Alors qu’on parle de plus en plus d’un accord syndicats-patronat au sujet du chômage partiel des informaticiens, nous avons demandé ce qu’il en était à Ivan Béraud, secrétaire national F3C CFDT.

 

Channelnews : Des rumeurs font état d’un accord imminent entre les organisations syndicales et le Syntec Informatique au sujet du chômage partiel. Qu’en est-il ?

Ivan Béraud : Ce n’est pas nouveau ! Cela fait six mois que cela dure. En l’état actuel des choses on est loin d’un accord. Plusieurs points chauds subsistent. En numéro un vient les modalités d’indemnisations. Il y a ensuite le suivi des salariés. Troisième point chaud : l’articulation avec les inter-contrats. Il ne faut pas qu’il y ait confusion entre chômage et inter-contrat. Quatrième point chaud : la formation. Nous demandons des plate-formes régionales avec un suivi individuel des salariés.

Bien entendu, le patronat est opposé à tout cela. Celui-ci est d’ailleurs divisé en deux camps. Il y a ceux qui pensent que le moment est idéal pour faire culbuter les concurrents et il y a ceux, en difficulté, qui sont prêts à saisir la main des syndicats. Nous pensons de notre côté, que ce n’est pas parce que certaines entreprises sont mal gérées que leur personnel doit passer à la trappe. D’autant que le marché de l’emploi se porte mal. Les recrutements sont ainsi bloqués depuis le début de l’année. Les jeunes qui vont arriver sur le marché risquent de se retrouver au chômage.

 

Vous évoquez des entreprises mal gérées. Que voulez-vous dire ?

Ivan Béraud : Certaines entreprises perdent des marchés les uns après les autres alors que d’autres en gagnent plus qu’elles n’en perdent. Et je ne parle pas de petites PME mais de grosses sociétés qui emploient des milliers de salariés. Il s’agit d’entreprises qui figurent dans le Top 20 des SSII publié récemment. La recomposition du marché se fait tous les jours.

Celles qui font du prêt de salarié ont perdu, elles paient la crise actuelle. Le gouvernement a d’ailleurs rappelé que le prêt de main d’œuvre était de l’intérim. Les clients qui recherchent ce type de service s’adressent aujourd’hui aux sociétés d’intérim. Au contraire, les SSII qui gagnent des projets offrent de vrais services. Elles proposent des équipes projet avec un responsable hiérarchique. Celles-là préservent bien souvent leur marge malgré la pression sur les prix.

Aujourd’hui les clients affectent des budgets pour avoir des résultats, non pour avoir des salariés à leur disposition. La crise accélère cette évolution. Il y a aussi de moins en moins de clients qui ont besoin de développement à façon. Soit ils gardent la maîtrise de leur projet en interne soit, pour des problèmes de coûts, ils font appel à l’offshore. Les Indiens, les Chinois et les pays du Maghreb sont très présents sur ces marchés. Cela ne sert à rien d’essayer de les concurrencer.

 

Parlons des SSII qui préservent leur marge…

Ivan Béraud : Aujourd’hui le client veut une prestation globale avec garantie de résultat pour un budget déterminé à l’avance. Les SSII qui se positionnent sur ce type de projet gagnent des marchés. Celles qui proposent habituellement des prestations en régie essayent de s’engouffrer dans cette brèche. Malheureusement elles ne disposent pas de l’encadrement nécessaire et perdent des marchés. Y compris celles qui travaillent habituellement pour des secteurs qui ne souffrent pas de la crise comme EDF ou la SNCF.

C’est la même chose dans l’aéronautique avec les sociétés d’ingénierie. Celles qui tiennent leurs coûts conservent leur place, celles qui dérapent sont sanctionnées. Que celles-ci fassent le grand saut ne me pose pas de problème. C’est la loi du capitalisme. Mais ce n’est pas aux salariés de payer l’addition. C’est pour cela que nous sommes très attentifs à la formation qui permet à ceux-ci de rebondir.

 

Que pensez-vous de la mise en place de centres de services qui proposent des prestations réalisées dans les locaux de la SSII et non dans ceux du client ? C’est, pour les SSII, une réponse à la crise ?

Ivan Béraud : Cela fait 20 ans que cela existe. Unilog et Atos ont mis en place de tels centres depuis plusieurs années. Ils structurent d’ailleurs leur offre en région autour de ces centres. Cela permet également à certaines PME régionales, notamment en Bretagne ou à Bordeaux, de tenir le marché local.