve dangereuse, craignant que la firme de Seattle n’en profite pour augmenter ses prix. Elle pointe par ailleurs le risque que le groupe laisse les agences de renseignement américaines accéder aux données des entreprises européennes, en vertu du Cloud Act adopté par les Etats-Unis en 2018. Expliquant que le temps presse, elle appelle donc les dirigeants européens à conserver le contrôle sur ses données. « Ce que je dis à mes amis européens, c’est que si dans 24 mois, nous ne sommes pas en mesure de trouver une alternative, le risque de perte de souveraineté est réel », a-t-elle déclaré. « C’est ce que j’entends des experts, y compris des Français de la Silicon Valley, qui soulignent l’inquiétude que suscite cette situation ».

Contacté par Reuters, un porte-parole d’AWS n’a pas jugé bon de commenter ces propos. Le géant du cloud indique toutefois sur son site Web qu’il est conscient que ses clients « tiennent à la confidentialité et à la sécurité des données ». « Nous mettons également en œuvre des contrôles techniques et physiques responsables et sophistiqués, conçus pour empêcher tout accès non autorisé au contenu (du client) ou à sa divulgation », ajoute-t-il.

A l’occasion de la conférence IA Labs organisée à Paris le mois dernier, le ministre des finances Bruno Lemaire avait indiqué que son gouvernement avait demandé à OVH et Dassault Systèmes d’élaborer un projet pour briser la domination des entreprises américaines du secteur. « Sur la base de ces résultats, nous voulons construire un cloud fiable pour stocker les données les plus sensibles de nos sociétés », avait-il affirmé précisant que le projet serait réalisé au niveau franco-allemand dans un premier temps et éventuellement au niveau européen ensuite.

La précédente tentative de lancer un cloud souverain s’est soldée par un échec cuisant. Deux consortiums, l’un mené par Orange et Thalès, l’autre par SFR et Bull ont tenté de développer une alternative aux services des fournisseurs américains. Malgré un investissement total de 450 millions d’euros, les deux tentatives n’ont pas rencontré le succès escompté. On notera que, partie prenante du projet Orange-Thalès, Dassault Système avait rapidement jeté l’éponge. Voici donc le premier éditeur français de logiciel chargé de mettre au point une nouvelle formule. Réussira-t-il ?